« Dieu est-il mort ? » Cette conversation entre Pierre Manent et Alain Finkielkraut a été recueillie par Vincent Trémolet de Villers et Eugénie Boilait pour Le Figaro du 27 octobre 2022.
GRANDE INTERVIEW – Lors d’une soirée exceptionnelle à Paris, Le Figaro a reçu deux grands intellectuels, qui ont échangé près de deux heures. En plus de la foi, ils ont également réfléchi à l’effacement de la matrice chrétienne en Europe aujourd’hui et à ce qui pourrait arriver ensuite. Un échange de grande qualité dont les passages les plus forts sont ici.
Si Pierre Manent et Alain Finkielkraut partagent le même goût pour le débat d’idées, la conversation civile et la même passion dans la recherche de la vérité, ils n’ont pas le même rapport à Dieu. Le disciple de Raymond Aron dédie son dernier ouvrage, « Blaise Pascal et la proposition chrétienne », publié chez Grasset, à l’auteur des Pensées.
L’universitaire, en revanche, avoue ne pas avoir la foi : l’absence de Dieu s’est imposée comme une « vérité implacable ».
LE FIGARO. – Pierre Manent, vous venez de publier un captivant essai consacré à BlaisePascal, et, plus largement, à la proposition chrétienne. Pourquoi revenir à l’auteur de Pensées?
Pierre MANENT. « D’abord parce que je l’aime. Il a la présence vivante d’un homme qui parle. J’éprouve aussi ce sentiment avec Montaigne ou avec Rousseau, mais cela nous flatte, ils nous recommandent de nous aimer, de cultiver notre incomparable individualité. ne nous flatte pas, rend présence, ou plutôt urgence et acuité, à une proposition de vie depuis longtemps épuisée et dont on ne sait plus quoi faire, au mode de vie chrétien, à cette forme-mère qui a été décisive , positivement ou négativement, pour les destinées européennes.La conscience du chrétien, si je devais la résumer en un mot, se définit par son rapport à un fait fondateur, l’incarnation, qui se prolonge et s’actualise dans une institution, l’Église, qui dispense la nourriture de « nouvelles de vie » « par le service de la Parole et des sacrements ».
L’Église, si je puis dire, répand et communique dans le temps un trésor inépuisable qui a été donné à l’origine, mais regarde au-delà du temps vers le jour de Dieu, où s’accomplira le projet rédempteur. Cette Église s’est puissamment implantée dans ce monde tout en se référant constamment à l’au-delà. Cette tension vous épuise. L’Église n’est pas destinée à gouverner ce monde, et l’autre doit être fait depuis longtemps. Dès le XVIe siècle, les Européens s’impatientent, mais c’est au XVIIe siècle qu’ils prennent les grandes décisions. Deux grandes décisions pour établir la souveraineté humaine sur le monde humain : d’une part, l’État moderne ; de l’autre, la science moderne. C’est alors que Pascal est intervenu.
EN VIDEO – Retrouvez l’intégralité du replay de la conférence par Pierre Manent et Alain Finkielkraut
Des Européens entreprenants volent à l’Église honteuse les clés du Royaume. Pascal fait appel. Non par attachement aux vieilles habitudes, car il a joué un rôle de premier plan dans l’établissement du nouveau monde de la géométrie et de la physique expérimentale, mais il a jugé qu’en entreprenant de changer radicalement leur condition par la raison géométrique, les hommes perdraient la conscience de cette condition du christianisme. les a fait connaître. La science naissante les gâte en leur promettant une sorte de pouvoir infini. Pascalles les rejette, et veut les ramener à la connaissance de leur véritable condition, celle d’un être intelligent et libre, mais dont la liberté est fragile et faillible, et dont la raison se laisse porter au-delà de ses limites. Alliage incompréhensible de grandeur et de misère dont le christianisme donne la clé.
Aujourd’hui, l’État et la science arrivent au bout de leur ambition. Rien n’échappe à la surveillance de l’État-providence, rien n’échappe à l’ingérence de l’examen scientifique. Que veut dire « condition humaine » quand on cherche à la changer radicalement ? Ce qui était une promesse dangereuse pour Pascal est devenu pour nous une réalité démoralisante. Alors moi, insignifiant, j’ai cherché l’appui de la force de Pascal, non pour l’appeler à nos disputes, mais pour recouvrer, par son aide, jointe au sens aigu et aigu de notre condition, une vision la plus claire possible de la proposition chrétienne. pour éclairer cette condition et la guérir.
