Alors que les initiatives se multiplient à l’occasion d’Octobre Rose

, France bleu Loire Océan a rendu visite au docteur Fabienne Marchand-Lamiraud, chirurgien-gynécologue à la polyclinique Saint-Herblain, dans la métropole nantaise. Elle se souvient encore des paroles terribles qui ont suivi cette patiente atteinte d’un cancer du sein. C’était il y a 6-7 ans : une femme dans la quarantaine, avec deux enfants en bas âge et la peur qu’un jour son mari parte. Elle dort en T-shirt parce qu’elle ne supporte pas que son sein soit endommagé par le cancer. Et à cause du traitement qui lui a permis de s’en sortir, elle souffre de sécheresse vaginale, ce qui rend chaque rapport sexuel douloureux. « Elle m’a dit ‘suis-je toujours une femme?’ Elle m’a donné un choc électrique », raconte le docteur Marchand-Lamiraud.

« On ne parle même pas de la vie intime. C’est pas compréhensible, j’ai quarante ans » – Céline, une patiente

Le médecin « veut aider ses femmes ». Car que ce soit la chimio, la radiothérapie ou l’hormonothérapie, ces traitements modifient la fonction ovarienne de ces femmes qui sont traitées pour un cancer du sein, de l’ovaire, de l’utérus, du rectum : les hormones féminines produites par les ovaires sont affectées par ces traitements. Ce manque d’hormones entraînera une sécheresse vaginale, une surchauffe, des rapports sexuels douloureux et une perte de libido.

Des traitements aux effets plus durables

Isabelle, la soixantaine, rappelle qu’elle ne pouvait plus porter de pantalons moulants ni de lingerie féminine « seulement des robes et des caleçons pour hommes ». Céline, la quarantaine, ne pouvait pas s’asseoir sur la selle de son vélo, souffrant en s’essuyant avec du papier toilette. « On ne parle même pas de vie intime. C’est incompréhensible, j’ai quarante ans. »

Dr. Marchand-Lamiraud recherche, interroge et trouve des publications aux États-Unis et au Canada qui parlent de traitements efficaces et durables. Techniques dites de régénération tissulaire. Ils sont homologués en France depuis 4-5 ans. Il s’agit d’injections d’acide hyaluronique sous anesthésie locale, de radiofréquence dans le vagin ou de luminothérapie avec une sonde.

Et selon le Dr Marchand-Lamiraud, c’est plus intéressant « que les œufs et les crèmes qu’on propose aux femmes depuis des années ». 80% des femmes arrêtent le traitement au bout d’un an à cause de la compulsion, car il faut en mettre tous les jours. Ça guérit non, ça maintient une certaine hydratation, du confort, mais dès qu’on arrête, tout recommence. De plus, ça oblige à porter des protège-slips. Les techniques actuelles ont le « grand avantage de faire un traitement qui va presque vous protéger pendant un an, et nous renouvelons un traitement d’entretien annuel. »

« On retrouve des possibilités physiques et donc notre morale » – Isabelle, la soixantaine

C’est ce qu’ont fait Céline et Isabelle. Céline confie : « Je n’ai plus aucune douleur. C’est comme si je n’avais jamais eu mon cancer, du moins à ce niveau. » Isabelle, qui dit avoir « un compagnon de jeu bienveillant et patient », évoque la joie de retrouver une vie intime : « on retrouve des possibilités physiques et donc notre morale ». Que ces femmes puissent avoir une vie intime comme n’importe quelle autre femme est important pour le Dr. Marchand-Lamiraud : « elles sont déjà parfois abîmées au niveau de la poitrine (…), donc elles n’ont plus de sexualité à ce point, pour elles, elles ont tout perdu. Toute leur féminité. »

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Des soins pris en charge par la Sécurité sociale pour les hommes, pas pour les femmes

Sauf que ces traitements, autorisés mais nouveaux, ne sont pas forcément connus : « mon premier combat est d’informer les femmes, qu’elles ont besoin d’être soignées, qu’elles ne sont pas seules, isolées. Les médecins ne sont pas tous formés, c’est récent. J’informe, Je forme les médecins », poursuit le Dr Marchand-Lamiraud. Elle anime des conférences avec des confrères. Elle reçoit aussi des patients qui viennent de Normandie, de Bretagne, de La Rochelle, de Poitiers, etc.

Son deuxième combat est le soutien financier à ces traitements. Pour le traitement initial, cela peut aller jusqu’à 700 euros. Après cela, il y aura des coûts associés aux interventions pour prolonger les effets, environ une fois par an. Sauf que, comme les œufs et les crèmes qu’il faut renouveler très, très régulièrement, ces traitements ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale. « Les hommes, lorsqu’ils ont des comorbidités associées au cancer de la prostate, la prise en charge du traitement pour obtenir une érection est systématique, indique le docteur Marchand-Lamiraud. Pour Isabelle, « on reste sur une approche très sexiste de ces situations. »

L’espoir d’un amendement bientôt au Sénat

Pour Céline, il ne s’agit pas de « soins de luxe, de confort ». Le docteur Marchand-Lamiraud parle de « soins de suite, de soutien. Il faut soigner les conséquences du traitement du cancer ». Ne plus souffrir, retrouver une vie intime harmonieuse, après le « tsunami qu’est le cancer », est important pour toutes les femmes, quel que soit leur âge, pour le Dr Marchand-Lamiraud. Selon elle, un tiers des couples divorcent là où la femme a eu un cancer. Elle nuance et précise que ces séparations ne sont pas forcément toutes dues au cancer, mais l’absence de vie sexuelle a forcément joué un rôle dans certains cas.

L’an dernier, la députée LREM de Loire-Atlantique Audrey Dufeu a déposé un amendement sur la sécurité sociale pour couvrir ces traitements. Si l’amendement est adopté à l’Assemblée nationale, il est rejeté au Sénat. Lorsqu’Audrey Dufeu n’a pas été réélue en juin dernier, elle a référé le docteur Marchand-Lamiraud à une collègue sénatrice : Catherine Deroche, sénatrice LR du Maine-et Loire. Avec l’espoir pour le docteur Marchand-Lamiraud d’un changement prochainement devant le Sénat.