La police de Carpentras a révélé les faits à sa mère en novembre 2020 lorsque son père avait déjà été arrêté pour avoir filmé les jupes de femmes au centre commercial.
Après une enquête de la section criminelle de la police judiciaire d’Avignon, une soixantaine d’hommes ont été inculpés et incarcérés. La famille attend le procès du mari et du père, dont la date n’a pas encore été fixée.
Mais au-delà de sa tragique histoire familiale et personnelle, Caroline Darian veut « dépasser cette douleur pour en faire quelque chose de plus noble et utile pour les femmes victimes de l’asservissement chimique ».
C’est aussi le thème de ce touchant livre de témoignages.
« Pour moi elle est un exemple »
Dix-huit mois après les faits, comment va votre mère ? Toi aussi?
Ma mère est une femme qui est restée debout, ce qui est remarquable. Elle veut rester digne, la tête haute et que justice soit rendue. Elle aimerait retrouver une certaine forme de dignité après la procédure judiciaire. Elle a une force mentale et ne veut pas être vue ou perçue comme vulnérable. Pour moi, elle est un exemple.
C’est évidemment encore très douloureux pour moi. Je ne suis pas guéri et je me bats tous les jours. Mais je veux dépasser cette douleur pour en faire quelque chose de plus noble et de plus utile pour les femmes victimes de soumission chimique ou qui ont des doutes et n’ont pas pu porter plainte ou recevoir de soins.
Vous sortez un livre de ce drame : pourquoi ? Où as-tu trouvé la force d’écrire ?
Le déclic a été mon effondrement pendant cinq jours entre le 2 novembre et le vendredi 7 novembre 2020 lorsque j’ai retrouvé ma mère à Mazan, où mes deux frères et moi avons vidé sa maison. C’est une semaine terrible où je mange peu et dors peu. Je me suis retrouvé dans une salle d’urgence psychiatrique où je n’aurais jamais dû atterrir.
« Ce drame a réveillé en moi une forme de révolte »
Je commence à écrire mes émotions très rapidement. J’écris pour moi, mais je sais très vite que je veux en faire quelque chose, mais je ne sais pas sous quelle forme. Cette histoire m’a durement touché et m’a fait perdre l’équilibre, qui pensait que j’étais un dur à cuire. L’écriture est une libération et c’est aussi thérapeutique pour me guider vers la guérison.
Les faits, les propos des policiers après la découverte sont au-delà de la réalité : comment réagit-on ?
Je saute dans une autre dimension. A Avignon, la police nous explique à mes frères et moi ce qui s’est passé. C’est tout simplement inimaginable. J’entends ce qu’ils disent, mais je ne peux pas l’intégrer.
« il a volé une partie de mon insouciance et une partie de moi »
Vous n’avez jamais soupçonné ce que faisait votre père ?
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Non, car tout est fait avec minutie, avec un tel degré de prévoyance qu’il faudrait être aussi pervers que lui pour le voir. Moi qui me croyais intuitif et clairvoyant, je culpabilise même si je n’aurais pu imaginer ou soupçonner mon père.
Comment ce drame a-t-il changé votre vie ?
Il y a une fissure qui ne se fermera jamais. Je me rends compte que je ne connais pas vraiment l’homme qui m’a élevé et élevé. Le plus troublant, c’est que je n’ai pas été élevé par un père macho ou violent, au contraire. J’ai été élevé par un père normal, exemplaire, qui a participé à la vie de famille. Et tout d’un coup, toutes les fondations et tous les repères s’effondrent. C’est un terrible sentiment de trahison.
N’êtes-vous plus la même femme ?
non. Mais je ne pense pas avoir fini de marcher vers la meilleure version de moi. Ce drame a réveillé en moi une forme de révolte contre le manque de respect envers les femmes. En 2020, je pensais qu’on avait avancé, que la question du consentement était donnée. En fait non. Aujourd’hui, je veux participer modestement à la transformation et au changement des choses.