Alain FINKIELKRAUT. – Je n’ai certes pas la même intimité que Pierre Manent avec Pascal, mais ce n’est pas pour moi un auteur lointain. C’est un compagnon, très présent dans mon cœur. Je lui suis particulièrement redevable de la Distinction des Ordres.
« La distance infinie des corps aux esprits représente la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, parce qu’elle est surnaturelle. » Trois ordres donc : l’ordre de la chair, l’ordre de l’esprit, l’ordre de la charité. La charité est au sommet parce qu’elle témoigne de Dieu, elle porte sa marque. C’est un afflux de grâce. Le surnaturel est l’inversion du « pour soi » en « pour les autres ». Mais la vie de l’esprit, dit Pascal, n’est pas dans son cadre, ni n’appartient à la vie matérielle. « Tout l’éclat de la grandeur de la chair n’a aucun éclat pour ceux qui sont à la poursuite de l’esprit. La grandeur des gens de l’esprit est invisible aux rois, aux hommes riches, aux capitaines, à tous ceux qui sont grands de la viande « . C’est une définition rigoureuse, me semble-t-il, de la laïcité. Il ne s’agit pas seulement de rendre à César ce qui est à César et de rendre à Dieu ce qui est à lui, il s’agit de libérer la vie de l’esprit de sa tutelle religieuse, sans la soumettre aux coups de la politique ou de l’économie Pascal affirme l’indépendance de l’ordre spirituel face à l’alternative de la métaphysique classique entre l’ordre de la chair et l’ordre religieux. Elle circonscrit et sécularise le territoire de l’esprit.
Cette séparation est à la base de l’école républicaine. « L’école est un endroit admirable, j’aime ses murs nus, et qu’aucun bruit extérieur n’entre », dit Alain. Alors cette séparation est-elle toujours la nôtre ? Il me semble qu’il est de moins en moins réfléchi et compréhensif. Les écoles sont comme tous les lieux culturels. Laurence des Cars, la directrice du musée du Louvre, parlait de « transformer le Louvre en chambre d’écho de la société ». Aujourd’hui, on a l’impression que le social mondial met fin à la séparation des ordres et fait tomber tous les murs.
Pierre Manent écrit dans l’avant-propos de son ouvrage: “Les Européens ne savent plus que faire du christianisme qui les a façonnés.” Que faire du christianisme aujourd’hui?
UN F. – Je vais répondre existentiellement. J’ai lu Pascal pour la lucidité de sa description de notre condition : grandeur et misère. Cet auteur n’est pas ironique : « Le dernier acte est sanglant, si belle que soit la comédie dans tout le reste : enfin on se crasse la tête, et c’est tout pour de bon. Et, c’est le contraire de Bossuet : « Que crains-tu donc, âme chrétienne, à l’approche de la mort ? Peut-être que voir votre maison s’effondrer vous fait craindre de manquer de pensions ? Mais écoutez le divin apôtre : nous savons, nous savons, dit-il, nous ne sommes pas amenés à le croire par des conjectures douteuses, mais nous le savons avec une grande certitude et en toute certitude, que si cette maison de terre et de boue, dans laquelle vous habitez, est détruit, nous avons une autre maison préparée pour nous dans le ciel. » , nous y ramène. Il fait apparaître même nos activités les plus sérieuses comme des formes de divertissement. Ainsi il nous prépare au pari, il veut stimuler le attente désirante de l’infini.Ce qui suit la mort acquiert dans la religion chrétienne « une intensité de présence qui n’a d’équivalent ni dans le monde païen ni dans le judaïsme ancien », écrit Pierre Manent.C’est la proposition chrétienne.
Je ressens la détresse de Pascal mais je ne saute pas le pas car cette proposition ne me tient pas. L’inexistence de Dieu m’est imposée par la force de l’évidence. Je ne dis pas que j’ai raison, je suis revenu à un niveau existentiel. Ce savoir, je crois le tenir, n’est pas un savoir heureux, ce n’est pas un savoir victorieux et triomphant, ce n’est pas le savoir de l’homme qui chassa Dieu de son trône pour lui succéder en « conférant progressivement les attributs de l’omniscience ». ‘. et toute-puissance Pour cet athée, « libertin » n’est pas le bon nom ; il est orphelin : il n’a pas le sentiment d’avoir tué Dieu d’un geste intrépide ou inconscient, c’est la mort, pour lui, qui a vaincu Dieu, c’est la mort qui a tué Dieu. C’est comme ça que je ressens les choses. Je pourrais faire mienne la formule : « Misère de l’homme sans Dieu. Et je me nourris de la pensée chrétienne parce qu’elle ne se laisse pas réduire à sa promesse.
