Inflation, hausse des taux d’intérêt, pénurie de main-d’œuvre et de matières premières, incertitude économique, peur des faillites d’entreprises… La situation actuelle appelle à la protection de l’argent. Une seule fonction peut vraiment vous aider à y faire face : la gestion du crédit. Il est temps de récupérer ce métier et ses missions et de l’ancrer dans votre entreprise.
Sommaire :
1. Order-to-cash : place aux professionnels
2. « On ne peut pas progresser dans la gestion du crédit sans éducation » : témoignage
3. Culture du cash : faites des économies !
1. Order-to-cash : place aux pros
Au final, la crise sanitaire n’a pas eu de conséquences néfastes sur la trésorerie des entreprises : les mesures prises par le gouvernement, PGE aux commandes, permettent aux dirigeants de ne pas se soucier de leur argent. Mais la fin de la pandémie et « tout ce qu’il faut » met en évidence les problèmes de trésorerie. D’autant plus que de nouveaux problèmes sont apparus, parmi l’inflation, la hausse des impôts, le manque de travail et de matières premières. « Après la pandémie qui a apporté son lot d’incertitudes, nous sommes de nouveau entrés dans un climat économique incertain, analyse Philippe Gangneux, Daf de Sidetrade, éditeur d’une plateforme de commandes au comptant. La hausse des taux d’intérêt augmente le coût du cash ; la pression inflationniste coût des matières premières, mais aussi des équipes ; le risque de récession au niveau mondial crée des risques d’échec. Les problèmes de trésorerie reviennent au centre de la stratégie des entreprises et des directions financières ».
Même constat d’Allianz Trade : Gabriel Prevost, directeur commercial du courtage de l’assureur-crédit en France, constate une inquiétude assez forte des entreprises concernant le risque des clients depuis plus de 6 mois : « Le coût de l’achat augmente, les marges sont diminue, l’argent est à nouveau un sujet », explique-t-il. Dans ce contexte, une fonction prend toute son importance : la gestion du crédit. « La gestion du crédit est essentielle : l’addition est bonne, mais amener l’argent est encore plus important », explique Bruno le Rouzic, directeur de la mission de transition chez Adequacy.
Un travail de pro
A la croisée des chemins entre la finance, le droit et les affaires, le credit management consiste à superviser le processus order-to-cash pour s’assurer que les clients sont solvables, que la facturation est correcte et que les factures sont payées en temps et en heure. « Nous disons à l’AFDCC que le crédit management est la plus financière des fonctions commerciales et la plus commerciale des fonctions financières : le crédit manager doit diluer ses connaissances sur toute la chaîne de la commande à l’encaissement, de l’ouverture du compte jusqu’à l’encaissement. à travers le suivi de l’importance, de la facture et des litiges. C’est dans une logique d’accompagnement, d’assistance à la vente dans les meilleures conditions pour protéger la marge et la trésorerie », résume Christophe Goffinon, PDG de Hoopiz (gestion de crédit SaaS solution) et administrateur à l’AFDCC. (Société française de crédit). gestionnaires).
Des missions que beaucoup de PME et ETI confient trop souvent aux comptables des clients (qu’ils soient ou non équipés de logiciels adaptés), des vendeurs, voire des assureurs crédit ou des factor. « Dans un contexte où l’on s’attend à une recrudescence des défaillances d’entreprises, il est urgent de s’organiser pour faire face au risque du client. Cependant, le logiciel ne résoudra pas tout, ni les factoriels ni les assureurs-crédit. Quant aux vendeurs, ils sont impuissants face au risque. parler de la situation financière des clients.Seules les équipes dédiées à la gestion du crédit sont capables non seulement de trouver l’argent, mais d’identifier les raisons d’un retard de paiement : il y a un problème de flux de trésorerie, un PGE a-t-il été contracté ?, est-ce utilisés… », pense Scarlett Favre-Verand, créatrice de la société Efficash, qui accompagne les entreprises dans la gestion de leurs crédits, et administratrice de l’AFDCC. Elle précise également que les équipes non dédiées ne s’occupent de la gestion du crédit qu’une fois leurs autres tâches accomplies.
