WILHELMSHAVEN, Allemagne : Au bout d’une jetée balayée par les vents en mer du Nord se trouve le chantier de construction le plus stratégique d’Allemagne : la construction du premier terminal de gaz liquéfié du pays.

Installée près du port de Wilhelmshaven, sur la côte de la mer du Nord, cette plateforme pourra fournir, dès cet hiver, l’équivalent de 20 % de ce que représentaient jusqu’à récemment les importations de gaz russe en Allemagne. Ils ont été signés après la guerre en Ukraine.

Au total, cinq projets ont été lancés cette année par le gouvernement à grands frais pour compenser l’arrêt des livraisons de Gazprom.

A partir de 2023, le total devrait fournir 25 milliards de mètres cubes par an, soit la moitié de la capacité du gazoduc Nord Stream.

Sur le chantier de construction de Wilhelmshaven, des ouvriers vêtus de jaune fluo travaillent sous la pluie à la surface d’une plate-forme en béton finie émergeant de l’eau.

Au sol, un ballet de camions amène sur le site des morceaux de canalisation grise, acheminés par grue, avant d’être reliés les uns aux autres, pour relier le terminal au réseau existant, sur plus de 28 kilomètres.

Les terminaux méthaniers permettent de regazéifier le gaz naturel importé de la mer, qui était auparavant liquéfié pour être plus transportable.

Ils consistent en une plate-forme offshore reliée par des conduites au réseau gazier terrestre. Un bateau appelé FSRU y est amarré, loué depuis plusieurs années. Stocke et regazéifie le gaz liquide.

Contrairement à d’autres pays européens, l’Allemagne ne disposait pas de tels équipements, ni en mer ni sur terre, préférant profiter de la ressource peu coûteuse provenant des pipelines russes.

Mais après l’invasion de l’Ukraine, la Russie a d’abord réduit drastiquement ses expéditions, qui représentaient auparavant 55 % des importations allemandes, avant de s’arrêter début septembre.

Pour assurer sa sécurité énergétique et sauver son industrie gazière, Berlin investit massivement dans le GNL.

Le gouvernement a déjà conclu des accords avec des pays du Golfe comme les Émirats arabes unis ou le Qatar pour importer davantage de gaz liquide.

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Berlin a également débloqué trois milliards d’euros pour louer des navires FSRU afin d’équiper ses terminaux.

Le pays a adopté au printemps une loi qui a considérablement accéléré les procédures d’ouverture rapide des terminaux.

A Wilhelmshaven, le chantier avance à grands pas. On voit ces filets dressés au milieu des champs ou des pâturages sur lesquels paissent encore les vaches laitières.

Le terminal doit donc être achevé « d’ici cet hiver », assure à l’AFP Holger Kreetz, directeur opérationnel du groupe énergétique allemand Uniper, qui gère le projet.

Une rapidité extraordinaire, signe que le gouvernement considère ce sujet comme prioritaire : « normalement, on réalise un tel projet en 5, 6 ans », ajoute M. Kreetz.

L’initiative est globalement bien accueillie dans une ville marquée par la désindustrialisation et où le taux de chômage dépasse les 10 %, soit près du double de la moyenne nationale.

« C’est bien que ce soit à Wilhelmshaven (…) Ça va apporter des emplois », a déclaré à l’AFP Ingrid Schon, 55 ans, en traversant l’artère principale de la ville.

Au contraire, certaines associations environnementales dénoncent les risques liés à l’accélération des procédures d’évaluation des impacts environnementaux.

Les jeunes militants du mouvement allemand « Ende Gelände » ont bloqué le travail à Wilhelmshaven pendant une journée en août.

Selon l’association DUH, le projet « détruit de manière irréversible des écosystèmes sensibles et met en danger l’habitat des marsupiaux ».

L’origine du gaz importé, qui pourrait provenir notamment de la fracturation hydraulique aux Etats-Unis, une pratique controversée d’un point de vue environnemental, est également mise en cause.

Ces critiques ont été balayées par le ministre du Climat Robert Habeck, mais écologiste, qui martèle la priorité donnée à la « sécurité énergétique » par le gouvernement.

Le site doit, d’ici 2030, être converti à l’hydrogène vert, une technologie propre dont Berlin veut devenir le champion dans les prochaines décennies.