Qu’est-ce que cette proposition chrétienne peut encore dire à un monde qui a évacué Dieu du ciel?
P. M. – Que faire du christianisme ? Reconnaissez-le comme un fait, un fait significatif dans la vie actuelle des Européens, un fait religieux, moral, social et donc aussi politique. Il n’en est pourtant rien : reconnu, non sans réserve, comme un fait du passé, son état actuel est suspendu à une autorisation précaire. La somme spirituelle, la somme de réalité que représente le christianisme dans l’histoire de l’Europe a été en quelque sorte détruite quand la nouvelle Europe, au lieu de se tenir dans la continuité de son histoire, a voulu renaître, dans l’innocence et l’ignorance de celle-ci. . l’histoire Elle s’est alors tournée avec un esprit de vengeance contre les composantes de la vie européenne qui sont censées avoir causé les guerres, les violences, les injustices de notre passé, qu’il s’agisse de nations ou de confessions chrétiennes. Le projet européen repose sur la décision de rejeter toute continuité entre la nouvelle Europe et celle qui l’a précédée, comme pour se garantir des souillures. Dans un pays comme la France, le maintien dans l’espace public des signes de la vie chrétienne est suspendu avec une autorisation précaire et délibérément humiliante, une mangeoire acceptable dans l’espace public uniquement comme résidu folklorique.
En même temps qu’elle vide l’espace public européen des signes du christianisme, l’Europe accueille l’islam sans condition. Celle-ci n’est pas seulement reconnue comme un fait religieux et social à prendre en compte avec justice et prudence, elle reçoit une légitimité toute particulière, puisque la promesse de la renaissance de l’Europe, la promesse qu’elle ne sera pas un « club chrétien » . « . L’histoire explique facilement qu’une partie des citoyens français soit musulmane, qu’une partie de la France soit visiblement musulmane, mais pourquoi les institutions de la République exigent-elles que la partie chrétienne soit invisible ?
Aujourd’hui, le pape François explique que l’Europe, par le passé, s’est trop souvent concentrée sur sa volonté de puissance en oubliant le message évangélique. Le pape fait parfois l’éloge d’un monde sans frontières et d’une forme de multiculturalisme. Pour ses contempteurs, le christianisme, qui était l’âme de l’Europe, en deviendrait le dissolvant. Que vous inspire cette apparente contradiction?
P. M. – Dans un environnement social et moral où la religion chrétienne s’est cantonnée aux lieux de culte et où les fidèles ont perdu l’habitude de définir et de formuler l’objet de leur foi dans l’espace public, cet objet devient flou Alors il se laisse envelopper par cette religiosité qui forme ce qu’on peut appeler la religion civile de l’Europe, et même de l’Occident, c’est-à-dire la religion humanitaire, la religion de l’humanité. Celle-ci repose sur ce que Tocqueville appelait le « sentiment de ressemblance ». La compassion pour « l’autre homme » devient l’affection sociale par excellence. On comprend que cette affection se confond avec l’amour du prochain commandé par le précepte de l’Évangile. Les effets de ces deux dispositions sont en partie similaires. Cependant, considérées en elles-mêmes, ces deux dispositions sont profondément différentes.
Par compassion, comme Rousseau l’a très bien analysé, je m’identifie à mon compagnon d’infortune, je me mets à sa place, mais bien sûr je sais très bien que je ne souffre pas, et même, dit Rousseau, j’éprouve forcément, en malgré moi, le plaisir de ne pas souffrir. La charité ne s’adresse pas d’abord aux autres, mais à Dieu, qui est présent dans les pauvres, les malades, les prisonniers… Elle semble « moins humaine » que la compassion, et elle l’est, en fait, mais elle échappe au cercle de » ressemblance trop humaine ». La charité surmonte, surmonte les différences, mais ne les élimine pas.
Sinon, la charité ne culminerait pas dans le commandement d’aimer nos ennemis, ceux auxquels il est impossible de s’identifier, pour lesquels il est impossible d’éprouver de la compassion. Je veux juste souligner que la perspective chrétienne est assez différente de la perspective humanitaire. Cela voit l’humanité s’unir par la contagion irrésistible de la sympathie. La similitude des hommes rendrait les différences entre les modes de vie des hommes secondaires, finalement indifférentes. La charité chrétienne ne les considère pas comme secondaires ou insignifiantes. Comment pourrait-elle juger que les différences entre les religions n’ont pas de sens réel et sont finalement indifférentes, alors que le seul vrai principe de l’unité finale des hommes réside pour elle dans le Christ ?