En d’autres termes : la gestion du crédit doit être confiée à des experts dédiés à cette fonction. « Le credit management est un vrai métier et le confier à des professionnels permet de bénéficier de réflexes techniques, de méthodes de gestion des risques », souligne Louis Chavanat, directeur associé de LLBV Management, qui assure conseil et formation à la gestion du crédit. Un professionnalisme d’autant plus important en ces temps agités et incertains. « Avec le Covid, nous attendons du crédit manager qu’il soit en mesure de fournir des prévisions fiables à court et moyen terme », indique Sylvain Gros-Désirs, crédit manager du groupe de services numériques SQLI et ancien président de l’AFDCC. Des prévisions qui vous permettent de mieux gérer votre trésorerie, mais aussi d’accéder à des financements de type affacturage avec le maximum de l’enveloppe de financement et dans des conditions attractives. Important en cette période de resserrement des conditions de crédit et des taux de croissance.
Risk management
En effet, s’il est intéressant, même dans les plus petites structures, d’avoir un credit manager (avec ou sans équipe) c’est aussi parce que leurs missions sont plus larges que le simple recouvrement. La gestion des risques clients, notamment, est aujourd’hui au cœur des missions du credit manager : un rôle éminemment important dans cette période d’incertitude et de risque accru de défaillances d’entreprises. Gabriel Prévost observe également que le crédit manager est encore aujourd’hui impliqué dans les risques de fraude (aux faux clients en priorité) et les risques fournisseurs (notamment en matière d’avances fournisseurs).
Pour estimer le risque du client, le credit manager fait une analyse financière de l’entreprise, mais aussi sur le terrain. « Il va à la rencontre du client pour percevoir, au-delà des chiffres, son environnement, son management et ses perspectives, mais aussi ses contraintes », note Gabriel Prevost. Sylvain Gros-Désirs nous invite à mobiliser toutes les sources d’informations disponibles, collectées par les équipes de crédit management mais aussi auprès des vendeurs : « Les entreprises en savent beaucoup sur leurs clients, comme leur position sur le marché, les projets d’investissement, le chiffre d’affaires… . s’il est difficile de prendre rendez-vous avec un client, c’est que quelque chose ne va pas », précise-t-il. Pour lui, cette connaissance des clients par les salariés de l’entreprise vaut plus que les scores. « Je ne crois pas trop à ces bilans : le contexte fait que tout peut basculer en quelques semaines. »
Cette analyse des risques ne conduit pas à des décisions binaires de la part du credit manager : faire affaire avec des entreprises sans risque et en exclure d’autres de leur portefeuille clients. « Le credit manager doit apporter des solutions pour ne pas perdre d’affaires sur des dossiers qui ne sont pas si risqués. Il y a un équilibre à trouver », explique Thierry Bezanson, directeur de THB Consulting, société de conseil et de formation en credit management. C’est tout l’apport d’un credit manager expérimenté : il est capable de proposer des solutions pour faire des affaires mais en prenant le moins de risques possible. Le danger, sinon, n’est pas seulement de rater des contrats intéressants, mais aussi de voir des vendeurs nouer des relations avec des clients insolvables sans en informer la direction du crédit.
