Un résultat historique pour la cliente Mette Frederiksen. Le bloc de gauche du Premier ministre danois sortant a remporté les élections législatives anticipées avec 27,5 % des voix. Cette élection a été déclenchée par le scandale avec le massacre de millions de kunas porteurs de la mutation du coronavirus en 2020. Bien qu’affaiblie par ce scandale, la social-démocrate a remporté de justesse la majorité au parlement avec sa coalition. Fort de cette victoire, le Premier ministre entend désormais former un gouvernement d’union au centre de l’échiquier politique.
Malgré tout, le bloc de gauche emmené par la social-démocrate Mette Frederiksen a remporté la majorité absolue nécessaire de 90 sièges lors d’élections législatives anticipées, mardi 1er novembre. La droite et l’extrême droite ont obtenu 73 sièges et le centre 16.
« Je suis incroyablement heureux et fier. […] Nous avons mené une excellente campagne », a déclaré le dirigeant danois dans un discours après l’annonce des résultats. Elle a également souligné que le Parti social-démocrate venait d’obtenir « ses meilleurs résultats » depuis plus de 20 ans.
L’ombre de « l’affaire des visons »
Mais la victoire n’était pas garantie après « l’affaire des visons » qui a fait tomber le gouvernement de Mette Frederiksen. Le scandale a suscité les passions dans l’espace politique et médiatique danois ces derniers mois. En novembre 2020, le Premier ministre a donné l’ordre d’abattre 15 millions de kunas, des animaux dont le Danemark était à l’époque le premier exportateur mondial de fourrure.
Cette mesure visait à contenir l’émergence d’une variante du covid dans les élevages. Puis il s’est avéré que le gouvernement n’avait aucune base légale pour l’imposer aux éleveurs. « Le résultat des dernières élections législatives n’était donc pas forcément attendu compte tenu de l’implication de Metta Frederiksen dans le scandale de la kuna. […] En même temps, elle sort d’une crise sanitaire avec une grande confiance chez les Danois […] grâce à un taux de mortalité parmi les plus bas d’Europe », analyse Yohann Aucante, maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales ( EHESS).
► À lire aussi : Covid-19 : excuses et embarras de la Première ministre danoise Mette Frederiksen
Engagée en politique dès l’adolescence
Lorsqu’elle est arrivée au pouvoir en 2019, Mette Frederiksen était la plus jeune Premier ministre du Danemark. Fille d’un typographe et d’une enfant travailleuse, elle a étudié dans les mouvements de jeunesse de sa formation politique. Adolescente, elle s’est battue contre l’apartheid en Afrique du Sud et a contribué à l’ANC, le parti de Nelson Mandela. « Mette Frederiksen est un pur produit de la formation social-démocrate. […] Elle a ensuite suivi un parcours typique de ces cadres de parti », explique Yohann Aucante, spécialiste de la politique des pays nordiques.
La future Premier ministre a été élue députée à l’âge de 23 ans, et en 2011 elle est devenue ministre de l’Emploi puis en 2014 de la Justice. L’année suivante, elle succède à Helle Thorning Schmidt à la présidence du parti social-démocrate, qui perd le pouvoir après une défaite électorale.
Politique migratoire sévère
Le Premier ministre affiche le visage d’un simple élu sur les réseaux sociaux, il adore le pâté ou les sandwichs au maquereau, deux des ingrédients les plus humbles de l’assiette danoise. Mette Frederiksen veut écouter les préoccupations de ses concitoyens. Pour preuve, le leader social-démocrate a opéré un virage idéologique sur les questions migratoires. Venant de la gauche, la cible compte désormais zéro réfugié, à l’exception des Ukrainiens fuyant l’invasion russe.
« Au début des années 2000, elle critiquait les vues du Parti social-démocrate sur l’immigration comme étant trop à droite », se souvient Rune Stubager, politologue à l’université d’Aarhus au Danemark. Aujourd’hui, elle incarne la position plutôt dure sur l’immigration représentée par son parti au parlement. Malgré les grincements de dents de l’ONU et de l’Union européenne, Mette Frederiksen se lance dans un projet controversé de délocalisation de l’accueil des demandeurs d’asile au Rwanda sous peine de perdre les permis de séjour des Syriens des régions désormais considérées comme sûres.
► À lire aussi : Danemark : à l’approche des élections législatives, tous les partis veulent une politique migratoire dure
Vers un gouvernement d’union ?
Avec la majorité absolue obtenue aux dernières élections législatives, Mette Frederiksen n’a donc théoriquement pas besoin de mener une alliance avec l’ancien Premier ministre centriste Lars Løkke Rasmussen. Néanmoins, il tend la main pour former une large coalition. Le Premier ministre espère également rallier les libéraux, au risque de s’aliéner ses alliés d’extrême gauche. « Elle devra trouver un moyen d’atteindre un équilibre entre certaines des politiques économiques de droite du parti social-libéral et les positions plus à gauche de partis comme le socialiste », note Rune Stubager.
Au lendemain de l’élection, Mette Frederiksen a présenté sa lettre de démission à la reine du Danemark. Le 4 novembre, il a entamé des discussions avec des partenaires sur la formation d’une coalition. Le nouveau gouvernement ne verra pas le jour avant plusieurs semaines.