A. F. – Sous l’égide de ce pape, le christianisme devient véritablement « la religion de la sortie de religion », pour parler comme Marcel Gauchet, et se confond avec le mouvement de la société moderne. Le christianisme n’est plus un culte, mais une morale : effacer toute trace du divin au profit d’un « humanisme de l’autre homme ». J’utilise expressément le titre d’un livre d’Emmanuel Lévinas. « Humanisme de l’accueil des étrangers, ouverture aux autres » ; seulement, Levinas prétend que cet humanisme ne se réduit pas à l’amour parce que l’humanité n’est pas un tout, pas plus que l’altérité. L’humanité est la pluralité humaine. Ainsi, des questions se posent : qui est mon voisin ? Qui est a coté de toi? « L’amour a besoin, dit Levinas, de la sagesse de l’amour. » Avec la morale humanitaire dans laquelle le néo-christianisme est reconnu et réalisé, la sagesse de l’amour est rejetée. Le philosophe Gianni Vattimo formule précisément cette morale : « L’identité du chrétien doit se matérialiser sous la forme de l’hospitalité, réduite presque entièrement à l’écoute de ses hôtes et à leur laisser la parole. ?
Vous avez dit, Alain Finkielkraut, dans une interview, il y a une dizaine d’années: “Je ne suis pas un juif de l’étude et de l’observance, mais je n’ai jamais cessé de m’interroger sur ce que signifie être juif.” En quoi le dialogue entre cette interrogation qui vous accompagne et la proposition chrétienne peut-il être fécond?
A. F. – En fait, je n’ai pas été élevé dans la tradition, ni juif de culture. Je ne connais que quelques bribes de yiddish, qui était la langue maternelle de mon père. Mais bien sûr, je suis juif. Levinas dit : « La confiance de l’antisémitisme d’Hitler dans le mythe racial a rappelé aux Juifs l’irrémissibilité de leur être. Je suis juif à cause de l’avant-bras tatoué de mon père, mais je sais aussi que tu n’es pas déporté de génération en génération. Le statut de victime, si recherché aujourd’hui, n’est pas héréditaire. Alors j’essaie de ne pas me raconter d’histoires, je ne pense pas être hanté, mais j’ai les yeux ouverts. Je suis attentif aux métamorphoses de l’antisémitisme. Je constate son passage de l’extrême droite, où il reste comme un résidu, à l’extrême gauche, où il se répand pour l’électoralisme, pour le clientélisme, pour attirer de nouvelles personnes. Je remarque aussi son changement de langage. L’antisémitisme n’est plus une forme de racisme, mais une forme d’antiracisme. Israël, État d’apartheid, État judéo-nazi, c’est ce qu’on dit dans les milieux ultra-gauches. Je vois aussi avec angoisse l’incompatibilité croissante entre l’hypermodernité et la persévérance juive, l’entêtement juif. Ce que le christianisme a longtemps appelé l’endurcissement juif.
Je me souviens d’un article-débat de Tony Judt de 2004 où il disait : « Dans le monde du métissage, où les barrières de la communication sont presque brisées, où nous sommes de plus en plus nombreux à avoir des identités multiples, des identités électives, Israël est un véritable anachronisme ». Ce mot m’a surpris. Elle actualise la vieille accusation, développée aussi, il faut le dire, par Pascal, contre le Juif charnel, le Juif de génération en génération. Je retrouve cette accusation, avec une grande surprise, dans les paroles et dans le dernier livre de Delphine Horvilleur : No hi ha Ajar. Le héros de ce monologue, fils putatif du pseudonyme de Romain Gary, n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Merde sur l’identité, merde sur la procréation », dit-il. Et il punit les affiliations, il fait confiance à Abraham pour rompre avec l’affiliation.
Delphine Horvilleur invente tout un judaïsme contre le destin juif. Il accomplit le miracle de judaïser le jugement du Juif charnel. C’est pour moi une farce, et même de l’impiété. Tendance à l’hypermodernité, comme une forme de judaïsme, un miroir où l’on rit de se voir si métissé, ce tour de force me bluffe.