« Mon objectif est d’apporter des solutions aux vendeurs pour travailler avec des clients qui ont des problèmes de solvabilité. Par exemple, il m’arrive de négocier avec la direction financière du client. Je négocie aussi avec les factoreurs la couverture maximale à couvrir au maximum » et possible en en cas de défaut du client », précise Sylvain Gros-désirs. Les conditions ainsi négociées pour pouvoir continuer l’activité malgré les risques sont régulières, en fonction de l’évolution de la situation du client. « La partie suivi de la solvabilité est importante, maintient Thierry Bezanson. L’objectif de cette veille est de pouvoir accorder des conditions détaillées en termes d’exceptions. »
Corriger la non-qualité du cycle order-to-cash
Si la connaissance du client est nécessaire pour évaluer le risque, il faut aussi facturer correctement : à qui envoyer la facture, quand, par quel moyen, etc… Chez SQLI, les acteurs de l’ordre de trésorerie aux clients sont bien identifiés et sont contactés pour s’assurer que les documents contractuels et de facturation sont reçus à temps. « Le crédit manager est un des acteurs de la qualité des données, considère Thierry Luthi, président de Report One, éditeur de solutions de business intelligence. Il doit s’assurer que les références des clients sont correctes pour établir correctement les factures, et de fait il collecte bien. Il peut aussi participer à la remontée d’informations sur les comportements de paiement et établir un benchmark. »
Ainsi, le credit manager intervient de plus en plus en amont de la relation client pour s’assurer que le client est solvable, mais aussi pour facturer dans les délais et conformément à ce qui était attendu et ce qui a été réalisé. « Plus le crédit manager est impliqué en amont dans ce qui va être facturé, plus le recouvrement sera facile », précise Bruno Le Rouzic. Fahima Nasri, credit manager du groupe de conseil EPSA, observe que sa fonction a évolué et que le credit manager n’intervient pas seulement dans la vallée, c’est-à-dire après l’émission des factures pour réaliser les actions de suite, mais aussi en amont . « Le crédit manager exerce des activités de gestion des risques avec pour objectif de sécuriser et d’empêcher l’obtention d’argent. Il accompagne également les fonctions commerciales et de livraison dans la relation client, notamment dans la négociation et la formalisation des conditions financières telles que les conditions de paiement. » il témoigne. Elle n’hésite plus à qualifier sa fonction de « business partner ».
Pour Scarlett Favre-Verand, ces missions en amont du credit manager sont vraiment essentielles pour s’assurer que le client paie dans les délais : selon elle, un retard client traduit la non-qualité du cycle order-to-cash. « Un retard peut être lié à une facture non conforme en raison d’un processus pas assez avancé pour connaître le client lors de l’ouverture d’un compte ou encore en raison de l’absence de mention des conditions de paiement dans le contrat », informe-t-elle. Christophe Goffinon estime que 45 à 50% des retards de paiement sont dus à des problèmes qui viennent de l’entreprise elle-même : problèmes de qualité, de factures, etc… « Pour gérer cela, il s’agit d’améliorer les processus, en partant de l’amont commercial et processus ADV », conseille-t-il.
Autant de points qu’un credit manager dédié à cette seule fonction peut améliorer, en partenariat avec des acteurs en amont comme le commercial ou la logistique pour remonter les problèmes rencontrés tout au long de la chaîne de la commande à l’encaissement. « Il est important d’impliquer les acteurs en amont pour résoudre avec eux ces dysfonctionnements, sinon ils risquent de se répéter », insiste Scarlett Favre-Verand, insistant sur le fait que la gestion du BFR est un sujet d’anticipation : « Il s’agit d’identifier les défauts, non – qualité et correction sur le long terme. »
Les process avant les outils
En matière de credit management, les processus sont donc essentiels. « Un credit manager sans processus clairs est moins efficace », explique Nadine Pichelot, VP Finance EMEA de l’éditeur Anaplan, citant l’exemple de son entreprise qui a divisé son DSO par plus de deux pour simplifier aux vendeurs l’émission des bons de contrôle. « Nos clients ne recevaient pas leurs factures car nous n’avions pas les informations de base », explique-t-il. Chez SQLI, un document écrit permet de définir clairement qui intervient et quand entre le commercial, le credit manager ou encore la direction générale (qui peut intervenir sur de gros marchés). « Cela nous permet d’être réactifs et de nettoyer rapidement les situations », précise Sylvain Gros-désirs.
