De l’Ille-et-Vilaine à l’île aux belles eaux, il n’y a qu’un pas. Depuis plusieurs années, le Stade Rennais entretient un lien privilégié avec la Guadeloupe, concrétisé par un partenariat avec le Stade Lamentinois, où Jeanuël Belocian a pris ses premières leçons avant de prendre la décision de rejoindre la Bretagne. SRO est parti à la découverte du pays des champions, où il est loin d’être facile de percer dans le football.

Il y a des signes indéniables. Ce samedi soir, parmi les camions vendant bokits et agoulous, spécialités disponibles dans toute l’île, l’enseigne « Chez Alain » propose une autre merveille culinaire moins courante sur les routes : les crêpes. Situé entre le Collège d’Appel du 18 juin et un cimetière construit sur une pente qui sollicite les cuisses les plus fortes, se dresse le Stade Municipal Germain Barbier au Lamentin, commune située à 15 km de Pointe-à-Clown. La rue de la République, où il habite, est une marche rapide pour les curieux à la vue des immenses murs qui entourent l’enceinte, mais la petite rue d’Hégésippe Légitimus est animée. Quelques minutes plus tôt, le Stade Lamentinois s’était imposé 3-0 face à l’AO Gourbeyrienne, club du sud de Basse-Terre, lors d’un match de milieu de tableau du Championnat R1. Le président du Stade Lamentinois, Mickael Merabli peut souffler, la semaine s’est bien terminée et elle a été dure.

Fin novembre, le Stade Lamentinois vient d’accueillir pour quelques jours Denis Arnaud, directeur du centre de formation du Stade rennais, et Philippe Barraud, responsable du recrutement. Au programme, des visites du Cerfa, centre de l’espoir, des rencontres avec la ligue de football guadeloupéenne et une tournée médiatique locale pour les représentants de Rennes, dans quelques journées intenses, évidemment pleines de découvertes, des U9 aux U15. « Cela a été une semaine très chargée au cours de laquelle nous espérons nous connecter encore et encore. dit le président Merabli, adossé au mur. « En raison du covid-19, nous sommes restreints dans nos relations depuis deux ans. Il était important que nous puissions renouveler cette coopération. « Nouvel élan, frein lié à la pandémie recherché, pour une relation liée au fait de tomber amoureux.

Bouche à oreille et voiture customisée

L’histoire entre le Stade rennais et le Stade Lamentinois a commencé en 2016. Cédric Vanoukia, ancien joueur du SRFC de Guadeloupe et aujourd’hui entraîneur des U17 à Rennes, s’est rendu en Guadeloupe pendant ses vacances et a rencontré Mickael Merabli, puis a recherché une connexion avec un club professionnel en métropole. France. « Sylvain Wiltord et Jocelyn Angloma ont joué à Rennes. On pensait que ce club avait une histoire avec la Guadeloupe. Merabli sourit d’un air taquin. « Et puis, puisque la Bretagne est la région la plus proche de la Guadeloupe… »

De fil en aiguille, le rendez-vous est pris avec le directeur du centre de formation de l’époque, Landry Chauvin. Mickael Merabli monte dans l’avion, qui s’envole pour La Piverdière, à 6 500 km. Les deux hommes discutent pendant une heure, Chauvin est invité en Guadeloupe. Quelques temps plus tard, un sympathique comité d’accueil l’attend sur place. « Mickael avait une voiture, il fallait bien la reconnaître en Guadeloupe. Je l’ai nommé Magnum. Il n’était pas rouge, mais noir avec de larges rayures vertes. J’ai découvert toute l’île grâce à lui. » rappelle l’actuel sélectionneur de l’équipe de France U20. « Cela nous a permis de nous connaître en tant que personnes. Les partenariats sont souvent liés aux hommes. C’est donc lié il y a 6 ans, autour d’axes précis. « C’était un projet très cohérent. Ce qui nous intéressait, c’était leur vocation à structurer le contrôle global sur les jeunes. » Landry Chauvin multiplie alors les voyages de découverte, déjà en compagnie de Philippe Barraud ou d’autres éducateurs, et il ne tarde pas à trouver deux pépites.

Belocian, le commencement

Lorsque Mickael Merabli entame son parcours, il y a deux joueurs à fort potentiel dans la valise : Jeanuël Belocian (2005) et Lucas Rosier (2007). Les jeunes pousses sont observées par Chauvin et Barraud pendant la séance et contribuent indirectement à la concrétisation du partenariat. « Nous l’avons appris deux jours avant. fait confiance à Jeanuël Belocian, désormais intégré au groupe professionnel de Bruno Genesia, à l’âge de 17 ans. « Tu te dis qu’il y a encore un grand club qui vient te voir. Mais il faut être concentré, montrer ce dont on est capable, sa capacité à comprendre les choses. C’est important dès le plus jeune âge. A 12 ans, soit l’âge de Beločan à l’époque, et avec une grande difficulté pour tous ces joueurs, le premier sujet que tous les interlocuteurs ont rencontré était la cour de récréation.