A l’opposé de cette incorporation de la foi de nos pères au service de la spiritualité, Raymond Aron écrit dans Le Spectateur engagé : « Aujourd’hui, d’une certaine manière, je justifie mon attachement au judaïsme par la fidélité à mes racines. Si, hors du commun, je m’étais présenté à mon grand-père qui habitait Rambervillers, toujours fidèle à la tradition, j’aimerais qu’il n’en ait pas honte. Je voudrais lui donner le sentiment que, cessant d’être juif comme lui, je lui suis resté fidèle. Comme je l’ai écrit à maintes reprises, je n’aime pas m’arracher à mes racines, ce n’est peut-être pas très philosophique, mais vous traitez vos sentiments et vos idées aussi mal que vous le pouvez ». En fait, ce n’est pas philosophique mais peut-être dans un certain sens religieux. Je ne vis pas, pour ma part, sous le regard de Dieu, mais je vis sous le regard des morts, des défunts, qui ne sont pas toujours juifs d’ailleurs, et j’essaie de m’en montrer digne. .
Pierre Manent, que diriez-vous sur le dialogue entre le judaïsme et la proposition chrétienne?
P. M. – Rien de tel que le couple judaïsme-christianisme dans l’histoire de l’humanité. C’est une religion, séparée en deux branches, qui depuis deux mille ans se rejettent et se reprochent. Pour des raisons évidentes, la relation entre les deux tend aujourd’hui à se réduire à l’histoire de l’antijudaïsme ou de l’antisémitisme chrétien. Cependant, la question des rapports entre judaïsme et christianisme reste entière après que les préjugés anti-juifs d’origine chrétienne ont été sincèrement et complètement abjurés. La question de cette relation est d’autant plus complexe que le judaïsme, le peuple juif, étant juif, ne doit pas être confondu, encore moins, avec la religion juive.
Les chrétiens croient au Dieu qui fit monter les Juifs du pays d’Égypte, qui les délivra d’une main forte de la maison d’esclavage, ils croient au Dieu des Juifs en qui tant de Juifs ne croient pas, ou ne croient plus. croire . Les Juifs ont toujours, à juste titre, mécontenté la prétention de l’Église chrétienne d’être le novus et le verus d’Israël.
Après le concile, l’Église catholique a officiellement renoncé à cette « théologie du remplacement » par laquelle l’Église prenait la place, toute la place, d’Israël, se remplaçant elle-même, et ne laissant que l’humiliation de son aveuglement, et elle a reconnu que le peuple juif continuait à jouer un rôle actif et positif dans le plan de salut du Dieu qui aime les hommes. Cette très heureuse évolution, si elle cicatrise les blessures et lève les malentendus, ne change pas les termes de l’affaire : les chrétiens peuvent et doivent renoncer à toute forme d’accusation contre les juifs, mais ils ne peuvent pas renoncer à l’annonce de la Bonne Nouvelle, portée par le Christ. des Evangiles, et qui est l’accomplissement de la Loi et des prophètes d’Israël. Ils peuvent renoncer à demander la conversion des Juifs, ils peuvent difficilement ne pas l’attendre puisque, selon la théologie chrétienne, elle est la condition de la réconciliation définitive de tous les hommes entre eux et avec Dieu.
En tout cas, beaucoup de chrétiens expriment le désir que les juifs essaient d’établir un certain rapport avec la proposition chrétienne, non pas, encore une fois, pour y consentir, mais pour entrer dans une certaine réciprocité avec les chrétiens. Alors que de nombreux chrétiens montrent un grand intérêt pour les écritures juives et l’histoire du peuple juif, les juifs hésitent à remettre en question la place et la signification du christianisme dans l’histoire humaine, y compris l’histoire juive. On comprend qu’ils veuillent récupérer leur bien, ce qui leur appartient, que les chrétiens à travers l’histoire se sont appropriés et dont ils ont été exclus, mais finalement, au fil des siècles, même à l’âge des préjugés, les chrétiens ont été plus virulents. il n’a jamais cessé de lire et de garder les Écritures juives, et surtout de prier les psaumes, qui sont, il convient et bon de le répéter sans arrêt, la prière commune des juifs et des chrétiens. Il y a une communion de prière, c’est-à-dire une communion d’intentions, dont on peut espérer qu’elle sera plus reconnue, et mieux partagée.
Est-ce que l’humanisme européen, même issu du christianisme, peut répondre au défi religieuxet de civilisation que l’islam conquérant et politique lance à l’Europe?
