Droit au farniente, réforme des retraites et violences sexuelles : les nupeaks contre le retour de tous les dang

La rentrée scolaire est marquée par les épreuves des Nupes. En Centre-Val de Loire, les élus de la France insoumise, le PCF, le PS et l’EELV voient arriver de nombreux défis nationaux : surmonter les différences, faire face aux réformes et gérer le choc de plusieurs cas de violences de genre.

La saison des meetings d’été touche à sa fin pour les partis de gauche, réunis pour la première fois depuis vingt-cinq ans sous la bannière du Nupes. Qu’elles s’appellent Summer Days pour EELV, universités d’été pour PS et PCF ou « Amfis » pour LFI, ces journées ont surtout été l’occasion pour chacun de réaffirmer sa singularité… voire son leadership.

Pourtant, la gauche unie en trois semaines à la veille des législatives dévoile ses divergences, voire ses fêlures. Lors de la Fête de l’Humanité, Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, a appuyé sur ces points de friction en opposant « la gauche du travail » et « la gauche des allocations ». Contrairement au revenu universel, il punit ceux qui « défendent le droit à la paresse ».

La députée EELV Sandrine Rousseau a répondu en disant que « mettre le travail comme seule valeur de la gauche n’est pas possible, surtout pour un communiste ». « On a le droit d’être paresseux », a-t-elle ajouté, paraphrasant le titre d’un livre de Paul Lafargue, militant socialiste et fils de Karl Marx. « On a le droit de faire des pauses dans la vie et surtout, il faut retrouver le temps, le sens du partage, la semaine de 4 jours. »

La passe d’armes est balayée par le flot des nouvelles, mais révèle les divisions des Nupes. Pour Charles Fournier, député EELV de Tours, le débat sur le travail est plus large, et mérite mieux que « ces petites phrases ».

« Pour nous, la société ne s’organise pas autour du travail, même si c’est un élément important », avance Charles Fournier, pour qui le travail n’a pas à être érigé en « valeur » en soi. « Il y a des gens qui choisissent de vivre très modestement, dans la sobriété absolue, et sans percevoir aucun revenu » cite le député.

Il y a aussi des gens qui ne peuvent pas travailler, qui sont handicapés, par exemple. Leur dira-t-on : « Votre valeur c’est le travail, donc vous n’avez aucune valeur, vous n’existez pas si vous ne pouvez pas travailler » ?

Charles Fournier, député EELV d’Indre-et-Loire

Cette conception du travail, pour l’élu de Tours, est étayée par l’idée néfaste qu’on est improductif, voire inutile, puisqu’on n’exerce pas de travail rémunéré. « Je connais beaucoup de personnes à Tours, dans le quartier de Sanitas, qui sont au minimum social mais rendent de nombreux services à leurs voisins. J’ai vu des habitants aider les personnes qui dorment dans la rue en leur apportant de la nourriture toute la journée. »

Du côté de la France insoumise, ce nouveau coin poussé par Fabien Roussel entre lui-même et ses alliés est même perçu comme « hors sujet ». Karin Fischer, conseillère régionale LFI en Centre-Val de Loire, estime que les positions des différentes composantes de Nupes sont globalement les mêmes. « Ce que nous voulons, c’est un travail bien rémunéré, qui corresponde aux compétences, et qui permette une vie décente. Mais nous voulons aussi le partage du travail, c’est-à-dire la réduction du temps de travail qui est possible grâce à des gains en -productivité.

« Je ne cacherai pas mon désaccord quand il y en aura », a conclu Charles Fournier. « Nous supposons ce qui est commun et ce qui est différent : cette société, et cette démocratie. » Nupes, rappelle-t-il, « est né du constat que nous avions 450 mesures communes et 36 sur lesquelles nous avons des différences ».

Et l’été 2022, marqué par la recrudescence des « injustices sociales et climatiques », « donne raison » selon lui à la gauche écologiste « sur le constat, mais aussi sur les solutions ».

Les solutions sont des luttes communes, à commencer par la « marche contre le coût de la vie et le manque d’action pour le climat » que LFI, EELV et le PS ont appelé le 16 octobre. Le PCF ne se joint pas à cet appel à manifester, mais, individuellement, des élus communistes annoncent leur volonté d’y participer.

C’est notamment le cas du député du Cher Nicolas Sansu, qui a affirmé sur Twitter qu’il va « travailler ». « J’aime la diversité chez Nupes », explique l’élu. « Mais porter une singularité ne nécessite pas toujours d’être singulier. » Le député marchera également les 22 et 29 septembre, lors des manifestations de soutien aux personnes qui s’en occupent annoncées par la CGT.

Avec la chute sont venus un certain nombre de combats qui ont donné à la gauche l’occasion de s’unir. La consultation sur la prochaine réforme de l’assurance-chômage doit s’ouvrir fin septembre. L’ancienne réforme, pourtant, « a déjà un bilan négatif », plaide Karin Fischer, et « a montré que ce n’est pas en punissant les chômeurs qu’on va leur donner du travail ».

Même son de cloche pour Jean-Pierre Sueur, qui estime que cette réforme ne doit pas « faire payer aux chômeurs le prix de la crise », alors même qu’un projet de loi vient d’être présenté sur la taxation des super-profits, notamment pétroliers et autoroutiers. 21 septembre par les quatre partis Nupes avec l’intention d’obtenir un référendum sur le sujet.

