Dossier saison à la montagne

Enneigement tardif, prix de l’énergie, sensibilisation à l’environnement… Les sujets sont nombreux pour les stations qui démarrent la saison.

L’hiver 2022-2023, qui sera économiquement dangereux pour de nombreuses stations de ski, démarre mal en raison du très faible enneigement. Seules deux stations ont déjà réussi à démarrer : Val Thorens, en Tarentaise (Savoie), ouvre ce week-end avec une semaine de retard, tandis que Tignes (Tarentaise) n’a démarré les travaux que la semaine dernière, sur une seule piste. , alors qu’il commence généralement sa saison à la Toussaint.

Les températures élevées de cet automne – avec le mois d’octobre le plus chaud jamais enregistré – ont empêché la neige de tomber et les canons à neige de tourner dans les Alpes. La Coupe du monde de ski a été reportée d’un mois après l’annulation d’étapes à Zermatt (Suisse) et à Lech (Autriche) en raison de « températures anormalement élevées ».

Ce retard d’allumage n’aura aucun effet : l’activité de la station ne démarrera réellement qu’après la mi-décembre, et d’ici là la baisse des températures attendue (qui s’est finalement amorcée ces derniers jours) devrait permettre l’utilisation des canons, qui ont devenir l’équipement clé de la station. Mais c’est un symbole fort : le réchauffement climatique qui menace les zones de moyenne montagne touche désormais aussi les zones de haute montagne. Déjà cet été, en raison d’une canicule, Tignes et Les Deux Alpes (Isère) ont dû fermer prématurément leurs pentes glaciaires, tandis que celles de Val-d’Isère (Tarentaise) ne se sont même pas ouvertes.

Autre effet néfaste du réchauffement climatique pour les stations d’altitude : le recul des glaciers et le réchauffement du pergélisol fragilisent certaines bouées. La Plagne (Tarentaise) va ainsi meubler le sommet de son domaine, Bellecôte, à 3250 mètres. Dès l’hiver prochain, le point culminant de la station sera 200 mètres plus bas et 9 hectares de pistes disparaîtront : déchirement dans un contexte de concurrence accrue entre stations. « C’est un symbole puissant. Nous nous adaptons, avec humilité, à la réalité qui est planétaire et rendons 55 hectares à la nature », relativise Rémy Conil, directeur de l’office de tourisme (OT) de La Plagne.

«Le prix de l’électricité est une menace existentielle»

Le grand défi de l’hiver à venir reste cependant l’augmentation des coûts énergétiques. Les stations de ski sont de grosses consommatrices d’électricité, tant pour leurs téléphériques que pour leurs canons. Les opérateurs, dont les imposantes factures d’électricité cet hiver sont multipliées par 3, 4 voire jusqu’à 9 pour les moins aisés, auront bien du mal à égaliser les résultats. « Sur les 237 sociétés de téléphériques du pays, quelques-unes sont confortablement rentables, quelques dizaines à l’équilibre, et toutes les autres dépendent des subventions : le prix de l’électricité est pour elles une menace existentielle », pointe Guillaume Desmurs, expert en sujet et auteur du livre Histoire des stations de sports d’hiver aux éditions Glénat (1). J’espère que nous ne verrons pas d’ascenseurs ne pas ouvrir ou même des faillites cet hiver. »

L’État et les collectivités ont sauvé le secteur durant l’hiver 2020-2021, lorsque le Covid a contraint les téléphériques à rester en sommeil, ils vont devoir se mobiliser à nouveau. Domaines skiables de France (DSF), la chambre professionnelle des exploitants, négocie avec le gouvernement, alors que toutes les stations promettent de réduire de 10 % la consommation d’énergie : « Nous allons ralentir nos remontées mécaniques, hors week-end et vacances scolaires. , en éteignant certaines lorsqu’elles ne sont pas utilisées et en réduisant l’éclairage public », énumère Pascal Lequenne, responsable d’OT à Auron (Alpes-Maritimes). Idem à Orcières (Hautes-Alpes), selon la directrice de l’OT, Jordane Juschka, qui ajoute à ces mesures « l’amélioration de l’efficacité du nettoyage et des plans de production de neige ». Comme la plupart des stations, Orcières reportera une partie des surcoûts sur le prix du forfait qui augmente de 5%. La hausse peut atteindre 9 %, comme à Val Thorens (Savoie).

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Les réservations ont démarré à un bon rythme en septembre, avant de ralentir en octobre, mais l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANSM) rapporte que le taux de réservation hivernal est en hausse de 7 % par rapport à la même date l’an dernier. « Nos clients restent fidèles et ont une forte envie de venir passer du temps à la montagne, se félicite François Gaillard, directeur de France Montagnes, organisme qui promeut ce secteur, mais nous restons prudents : le poids des réservations de dernière minute augmente chaque fois. an. » Ces croyants, selon une étude présentée par l’agence Savoie Mont Blanc, qui regroupe les stations des deux départements de Savoie, sont certes soucieux des aspects économiques de leurs vacances, mais 93% d’entre eux souhaitent également que leur « impact environnemental soit pris en compte ». dans le compte. En réponse, Alexandre Maulin, président de DSF, rappelle les éco-engagements forts de son secteur : « Nous sommes des acteurs engagés, déterminés à mener un développement économique dans le respect de la nature », tandis que Savoie Mont Blanc lance un service innovant et prometteur qui vous permet pour organiser et régler en quelques clics votre trajet en transports en commun jusqu’aux gares et optimiser votre bilan carbone.

«Un signal d’alerte pour nous»

Le ton du secteur est cependant défensif, face aux « discours militants » dont il est considéré comme victime. Les efforts de mobilité ou de sobriété n’ont que peu de poids aux yeux d’un nombre croissant d’alpinistes. La crise de la gare de La Clusaz, dont le projet de réservoir collinaire a suscité l’indignation et la création de la ZAD avant qu’elle ne soit finalement suspendue par la justice administrative, « est pour nous un signal d’alarme », estime un acteur du secteur. L’interrogation dépasse les cercles militants : dans une tribune publiée par Le Monde fin octobre, près de 800 acteurs économiques et professionnels alpins appelaient à l’ouverture d' »un nouveau chapitre de l’histoire de la montagne » : « Le modèle de développement d’hier ne peut […] Toujours plus de places de stationnement, toujours plus de remontées mécaniques, toujours plus d’infrastructures, toujours plus de réservoirs de montagne pour toujours plus de neige de culture : nous pensons que ce modèle est désormais obsolète.

Jean-Luc Boch, président de l’ANSM, s’enthousiasme : « Le ski n’est pas mort ! Aucune industrie ne peut dire comme nous que son modèle fonctionnera encore vingt ou trente ans. France Montagnes contre-attaque avec sa campagne hivernale marquée par le retour du slogan historique « La montagne vous conquiert ». Un signe de dépendance à l’époque prospère des années 90 ? « Certainement pas », répond François Gaillard. Ce slogan, unique par sa force, est au contraire d’une actualité folle. Jamais les bienfaits de la montagne n’auront mieux convenu, dans un contexte devenu oppressant, aux besoins des gens de se ressourcer, de respirer un peu d’air frais, de s’évader, de se dépasser. Le message est clair, comme un clip de campagne sentimental qui fait danser tout le monde, partout : cet hiver, venez vous amuser et faire la fête à la montagne… et oubliez le reste.