A. F. – L’humanisme, tel que nous l’a légué la Renaissance, est très bien défini par Paul Ricœur : « Contrairement à la tradition du cogito et à la prétention du sujet à se connaître par intuition immédiate, nous ne nous comprenons qu’à travers le déviation des signes d’humanité dans les œuvres de culture. Que saurions-nous de l’amour, de la haine et des sentiments éthiques en général s’ils n’avaient pas été introduits dans le langage et articulés à travers la littérature ? Eugenio Garin, maître européen de l’histoire de l’humanisme de la Renaissance, décrit le principe de l’éducation humaniste en ces termes : à partir de la mémoire, dans la conversation avec les autres, la confrontation avec des mots précis et non faux et banals, l’esprit est pratiquement voué à se retrouver. , prenez position, prononcez tour à tour des mots appropriés et précis. »
L’humanisme n’est pas, comme on le pense souvent et paresseusement, le passage de l’hétéronomie à l’autonomie, mais la découverte, l’affirmation, d’une autre hétéronomie, précisément celle de la culture. La religion n’a pas le monopole de la transcendance. C’est ce que dit l’humanisme. Mais avec les progrès continus de ce que Tocqueville appelait « l’égalité des chances », il n’y a aujourd’hui plus rien au-delà du subjectivisme. Tous les goûts sont dans la culture, la tolérance est devenue l’horizon infranchissable de la vie de l’esprit même à l’école. Alain Viala, professeur qui a participé à l’élaboration des programmes français au début de ce siècle, le dit très clairement : « La littérature (…) n’est pas affaire de vérité -scientifique-, mais de vraisemblance, donc d’opinion . Nous sommes face à l’espace des opinions. Assumons-le et prenons-le comme tel ». L’admiration pour les classiques est ainsi supplantée par la diffusion de l’esprit critique. Dès le plus jeune âge, les élèves sont incités à la méfiance. Sous l’effet de la vertu d’égalité devenue folle, la proposition humaniste est rejetée avec la proposition chrétienne.
P. M. – En quoi l’islam nous interpelle-t-il ? Et qui sommes-nous ? Le défi est que ce qui se passe, la formidable pression que l’Islam exerce sur l’Europe, n’aurait pas dû se produire si le grand récit progressiste qui s’est développé depuis le XVIIIe siècle, cette philosophie de l’histoire, avait été vérifié selon lequel l’humanité dirigée par l’Europe l’avant-garde s’émancipera irrésistiblement des représentations, des dogmes et des doctrines religieuses. La vitalité maintenue ou plutôt renforcée de la communauté musulmane va à l’encontre d’une perspective historique que l’affaiblissement, ou la « sécularisation », du christianisme pourrait sembler valider. En tout cas, l’islam est la religion qui ne veut pas finir, et qui s’affirme dans des formes publiques ostentatoires et conquérantes, remettant au moins en cause le grand récit de la sécularisation. Il défie la conscience de soi sur laquelle repose la confiance en soi de l’Europe moderne.
Le progressisme n’envisage pas de reconsidérer son approche de la question religieuse. Alors qu’est-ce que ça fait? D’une part, il change radicalement la définition du progrès pour faire entrer l’islam dans la grande histoire. L’Europe ne représente plus le progrès parce qu’elle est le cadre de la production d’une nouvelle association humaine, société industrielle ou socialiste, comme le pensaient Auguste Comte ou Karl Marx, mais elle représente le progrès au contraire parce qu’elle a renoncé à toute affirmation de soi, se faisant une ouverture illimitée à l’autre, même quand cela va plus directement à l’encontre de nos principes, notamment celui de l’égalité entre les hommes et les femmes. Dès qu’on mesure la qualité de notre progressisme dans notre volonté d’embrasser l’islam sans condition, il contribue complaisamment à confirmer le grand récit plutôt qu’à le réfuter. Mais comme il faut tenir compte du fait que les coutumes musulmanes se heurtent à certains de nos principes essentiels, nous décrétons avec confiance – c’est le complément de la stratégie – que la laïcité y pourvoit en imposant aux musulmans qui éliminent au moins les visible signes de la condition subordonnée des femmes. Alors que le premier mouvement se vante d’accepter les musulmans tels qu’ils sont, le second promet que la laïcité fera d’eux ce qu’ils devraient être. On lève ainsi toute limite à la réception de l’islam, soit au nom de sa différence présente, soit au nom de sa similitude future. Bien sûr, la similitude tarde à arriver, mais la progressivité vit dans l’attente.