Ces démarches peuvent être encadrées par la mise en place d’un partenariat avec un assureur-crédit (qui établit un cadre, les modalités à respecter pour ne pas perdre ses garanties). L’installation d’un logiciel de gestion de crédit peut également aider : établir des modèles à suivre, notamment en termes de rappels. Mais attention : pour Scarlett Favre-Verand, si les outils sont désormais perfectionnés, abordables et faciles à mettre en œuvre, ils ne résolvent pas tout. « Les processus et les compétences doivent être optimaux. Avant de mettre en place un outil, il est important d’analyser les forces et les faiblesses de la fonction de crédit management pour la paramétrer de manière optimale. Un outil est en préparation », préviennent-ils, citant par exemple la nécessité de la l’adresse e-mail du client doit être correcte afin que l’outil puisse effectuer correctement les relances dématérialisées. « Le dossier du client doit être bien organisé, l’outil ne le fera pas à notre place », insiste-t-elle.
Au-delà de l’aide à la relance, les outils actuels permettent de faire un travail prédictif. « On peut non seulement comprendre comment les clients paient, mais aussi comment l’entreprise se comporte avec ses clients. On peut aussi faire une comparaison du comportement de paiement des clients par secteur et par pays pour voir dans quel sens cela peut évoluer », décrit Philippe Gangneux, ajoutant qu’il est alors possible de faire des données prescriptives via les données de comportement de paiement. L’outil propose les actions à mettre en place sur la base de cette analyse prédictive.
Si les éditeurs utilisent volontiers le terme d’intelligence artificielle pour décrire ces avancées logicielles, Sylvain Gros-Désirs pense que ce n’est pas vraiment le cas. Mais reconnaissons que l’accès à l’information est rapide et surtout que les outils sont capables d’analyser une grande quantité d’informations. « Mais le credit manager doit pouvoir dire si la situation est anormale ou non, passagère ou non. C’est sa valeur ajoutée. La digitalisation est utile, mais elle ne remplace pas la capacité d’un credit manager à prendre de la hauteur, en fonction de ses expérience », préviennent-ils. Si les outils aident le credit manager à être plus efficace et le déchargent de tâches à faible valeur ajoutée, adopter un outil qui pense que cela résout la question du credit management est une hérésie : on ne le dira jamais assez, la fonction de gestion de crédit doit être effectuée par un gestionnaire de crédit.
La problématique environnementale s’invite dans le credit management
L’évaluation du risque client, au cœur de la fonction crédit management, a changé : « La santé financière des entreprises est toujours étudiée, mais aussi les KPI opérationnels ou liés à la pérennité », informe Nadine Pichelot, VP Finance EMEA d’Anaplan.
L’empreinte carbone des entreprises peut donc être l’un des éléments étudiés. Surtout, la période estivale de cette année, qui a apporté son lot de sécheresses, incendies et autres tempêtes violentes, souligne l’importance du risque climatique. « De plus en plus de credit managers travaillent sur le risque climatique et cartographient différemment le risque client en l’intégrant », observe Louis Chavanat, directeur associé de LLBV Management. Cependant, il est regrettable qu’il n’y ait toujours pas d’alerte à ce sujet de la part des assureurs-crédit ou des sociétés de notation. « Cependant, c’est un risque émergent et les gestionnaires de crédit doivent le quantifier un peu avec un doigt mouillé. »
Son conseil : demandez ces informations à vos prestataires. Qui sait? En étant interpellés sur ce sujet, les assureurs-crédit et les agences de notation peuvent évoluer.
