Éviter la surchauffe et comment refroidir les villes

Par Dominique BIDOU, président d’honneur de l’Alliance française HQE-GBC le 15 septembre 2022

Les vagues de chaleur, qui se produiront de plus en plus souvent, conduisent à la mise en place de politiques de résilience, notamment dans les villes. Comment refroidir les villes, pour éviter la surchauffe ?

Malgré tous les efforts que l’on peut imaginer, il est désormais certain que la planète va se réchauffer. Même 1,5 degré de plus en moyenne provoque un phénomène de canicule, dont on sent les prémices et qui va s’amplifier au cours des prochaines années. Les conséquences sont nombreuses, notamment sur notre confort et notre santé durant l’été. On parle de « confort d’été », mais il s’agit aussi de santé, notamment pour les personnes les plus vulnérables.

Comment refroidir les villes et comment refroidir leurs habitants

Il faut se rafraîchir ! Coup de frais sur les villes !

Il faut se rafraîchir ! Coup de frais sur les villes !

En buvant de l’eau ou des rafraîchissements, en se mouillant, en éclaboussant, en allant à l’ombre, en profitant des moindres courants d’air, etc. Le problème est particulièrement grave dans les villes, notamment celles du Nord qui ne sont pas conçues pour lutter contre la chaleur comme celles du Sud. Les centres-villes sont particulièrement touchés, avec ce que l’on appelle les « îlots de chaleur urbains ».

Il n’est pas rare de mesurer des différences de plus de 5° entre les centres et la campagne environnante, une différence lourde de conséquences pendant les nuits d’été. Alors la tentation de la climatisation devient trop forte, une solution individuelle qui consomme de l’énergie et rejette de la chaleur. Il est toujours préférable de refroidir les villes elles-mêmes, plutôt que de transférer tous les efforts sur les individus.

Comment faire ? Laisser faire la nature !

Comment faire ? Laisser faire la nature !

Souvenez-vous, à l’exposition générale de Séville en 1992, on voyait des brumisateurs pour rafraîchir l’atmosphère. De fines gouttelettes projetées dans l’air produisent du froid en s’évaporant. L’évaporation nécessite de la chaleur, qu’elle extrait de l’air ambiant. Un phénomène bien connu dans les villages du sud, où l’eau est jetée à terre en fin d’après-midi sur les places où l’on se retrouve au frais.

Fraîcheur apportée par cette eau bienfaisante, mais aussi par les platanes ou les arbres quels qu’ils soient, et leurs ombres bienfaisantes. La végétation est doublement rafraîchissante : par son ombrage et par l’humidité qu’elle dégage. C’est l’évapotranspiration. Arrosez à nouveau, sous une autre forme, sans avoir besoin d’arroser ni de vaporiser. La nature fait le travail. Encore faut-il que les arbres puissent pomper l’eau du sol, et que les sols aient pu la stocker.

Ensuite, il y a un autre aspect du problème : l’imperméabilisation des sols. Les sols très compactés ou recouverts d’asphalte, de goudron ou de béton ne peuvent plus absorber l’eau de l’air, et encore moins accumuler des réserves pour l’été. Sols imperméables, et généralement plus foncés. Au lieu d’absorber l’eau, ils absorbent la chaleur des rayons du soleil. Tout faux. On sait désormais rendre les sols plus perméables, y compris avec des textures dures pour permettre la circulation si besoin. Les documents d’urbanisme dont disposent les collectivités locales leur donnent le pouvoir de fixer des taux de perméabilité en fonction de la situation. Les villes peuvent aussi utiliser les plans d’eau pour récupérer l’eau de pluie, des réserves très utiles en cas de sécheresse.

L’eau et la végétation au secours du climat, ce n’est pas un scoop

L’eau et la végétation au secours du climat, ce n’est pas un scoop

Mais sa mise en œuvre n’est pas si simple. La proximité de l’eau est une bénédiction, sauf en cas de tempêtes et d’inondations violentes, ce que le changement climatique nous promet de faire plus souvent. La densité des centres urbains ne permet pas l’implantation de nouveaux espaces verts, de nouveaux plans d’eau là où ils sont le plus nécessaires. Bien sûr, il est possible de trouver des interstices ici ou là, ou de déplacer des murs verticaux là où la surface horizontale est rare. Les murs végétalisés offrent une source de fraîcheur, notamment sur les murs ouest qui captent toute la chaleur du soleil en fin d’après-midi. Les toits des bâtiments qui le permettent seront végétalisés, parfois arborés. Mais cela sera souvent insuffisant dans les villes anciennes, il faut trouver d’autres leviers.

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Il y a une couleur. L’obscurité retient la chaleur, la lumière la restitue. Peignons tous les toits en blanc, et nous renouvellerons la ville ! Une idée née à l’université de Berkeley, largement développée aux Etats-Unis, et notamment à New York, où plus d’un million de mètres carrés ont été blanchis en 10 ans. Double dividende, température extérieure plus basse et facture de climatisation moins élevée. Un mouvement européen en faveur de ces « cool roofs » nous transpose le dynamisme américain, mais la vieille Europe et ses villes denses n’offrent pas les mêmes possibilités que les villes d’outre-Atlantique. Des couleurs claires peuvent être choisies pour les espaces publics, les couches de bâtiments à construire, et certaines collectivités utilisent ce type de mesure. Mais nos centres anciens n’offrent pas toujours, loin s’en faut, des toits horizontaux faciles à peindre, les villes ont des couleurs qui font leur charme et contribuent à leur attrait. Blanc, oui, mais il y a quand même des limites.

Il y a le vent. La vitesse de l’air provoque mécaniquement une baisse de la température perçue, comme l’indique la météo. La ventilation des rues produit une « sensation » de froid en hiver et de froid en été. La prise en compte des vents dominants en été peut offrir une solution pour des zones nouvelles ou profondément transformées, où il y a encore de la place pour bouger. Mais attention à ne pas créer de quartiers glacés et invivables l’hiver pour le plaisir de l’été. L’équation est délicate, et elle produit aussi des effets dans d’autres domaines : le mouvement de l’air est favorable à la dispersion des pollutions, mais il y a des morphologies urbaines trop perméables aux vents aussi aux décibels. Il sera plus facile de maintenir des zones calmes dans une ville cloisonnée. Là encore, la ventilation fait partie de la réponse à la question du réchauffement urbain, mais elle doit être utilisée avec précaution.

Une autre voie régénératrice doit être explorée. Il n’y a pas que le soleil qui fournit la chaleur, les villes la produisent elles-mêmes. Comment réduire cet apport ? Les solutions sont multiples, et concernent la mobilité (moins de véhicules thermiques notamment), le logement et certaines activités (pas de climatisation grâce à une conception climatisée), et les activités qui par nature dégagent de la chaleur.

Le refroidissement des villes, nécessaire en raison du réchauffement climatique, peut recourir à une gamme de méthodes très différentes, et il est clair qu’aucune de ces méthodes ne sera suffisante à elle seule. C’est donc un assemblage qu’il faut composer, en commençant le plus tôt possible pour tout ce qui touche à la structure des villes, à leur morphologie. Eau, végétation, air, sol, couleur, mobilité, habitat, activité, il y en a pour tous les goûts.

Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été administrateur au ministère de l’environnement et président d’honneur de l’association HQE (aujourd’hui HQE Alliance – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit plusieurs ouvrages tels que « Développement Durable, un Métier d’Entrepreneur », anime son blog…

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