« Quand j’y vais pour la première fois, je participe à un entraînement sur un terrain désastreux. se souvient Landry Chauvin. Difficile d’argumenter avec le technicien, tant le territoire de l’île est presque tout cabossé, crevé et parfois abandonné, du nord au sud, de la Grande-Terre à la Basse-Terre. Faute d’entretien comme de moyens, les matériaux n’ont pas le même coût en Guadeloupe qu’en métropole, le gazon synthétique (très rare sur l’île) produit en DTN pour le Cerfa est une amélioration et une opportunité pour les meilleurs de bénéficier de bonnes conditions de jeu. Un petit lot de consolation au vu de la situation dans laquelle même le Stade rennais connaît ses limites. L’amélioration des structures est moins un sujet entre les deux clubs que le soutien des éducateurs guadeloupéens, qui est un axe fort de leur relation. « Le partenariat permet de découvrir des joueurs avec du potentiel, mais il va aussi dans le sens de la formation. acquiesce Mickael Merabli. « Quand les cadres viennent en Guadeloupe, ils ont une formation sur place, ce qui nous permet aussi d’aller à Rennes pour former nos professeurs d’immersion. En plus de trouver des joueurs, il y a cet échange de formation qui nous permet de progresser. »

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Dès lors, il s’agit parfois de trouver des alternatives aux mauvaises conditions d’entraînement, qui n’ont pas empêché la Guadeloupe d’incarner la terre des champions, mise en lumière aux quatre coins de l’île. « Commencer sur ces terrains oblige à se concentrer. Pour moi, ce n’est pas une faiblesse, mais un apprentissage qui permet d’être bon quand on débarque, comme en métropole. dit le Belocien, originaire des Abymes, une ville pour le moins vallonnée. « Avec un billard comme à Rennes, contrairement à là où il y a des trous, des bosses et des flaques, le changement est radical. Mais pas seulement sur le terrain.

Accompagnement et acclimatation

Une fois les joueurs repérés sur l’île, le Stade rennais les invite souvent à Rennes pour poursuivre le processus de découverte plus longtemps à différents moments de l’année. « Tu viens d’abord avec ta famille pour le savoir. Vous revenez petit à petit seul et comprenez qu’au bout d’un moment vous serez seul. poursuit Jeanuël Belocian, qui n’a pas oublié son deuxième voyage en Bretagne. Lors d’un voyage amical à Angers avec la relève, le jeune Caucasien découvre un tout autre climat, en plein hiver.

« Il faisait très, très froid. Jouer pour la première fois sous la pluie, la grêle, le vent est difficile. Nous avons les mains et les pieds gelés. Je ne savais pas, j’ai découvert. J’ai toujours joué à 29-30 degrés. Venez en dessous de 3 degrés, vous avez des gants, des chaussettes hautes. T’as froid, t’en attends juste un, c’est game over. C’est un changement, mais vous vous dites que vous devez passer par là pour arriver là où vous voulez être. Landry Chauvin en est assurément convaincu. « Là, on s’est dit, il est prêt, il est prêt à tout pour réussir. D’autres (joueurs également venus pour des tests) étaient méconnaissables ce jour-là. »

Si le Stade rennais porte une attention particulière à l’accompagnement des jeunes Guadeloupéens, Belocian est néanmoins un cas à part, grâce aux éducateurs et aux personnes qui appartiennent à l’ETP Odorica et à l’Académie. Le premier joueur issu du partenariat entre les Lamentinois et le SRFC est lui aussi issu d’une famille de sportifs, notamment le frère du hurdler Wilhem Belociano. « Je leur tire mon chapeau car j’ai cette mentalité aujourd’hui grâce à eux. il fait confiance à Jeanuël et remercie ses parents et son autre frère, mais il n’oublie pas le blues. « La famille crée la rareté, c’est certain. Dans les moments difficiles, vous ne pouvez les appeler que par téléphone. Vous les appelez deux fois par jour. Mais si vous voulez atteindre le plus haut niveau, vous devez vous en débarrasser. « Une réalité parfois trop difficile pour les jeunes attaquants du Stade rennais en métropole comme dans les Dom-Tom. En 2020, le capitaine des U15 réunionnais Donovan Monteville, qui a rejoint le SRFC, ne compte pas voir son ambitieux contrat expirer, souffrant trop de l’éloignement de son île natale. Le Club Breton y a cherché, comme il l’a fait en Martinique.

Un partenariat pas comme les autres

Rennes n’est pas le seul club intéressé par la Guadeloupe. Dijon, Le Havre ou le Paris FC sont présents sous diverses formes, en partenariat ou non. Après une période incertaine liée au covid-19, le Stade rennais s’est rendu sur l’île aux belles eaux et aux belles perspectives pour la première fois depuis longtemps par l’intermédiaire de Denis Arnaud et Philippe Barraud. « C’est le sens du partenariat, souligne Mickael Merabli. « Le Stade Lamentinois assure que toute la Guadeloupe profite de l’arrivée du Stade rennais. Tous les éducateurs parleront à Philippe et Denis. Tous les enfants seront vus par Philippe et Denis. . Peut-être qu’ils seront attirés par des joueurs d’autres clubs, et nous servirons d’intermédiaires entre ces clubs et le Stade rennais. »

Un seul club, donc, qui déferlera cette année sur toute une région peuplée d’environ 1 300 licenciés (sur une population de près de 400 000 sur l’île) où le football occupe une place importante dans la vie de tous les jours. Le grand nombre de terrains pour une île d’une superficie de 1600 km2 le prouve, le partenariat qui lie le Stade Lamentinois et le Stade rennais jusqu’en 2024 laisse espérer une belle promesse pour l’avenir. « La prochaine génération sera là, ne vous inquiétez pas (sourire). Jeanuël Belocian vous le dit.

Interview et photos prises sur place par Thomas Rassouli