2. « En credit management, on ne peut pas avancer sans pédagogie »
Le groupe Paredes a profité d’un plan de transformation, lancé il y a 5 ans pour remédier à une crise de croissance, pour moderniser la gestion du crédit. « J’avais 14 comptables clients dans mes équipes qui ne faisaient que la saisie manuelle des comptes clients », décrit Eric Palanque, directeur financier du groupe. Il engage une credit manager, Valérie Corradi, qui mène plusieurs projets pour revoir l’ensemble du processus et mettre en place une gestion du crédit digne de ce nom. « J’aime quand les choses tournent mal et relever des défis », déclare ce credit manager expérimenté qui a travaillé pour TNT (aujourd’hui Fedex) et AkzoNobel.
Nécessaire pédagogie
Chez Paredes, il a été servi à un niveau difficile. « L’entreprise ne contactait jamais ses clients qui payaient quand ils voulaient ; les commandes n’étaient jamais bloquées. Cela avait causé des problèmes de trésorerie », explique Valérie Corradi. Lors de son analyse de la situation, à son arrivée, il a également constaté que la force de vente n’était pas ouverte aux relances clients et aux blocages commerciaux. « C’était mon premier challenge : il fallait commencer par former les équipes commerciales. Il fallait notamment expliquer que j’étais là pour faire du business, mais s’assurer qu’il n’y avait pas de risque financier à travailler avec tel ou tel client et s’assurer que les factures ont été payées à temps », insiste-t-il.
Autre problème auquel elle sera confrontée lors de sa prise de fonction : l’équipe comptable du client fait principalement de la saisie manuelle et non tous les suivis. « Les équipes écrivaient parfois aux clients quand elles avaient le temps », ajoute Valérie Corradi. Ce qui est insuffisant : le credit manager décide de mettre en place un outil pour automatiser cette saisie, qui est longue et sans valeur ajoutée. Nouveau cri, de ses équipes cette fois. « Ils ne voulaient pas bloquer les clients ni les suivre. J’ai fait beaucoup de pédagogie, pour expliquer les changements nécessaires et leurs mérites. En credit management, on ne peut pas avancer sans éducation », insiste-t-il.
De nouveaux outils
Ainsi, en octobre 2019, un outil de lettrage automatique des paiements (Dimo Software) a été mis en place, permettant aux équipes du siège et aux services commerciaux partout en France d’appliquer des processus à la fois identiques et corrects. Et surtout passer une heure par jour dans une tâche qui, jusqu’à présent, lui prenait 100% de son temps. Temps libre qui offre la possibilité de se consacrer aux souvenirs. Là encore, les équipes sont assistées par un outil : en mars 2020, peu avant le premier confinement, le logiciel Sidetrade est mis en place. « Cela a permis de réaliser des rappels pendant le confinement, qui étaient pré-programmés », précise Valérie Corradi.
Cet outil permet notamment d’envoyer automatiquement des e-mails de relance, mais aussi d’indiquer aux équipes les actions à entreprendre (relance téléphonique, mise en demeure par e-mail, etc.). De quoi faciliter le travail de personnes qui jusqu’à présent n’avaient jamais fait de souvenirs. L’outil Sidetrade est également utilisé par la force de vente et le service client : « Les commerciaux peuvent aller voir les comptes clients avant leurs rendez-vous. Cela leur permet de démarrer leurs rendez-vous clients avec ce sujet », précise Eric Palanque. Et c’est plus facile que la plateforme soit accessible via une application mobile.
De plus, chaque lundi matin, les commerciaux reçoivent l’ancien solde de leurs clients afin qu’ils puissent voir à l’avance qu’un éventuel blocage des comptes peut intervenir. En effet, depuis la crise du Covid, durant laquelle le groupe a dû faire face à un nombre très élevé de commandes, un blocage des comptes a été mis en place : les forces commerciales sont prévenues quelques jours à l’avance pour pouvoir intervenir en amont auprès de leurs interlocuteurs.
