Le diabète de type 2 touche, selon Santé publique France, 4 millions de Français… et 537 millions de personnes dans le monde. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Cette pathologie entraîne une cascade de maladies et de conséquences graves : obésité, maladies cardiovasculaires, hypertension, amputation… Il existe aujourd’hui de nombreux médicaments qui traitent les conséquences du diabète de type 2, notamment en faisant baisser la glycémie. Mais les travaux d’une équipe de l’Inserm pourraient annoncer une révolution dans ce domaine. A l’occasion, ce lundi 14 novembre, journée mondiale du diabète, Notre Temps propose un zoom sur ce nouveau traitement, encore au tout début de son développement.
C’est quoi le diabète de type 2?
Dans le diabète de type 2, l’organisme n’arrive plus à assimiler le sucre. Lorsque nous mangeons, les glucides sont principalement transformés en glucose. Le pancréas sécrète de l’insuline, qui ordonne au foie, aux muscles et aux cellules graisseuses d’éliminer le sucre du sang et de le stocker. Ainsi, le glucose diminue dans le sang. Mais avec cette maladie, le sucre n’est plus éliminé naturellement. Le patient devient « insulinorésistant » : la production d’insuline devient insuffisante. « Le diabète se caractérise par une augmentation du glucose dans le sang, rappelle Vincent Marion, chercheur à l’Inserm et entrepreneur. Or, ce niveau de glucose pathologique commence à endommager les organes et les cellules du corps.
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Quel est le principe de ce nouveau traitement?
L’équipe de Vincent Marion, chercheur au Laboratoire de génétique médicale de Strasbourg, en partenariat avec l’Université de Birmingham (Royaume-Uni), l’Université Monash (Australie) et avec Alexander Fleming, de l’Agence américaine du médicament (FDA), a mis au point un nouveau traitement, appelé PATAS. Avec une nouvelle approche thérapeutique. « L’origine de la découverte de ce médicament vient de l’étude d’une maladie rare, le syndrome d’Alström, dans laquelle des enfants dès l’âge de 5 ans développent une résistance à l’insuline, explique Vincent Marion, endocrinologue. Nous avons compris que l’adipocyte [les cellules graisseuses qui stockent les graisses dans le corps] régule le niveau de glucose circulant dans le corps. »
« Nous avons ensuite utilisé la connaissance de cette maladie génétique rare pour développer une approche thérapeutique innovante. » Ce médicament, PATAS, pénètre dans l’adipocyte (les cellules graisseuses) et ciblera la protéine ALMS1 pour déclencher l’absorption du glucose.
Quels sont les résultats chez l’animal?
En juillet 2022, un article sur l’essai publié dans Diabète révèle que chez les rongeurs, le PATAS multiplie par 5 la capacité à faire baisser la glycémie.
« Nous avons utilisé une soixantaine d’animaux pour tester le produit Patas, poursuit l’endocrinologue et chercheur à l’Inserm. Nous avons fait beaucoup de tests. Notamment celui sur la résistance à l’insuline. Quand on prend une souris diabétique, sa résistance est de 120 avec un médicament placebo. et quand on injecte du PATAS une fois par semaine, on réduit cette résistance à 25. » Depuis, les tests se sont poursuivis, notamment sur d’autres animaux. « Les résultats que nous avons chez les rongeurs et un grand modèle animal sont très positifs, assure le chercheur français. Ce qui nous distingue de tout ce qui a été fait, c’est que nous sommes les seuls à améliorer la résistance à l’insuline. »
Ce traitement pourrait-il aussi réduire le risque de développer d’autres maladies?
Oui, et c’est pourquoi cela représente un énorme espoir pour les patients. « Le tissu adipeux n’absorbe que 10 % du sucre dans le sang, c’est pourquoi tous les autres médicaments ont ignoré l’adipocyte, reconnaît Vincent Marion. Mais en réalité, cette absorption est ultra-bénéfique, car le tissu adipeux non seulement absorbe les lipides toxiques, mais produit aussi de bons lipides. En restaurant les capacités du tissu adipeux, on soigne la maladie. » Mais pas seulement.
Des travaux sur des rongeurs ont montré que PATAS pouvait prévenir les complications liées à cette maladie. En effet, l’essai sur les rongeurs, publié en juillet 2022 révèle que « ce traitement réduit la graisse dans le foie de 60%, la fibrose hépatique de 40%, ce qui est remarquable. On a donc un effet pour prévenir la maladie du foie gras. On protège le pancréas, le foie, le cœur… », s’enthousiasme le chercheur.
L’équipe de scientifiques a également démontré que les maladies cardiovasculaires associées au diabète seraient réduites avec le PATAS. Un résultat qui sera présenté en décembre lors d’un congrès aux Etats-Unis.
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Qu’est-ce que ça changerait pour les patients?
« Aujourd’hui, les patients prennent de plus en plus de médicaments pour faire baisser leur glycémie, résume Vincent Marion. Donc au début c’est un médicament, dans 2 ans ce sera 2, etc… Et le traitement ultime c’est l’injection d’insuline. « Ce qui est une hérésie scientifique : vous êtes résistant à l’insuline et aucun autre moyen n’a été trouvé que de vous injecter de l’insuline. »
De plus, les patients diabétiques ont souvent d’autres pathologies et se retrouvent chaque jour avec des cocktails de médicaments à avaler. Qui ont souvent de lourds effets secondaires. Certains patients abandonnent donc ces traitements. « Avec ce nouveau traitement, on espère empêcher la progression du diabète, car il traite la racine du problème, insiste le chercheur. Et donc pour les patients, cela signifie moins de complications, moins de médicaments, vivre plus longtemps et dans de meilleures conditions. . »
Quelles sont les prochaines étapes?
Le chercheur a créé une société française, AdipoPharma SAS, dans le but d’accompagner le lancement du produit et de lancer dans un premier temps un essai clinique. Pour voir si les effets bénéfiques sur les animaux se répercutent sur les humains. Le budget est en cours de finalisation et l’essai clinique devrait démarrer d’ici fin 2023, aux Etats-Unis. Ce traitement pourrait être soit injecté, soit délivré sous forme de patchs, beaucoup plus simples, à utiliser une fois par semaine. Cependant, le chercheur ne peut pas dire dans combien de temps, si cet essai s’avère concluant, les patients français pourraient avoir accès à ce traitement.