Une partie de cet argent pourrait même être redistribuée à des entreprises en difficulté, comme Duralex, dont l’usine du Loiret a dû arrêter son four en raison du prix du gaz. « Tous nos problèmes dans ce pays ont ceci en commun : aucun ne peut être résolu facilement, et tous exigeront à la fois du courage et de la justice. »

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Nous avons pu prendre des décisions difficiles pendant le covid, maintenant nous devons être capables de prendre des décisions pour sauvegarder notre industrie.

Jean-Pierre Sueur, sénateur PS du Loiret

L’autre champ de bataille sera la réforme des retraites, temporairement mise de côté en raison de la pandémie. Le 15 septembre, le ministre du Travail Olivier Dussopt n’écartait « aucune hypothèse » pour faire passer cette réforme, en l’incluant notamment dans un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cet amendement peut alors être soumis au recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet au gouvernement de l’imposer sans vote, mais avec le risque d’une motion de censure.

« Même si la majorité de la population est pour un retour à la retraite à 60 ans, le gouvernement veut nous imposer cette réforme par la petite porte, en force », a déploré Karin Fischer. Selon le rapport du Comité d’Orientation des Retraites (COR), les dépenses liées à la retraite sont fixées à l’équilibre à court terme.

Si le gouvernement veut pousser cette réforme, c’est pour réduire les dépenses publiques et consacrer cet argent à d’autres usages, par exemple que le coût de l’éducation soit payé par l’État plutôt que par les entreprises, et réduire les impôts sur les sociétés

Karin Fischer, conseillère régionale LFI Centre-Val de Loire

Et la bataille pour les retraites s’annonce déjà féroce. Le 27 juillet, alors qu’une majorité de députés Nupes, RN et LR avaient voté pour une revalorisation de 500 millions d’euros dans le système des retraites, le parti majoritaire a de nouveau voté en pleine nuit, ce qui s’est finalement soldé par un rejet. de la mesure.

Cependant, malgré les tentatives des trois autres composantes des Nupes d’affirmer leur indépendance, la France insoumise conserve un statut de primus inter pares au sein de cette alliance. « Je pense que ça nous a aidés à recadrer la gauche, et à la remettre en attaque », analyse Karin Fischer. De fait, avec 162 députés, la gauche unie n’a jamais été aussi forte à l’Assemblée depuis la quasi destruction du Parti socialiste par Emmanuel Macron en 2017.

Le Parti socialiste lui-même, grâce à sa participation au Nupes, semble pouvoir renaître de ses cendres. « L’union de la gauche », analyse le sénateur du PS du Loiret Jean-Pierre Sueur, est certes populaire, mais « il ne faut pas la faire à n’importe quel prix ». « Le Parti socialiste doit développer sa philosophie, qui est celle d’une société ouverte, d’initiative et de liberté, où l’Etat joue pleinement son rôle. Et il ne doit être remorqué par personne. » Implicite : et surtout pas du parti de Jean-Luc Mélenchon.

Cette subordination du PS à la FI a également été indiquée par l’ancien Premier ministre et ministre de l’Intérieur de François Hollande Bernard Cazeneuve, interrogé le 20 septembre sur franceinfo.

« C’est la gauche qui m’a quitté » en rejoignant LFI, a-t-il regretté qui lancera un nouveau « mouvement de réflexion » « On ne peut pas vouloir l’unité de la gauche et la division du pays en même temps », ajoute-t-il. L’ancien socialiste accuse aussi les Nupes d’être sectaires : « Tous ceux qui ont une autonomie de pensée sont excommuniés parce qu’ils ne sont pas dans la lignée ».

« Je connais Bernard et j’apprécie ses qualités », répond Jean-Pierre Sueur, « mais il a fait le choix de quitter le PS. » La sénatrice du Loiret estime que « s’il y a débat, il faut qu’il se fasse au sein du parti ». « Ce ne serait pas du tout avantageux de faire un deuxième PS à côté du premier. »

Mais un autre obstacle freine la gauche : sauver les nombreuses révélations de violences sexistes et sexuelles qui jalonnent la rentrée. Dans le box des accusés, La France insoumise, mais aussi EELV. Accusé de violences sur son épouse, Adrien Quatennens, longtemps considéré comme l’héritier spirituel du fondateur de LFI Jean-Luc Mélenchon, a reconnu les faits dans un tweet et pris du recul par rapport à son rôle de coordinateur.

Après les affaires Bouhafs et Cocquerel, il s’agit du troisième cas d’un homme politique insoumis mis en cause dans le cadre de violences de genre. Le 19 septembre, un article de Mediapart révélait que le député LFI Thomas Portes faisait également l’objet d’une enquête interne.

Pourtant, un tweet de Jean-Luc Mélenchon adressé à Adrien Quatennens, qui assure ce dernier du « soutien » et de « l’affection » du patriarche, a semé la consternation même au sein des militantes et féministes de gauche. Et embarrasser les rebelles jusqu’au niveau local.

« Aucune violence n’est acceptable », crie Karin Fischer, qui estime « que Jean-Luc Mélenchon a suffisamment montré que ce sujet lui tenait à coeur ». Et il rappelle que Nupes « demande un milliard d’euros supplémentaires pour la réparation et la prévention des violences faites aux femmes ».

Quoi qu’il en soit, Adrien Quatennens, dont la démission de son siège de député a été réclamée par 500 militantes féministes, est toujours en place. Tour comme Julien Bayou, député EELV accusé de violences psychologiques sur une ancienne compagne. Ainsi que, à droite, Damien Abad, député de la majorité et ancien ministre accusé de viols par plusieurs femmes.