Formation et montée en compétences
« Tout cela est très nouveau pour la force de vente, qui ne savait même pas ce qu’était une échelle de vieillissement, mais elle s’est embarquée assez rapidement grâce à beaucoup de formation et d’éducation », explique Valérie Corradi. Eric Palanque insiste fortement sur l’apport du credit manager à la culture cash du groupe : « Il a fait comprendre à la force de vente l’intérêt de l’outil en place, son impact sur les retards clients et le Trésor. Elle lui a aussi inculqué les problématiques de le risque du client : dans quelle situation un compte est bloqué, pourquoi… C’est important car lorsque ce sujet est bien compris par les vendeurs, ils sont à leur tour capables d’expliquer aux clients ».
Valérie Corradi insiste sur l’importance du soutien de la direction générale dans l’affiliation. « C’est essentiel d’être crédible vis-à-vis de la force de vente », dit-il. Au final, c’est avec les équipes de Valérie Corradi elle-même que cette transformation est la plus compliquée. « Ils pensaient que ce ne serait pas possible. Je les ai soutenus du côté de Sidetrade, sur le discours à tenir en matière de suivi client… Ils montent en compétence, ils vont mieux et je les accompagne au quotidien », il dit. « C’est un gros changement de culture pour les équipes qui doivent s’approprier l’outil notamment », reconnaît Eric Palanque.
DSO divisé par 3
Le risque du client est également désormais pris en compte, alors que ce concept n’existait tout simplement pas auparavant. « Nous fixons une limite de crédit en même temps que l’assurance-crédit. Si l’assureur-crédit nous déconseille de faire affaire avec un tel client, nous en informons les commerciaux : cela donne plus de poids à nos arguments », précise Valérie Corradi. Et l’augmentation des impayés n’est possible que si le paiement des factures est à jour.
L’ensemble du credit management est désormais géré par Valérie Corradi et ses équipes. Une transformation majeure qui donne d’excellents résultats. « Les retards de nos clients ont été quasiment divisés par trois », rapporte Eric Palanque. En effet, alors qu’en 2018 les retards clients s’élevaient à près de 16 millions d’euros, ils ne sont plus que de 5 millions d’euros aujourd’hui (et seulement 1,5 million sont de plus de 30 jours, ce fut donc le cas pour près de 10 millions d’euros en 2018) ; le DSO est passé de 22 à 7,6 jours (2,4 jours pour les factures à plus de 30 jours). Au-delà de ces chiffres, Eric Palanque salue l’apport du credit manager à la relation avec les clients. « L’exception précédente des clients a contaminé nos relations. Cela a contribué à l’assainir », juge-t-il.
La transformation de la gestion du crédit chez Paredes n’est pas encore achevée : quelques détails restent à régler. Par exemple, les cycles de suivi sont revus régulièrement pour ajouter des actions, pour adapter les textes en fonction de ce qui vient du terrain. « Nous venons aussi de mettre en place des relances proactives, 15 jours avant l’échéance de la facture », ajoute Valérie Corradi. Le credit management est donc encore en construction chez Paredes, en perpétuelle évolution pour répondre aux besoins de la réalité économique de l’entreprise et de son environnement.
Prochain défi : le risque de défaillance des entreprises clientes. « Il n’est pas tombé pendant la crise du Covid ni l’an dernier : on s’attend à ce que cela se produise cette année. Nous sommes donc plus prudents, notamment en ce qui concerne les secteurs les plus touchés », conclut Valérie Corradi.