Les matrice catholique et républicaine qui tenaient la société française se sont disloquées, explique Jérôme Fourquet au seuil de son ouvrage “L’Archipel français”. Nous cherchons donc d’autres religions de substitution. Jean-François Braunstein, philosophe, apublié récemment La religion woke. Alain Finkielkraut, qu’est-ce que vous inspire l’idée d’appréhender le wokisme comme une religion?
A. F. – Je ne me sens pas à l’aise avec cette utilisation métaphorique du terme religion. Je n’aime pas le concept de religions laïques. La promesse d’un avenir radieux n’est pas religieuse. Pierre Manent, dans son livre, soulève un débat très éclairant entre Pascal et Rousseau. Le péché originel occupe une place centrale dans la pensée de Pascal. Manent écrit : « La prétention de surmonter nous-mêmes l’injustice humaine, l’injustice dans laquelle nous naissons et dans laquelle nous vivons jusqu’à ce que Dieu nous libère, est le commencement et même le sommet de notre injustice ». Rousseau dit le contraire, il exclut l’hypothèse du péché originel : « J’ai montré que tous les vices attribués au cœur humain ne lui sont pas naturels : j’ai dit la manière dont ils naissent ; J’ai, pour ainsi dire, suivi la généalogie ».
Rousseau remplace le péché originel par le crime originel : propriété, inégalité. Ceux qu’on appelle les dominants sont les auteurs du crime. Pour Rousseau, la politique doit prendre en charge la totalité de la réalité et son but ultime devient l’élimination du mal. Ce projet ne peut prendre d’autre forme que l’élimination du mal : c’est ce que nous enseigne l’expérience totalitaire. D’où le retour inattendu d’une méditation sur le péché originel dans la pensée à la fin du XXe siècle. L’homme n’a pas la force de se libérer du mal.
Maintenant, avec le wokisme, on revient au crime originel, comme si le totalitarisme n’avait jamais eu lieu. Le wokisme est un avatar muet de la pensée qui a donné naissance au totalitarisme. Avec lui, le mal a une adresse : le mal, c’est le mâle, blanc, hétérosexuel, de plus de cinquante ans. Le mal doit être éliminé à tout prix. C’est ainsi que la culture de l’annulation s’épanouit et se répand.
P. M. – La nouvelle idéologie ne voit plus dans les liens humains ce qui exprime et accomplit la nature humaine, mais ce qui menace la liberté et attente au droit de l’individu. Le nouveau progressiste se déplace dans la société comme dans un pays suspect. La seule cause commune est la protection de la nature, mais contre qui la protéger ? Contre les hommes qui tous, d’une manière ou d’une autre, la profanent ou la détruisent. L’écologie politique introduit entre les hommes et à l’égard de l’humanité comme telle un principe de méfiance ou d’inimitié illimitée. Le désir d’une terre sans hommes retourne l’humanité contre elle-même, alimente le projet d’effacer le propre de l’homme, de faire de l’homme un animal comme les autres, finalement inoffensif. Ainsi, à l’heure où nous entendons fonder tout l’ordre collectif sur le principe unique des droits de l’homme, nous voulons priver l’homme de toute spécificité, de toute dignité inhérente, en édictant contre l’homme les droits des animaux, des plantes et des rochers. Ceux qui parlent au nom d’espèces muettes n’ont pas à craindre le déni. Toute la nature met à sa disposition une réserve inépuisable de motifs d’accusation contre les autres hommes.
Comme je viens de le dire, le progressisme contemporain veut nous faire admettre que notre espèce n’a pas de privilèges réels ou légitimes sur les autres espèces qui ont fondamentalement autant de droits que nous. Il y a cependant un point sur lequel il rejette absolument que nous soyons des animaux comme les autres : il rejette que nos vies soient organisées selon la différence sexuelle, la polarité naturelle entre mâles et femelles. Comment serions-nous des animaux comme les autres si l’ordre humain se construisait sur la base du déni de cette différence naturelle que nous avons en commun avec les animaux ? Ainsi, l’idéologie contemporaine parvient à combiner une contestation radicale du propre de l’homme avec une contestation radicale de notre part animale. Maintenant, tout ce que nous avons à faire est d’ouvrir la Bible au livre de la Genèse pour trouver un peu de bon sens.
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Pierre Manent est professeur de philosophie politique. Il a longtemps été directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Il publie Pascal et la proposition chrétienne. Audacieux 2022.
Alain Finkielkraut est philosophe, écrivain, membre de l’Académie française.
Quels sont les noms des philosophes français ?