Repères
Activité : Fabrication et distribution de produits d’hygiène et de protection professionnelle
Réalisé par : François-Xavier Thuilleur
3. Culture cash : quand la protection de la trésorerie concerne toute l’entreprise
« Les ventes c’est de la vanité, le profit c’est de la raison et le cash c’est la réalité » : cette maxime célèbre dans le monde de la finance illustre bien la tendance actuelle des entreprises à se préoccuper du cash et non plus seulement de leur facture. « Nous ne sommes plus dans un contexte d’argent facile : récupérer de l’argent à temps est à nouveau l’une des préoccupations premières des entreprises. Les équipes commerciales n’ont donc plus seulement des objectifs de croissance mais des objectifs de croissance rentable, liés à l’EBITDA », note Nadine Pichelot, Vice-président des finances d’Anaplan pour la région EMEA. Selon elle, récupérer l’argent ne peut fonctionner si les vendeurs ne sont pas impliqués. En effet, cette préoccupation ne peut rester la seule obsession du credit manager : la culture du cash doit irriguer toute l’entreprise.
Vision commune
Mais tout d’abord, qu’est-ce que la « culture du cash » ? Pour Sylvain Gros-Désirs, responsable crédit du groupe SQLI, ce sont les réflexes de tous les salariés de l’entreprise pour protéger cash et marge. Il y a donc une notion d’automatisme à acquérir, de processus à connaître et à appliquer systématiquement. Philippe Gangneux, PDG de Sidetrade, parle d’une vision à 360 degrés de la commande à encaisser, diffusée à l’ensemble de l’entreprise. « Il n’y a pas que le crédit manager et la direction financière qui doivent être impliqués : la culture du cash nécessite une vision unifiée pour tous les acteurs du cycle », définit-il. Il parle d’une vision commune, décalée, mais aussi d’indicateurs de pilotage partagés entre les différents services et d’objectifs et d’incitations autour du cash. Il est rejoint sur ce point par Christophe Goffinon, PDG de Hoopiz, pour qui la « culture du cash » nécessite une adéquation entre la stratégie commerciale et la stratégie financière : « Le vendeur ne doit pas avoir pour objectif de développer le business là où la finance ne donne pas la possibilité de développer des actifs », prévient-il. Vision commune, indicateurs communs, process communs… La « culture cash » est finalement un objectif commun à toute l’entreprise de protection du cash. Que se passe-t-il? Pour Christophe Goffinon, la formation est essentielle pour que tous les acteurs des entreprises comprennent l’impact sur l’argent de telle ou telle action. « Cela commence généralement par la direction générale et passe ensuite aux équipes opérationnelles », rapporte-t-il. Scarlett Favre-Verand, fondatrice de la société Efficash, souligne l’importance de l’implication de la direction générale dans cette formation des commerciaux à la culture du cash : « Si le credit manager peut animer cette formation, la volonté doit émaner de la direction générale Sinon, comment les pratiques commerciales en place depuis des lustres peuvent-elles évoluer ? », souligne-t-elle, notant notamment la crainte dix as qui existe dans les services commerciaux de perdre un client car on parle de délais de paiement.
Formation des commerciaux
Instaurer la culture du cash dans son entreprise, c’est donc changer sa culture par la formation, la sensibilisation, la mise en place, etc. Ainsi, Sylvain Gros-Désirs forme les commerciaux afin qu’ils comprennent les impacts de leurs négociations (moyens de paiement, remises de fin d’année) d’un point de vue contractuel, juridique et économique. « J’aide aussi à formuler des réponses à des situations qui affectent l’argent et la marge, par exemple dans le cas d’un client qui souhaite allonger les délais de paiement. Lorsque nous apportons des arguments aux vendeurs, ils se sentent en sécurité », ajoute le responsable du crédit. . Sylvain Gros-Désirs essaie également de donner un vernis financier aux équipes commerciales afin qu’elles sachent intégrer tous les éléments nécessaires à un calcul fiable de la marge. Sylvain Gros-Désirs accompagne également les commerciaux en rendez-vous clients. C’est aussi grâce à une réelle proximité entre la direction du crédit et les équipes opérationnelles que la culture du cash se diffuse. « Je passe 75% de mon temps avec des commerciaux », révèle Sylvain Gros-Désirs. Au-delà des formations et des rencontres clients, cette proximité peut passer par des comités autour de la caisse mais aussi des moments de convivialité partagés. Sylvain Gros-Désirs, par exemple, propose d’envoyer des équipes commerciales si les délais de paiement sont réduits. Les actions incitatives peuvent aussi être intéressantes pour motiver les vendeurs à s’engager dans la culture du cash : « On peut rémunérer partiellement les vendeurs ou leur management pour la collecte des crédits », précise Thierry Bezanson, gérant de THB Consulting. Ce dernier vous invite également à rendre compte des performances et à établir des podiums.Les outils peuvent aussi être un support intéressant pour diffuser cette culture du cash : via un logiciel de gestion de crédit, les vendeurs peuvent avoir des clients et donc avoir une meilleure vue que des retards. D’autres outils permettent de diffuser des informations sur la situation précise du cash lui-même : niveau dormant, réservoir de cash à collecter, etc. « Cela permet de diffuser l’information dans l’entreprise et la culture du cash de manière naturelle », pense Thierry Luthi, président de Report One.
Acteurs du recouvrement
L’acculturation correcte des vendeurs au comptant est la chose la plus importante qui peut jouer un rôle décisif dans la collecte. « L’idée n’est pas de leur faire faire le recouvrement à la place des équipes de crédit management, mais de leur donner un rôle à la fois dans le premier suivi et dans la phase précontentieuse. L’entreprise a tout à gagner de lui : le les commerciaux sont en contact direct avec les acheteurs, c’est-à-dire les décideurs, tandis que le crédit manager discute généralement avec le comptable du fournisseur qui n’a aucun pouvoir de décision », explique Thierry. Bezanson.
Il met également en évidence le pouvoir de négociation des vendeurs, qui peut aider à démêler des situations délicates. Mais pour ce faire, les rôles doivent là encore être bien définis par la direction générale : « Les procédures sur le rôle du vendeur doivent être écrites », conseille Thierry Bezanson. En définitive, la culture du cash est surtout une question de culture d’entreprise qui émane du top management.
Credit manager qui es-tu ?
Quelles sont les qualités et compétences nécessaires à un bon credit manager ? « Le credit manager doit avoir des compétences techniques, financières et juridiques, mais aussi des qualités de communication », précise Christophe Goffinon. En effet, vous devez non seulement être capable d’analyser le risque du client, de participer à l’élaboration des contrats, mais également de négocier les conditions financières aux côtés des commerciaux. « C’est à la fois un expert des techniques financières, un chef de projet et un négociateur », résume Scarlett Favre-Verand qui insiste sur l’aspect du chef de projet de la mise en place de systèmes d’information. « Le credit manager doit avoir le goût de l’innovation pour réussir sa transformation digitale, l’enjeu de la profession », poursuit Christophe Goffinon. Sans oublier le fait qu’il faut qu’il sache communiquer, faire comprendre sa mission à toute l’entreprise et surtout aux commerciaux. Scarlett Favre-Verand reconnaît que toutes ces qualités ne sont pas faciles à combiner et recommande la formation dispensée par l’AFDCC. « La plupart des credit managers ont découvert le métier par hasard, d’où l’importance de la formation », souligne-t-il. A noter également que le credit manager doit être quelqu’un d’expérimenté, et non un jeune diplômé, surtout pour s’imposer en interne et en externe.
A retenir :
– Le crédit management consiste à superviser le cycle order-to-cash : solvabilité client, délais de paiement, processus de facturation, respect des délais de paiement.
– Il est préférable que cette fonction soit confiée à un professionnel dédié qui apportera son expertise et consacrera 100% de son temps à ses missions.
– Le risque client est désormais au cœur de la fonction crédit management, l’idée est d’analyser la solvabilité des entreprises et surtout de trouver des solutions pour faire des affaires malgré le risque.
– Si les outils sont indispensables, les processus doivent être clairs et bien définis
– Le credit manager doit également veiller à diffuser la culture du cash dans son entreprise