De nombreux grands philosophes français ont marqué cette période, à savoir Alain, Bachelard, Baudrillard, Sartre, Camus, De Beauvoir, Jankélévitch, Lévinas, Lévi-Strauss, Deleuze, Bourdieu, Merleau Ponty, ainsi que Debord.
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Quel est l’âge de topaloff ?
Où est enterré Patrick Topaloff ? Français : Tombe de Patrick Topaloff au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois.
Est-ce que Patrick Topaloff est toujours en vie ?
L’inoubliable auteur de « J’ai bien mangé, j’ai bien bu » est décédé dimanche à Paris d’une crise cardiaque.
Où habite Alain Mabanckou ?
Il vit maintenant à Santa Monica, en Californie. Les seves obres s’han traduït a quinze idiomes entre els quals l’anglès, americà, hebreu, coreà, espanyol, polonès, català i italià. Broken Glass a fait l’objet de plusieurs adaptations théâtrales.
Où habite Alain Mabanckou ? Il vit maintenant à Santa Monica, en Californie. Les seves obres s’han traduït a quinze idiomes entre els quals l’anglès, americà, hebreu, coreà, espanyol, polonès, català i italià. Broken Glass a fait l’objet de plusieurs adaptations théâtrales.
Comment Ecrire à Finkielkraut ?
Contacter Alain Finkielkraut en ligne Vous pouvez également contacter Alain Finkielkraut via le site de l’École polytechnique : https://www.polytechnique.edu. Un formulaire de contact a été mis à votre disposition pour laisser un message à Alain Finkielkraut.
Où habite Alain Finkielkraut ? Chez les Finkielkrauts, elle est plutôt « la force tranquille ». Le couple vit dans un appartement situé dans le quartier Montparnasse à Paris, rempli de bibliothèques et de livres, comme le rapportent nos confrères de Libération dans un portrait consacré à l’universitaire, réalisé en septembre 2019.
Ou écrire à Alain Delon ?
aob@alaindelon.com (Europe)
Qui est l’agent d’Alain Delon ? Georges Beaume est une figure du cinéma français. Agent des stars, c’est lui qui contribue à l’explosion des carrières de Romy Schneider et d’Alain Delon à l’aube des sixties.
Qui a été le grand amour d’Alain Delon ?
De Romy Schneider au mannequin Rosalie van Breemen, en passant par Mireille Darc, Dalida ou encore Anne Parillaud, l’homme de 86 ans peut se targuer d’avoir conquis des femmes sublimes.
Qui est Hiromi la nouvelle compagne d’Alain Delon ?
Coincé dans une relation amoureuse avec Hiromi, une Japonaise qui est son amie depuis de nombreuses années, Alain Delon pourrait officialiser son idylle à l’occasion d’un grand événement. « Ma copine japonaise, Hiromi, a été très présente à mes côtés lors de ma convalescence », confiait l’acteur…
Pourquoi Mireille Darc et Alain Delon se sont séparés ?
Une relation de respect mutuel entre l’actrice et l’acteur Pour la petite histoire, alors qu’Alain Delon souhaitait avoir d’autres enfants après son fils Anthony, une malformation cardiaque a empêché Mireille Darc d’avoir d’autres enfants au risque de perdre la vie. Cela a conduit à leur séparation.
Où se trouve Douchy Alain Delon ?
Dans le Loiret, situé sur la commune de Douchy-Montcorbon, se situe le domaine de la Brûlerie, propriété d’Alain Delon. Un vrai havre de paix loin des caméras.
Où habite Alain Delon aujourd’hui ?
Aujourd’hui, Alain Delon « a joui de la nature, du calme, du repos » chez lui à Douchy. Il continue de suivre ce qui se passe dans le monde et est terrifié par tout le drame. « Il me semble que la vie est devenue insupportable, je ne l’aime plus beaucoup. »
Qui est Hiromi la nouvelle compagne d’Alain Delon ?
Coincé dans une relation amoureuse avec Hiromi, une Japonaise qui est son amie depuis de nombreuses années, Alain Delon pourrait officialiser son idylle à l’occasion d’un grand événement. « Ma copine japonaise, Hiromi, a été très présente à mes côtés lors de ma convalescence », confiait l’acteur…
Où habite Alain Finkielkraut ?
Alain Finkielkraut et sa femme habitent le quartier Montparnasse, situé dans le 14e arrondissement de Paris, comme Libération le révélait il y a quelques années dans un long article consacré à l’essayiste.