La Commission paritaire (CMP) du 9 novembre s’est prononcée sur le projet de loi sur le marché du travail. Au fur et à mesure des discussions, le texte s’est enrichi de nouvelles dispositions. Assurance chômage, départ de poste, refus du CDI à l’issue du CDD ou de l’intérim, élections professionnelles, VAE… On vous résume les mesures contenues dans ce texte.

Députés et sénateurs sont parvenus à un accord en Commission paritaire (Cmp) mercredi matin sur le projet de loi sur le marché du travail. Ce n’était pas évident au regard des innovations introduites par les sénateurs, dont certaines constituaient la condition sine qua non d’un consensus entre les deux Chambres.

Une fois l’accord trouvé, le texte est définitivement adopté le 15 novembre à l’Assemblée nationale, puis le 17 novembre au Sénat. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 novembre par les députés du Nupes.

Résumons les mesures finalement prises.

La détermination des règles d’assurance chômage, du bonus-malus et l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle

L’un des objectifs du projet de loi sur le marché du travail était d’aider le gouvernement à prendre temporairement en charge l’assurance-chômage. La Commission mixte pour l’égalité maintient les grandes lignes de la version initiale du projet de loi, telles qu’approuvées par l’Assemblée nationale. Le texte autorise donc le Gouvernement à fixer par décret, après audition des partenaires sociaux, les modalités d’application des dispositions législatives sur les licenciements à compter du 1er novembre 2022.

Ces mesures seront applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023. Les sénateurs avaient avancé ce délai au 31 août 2023 mais le Cmp n’a pas envisagé ce changement.

Ces mesures peuvent faire l’objet de dispositions d’adaptation en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

A noter qu’un décret du 29 octobre 2022 prolonge la discipline des indemnités de chômage et les dispositions relatives au bonus-malus au-delà du 1er novembre 2022 et jusqu’au 31 janvier 2023, afin de permettre la poursuite du versement de l’assurance-chômage et du collecte des cotisations afférentes.

Principe de contracyclicité

La Cmp maintient l’inscription directe dans la loi du principe d’anticyclicité du régime d’indemnisation du chômage, voulue par les sénateurs.

Il est ainsi clairement précisé que « les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le complément de droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs économiques sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail ».

Bonus-malus

Concernant le bonus-malus visant à moduler la contribution patronale à l’assurance-chômage, la Cmp rétablit la version des députés, à savoir la prolongation du régime du 1er septembre 2022 jusqu’au 31 août 2024.

Le décret susvisé doit notamment mentionner les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de cotisation des employeurs concernés ainsi que les périodes pendant lesquelles le nombre de ruptures de la relation de travail et du contrat de détachement pris en considération pour le calcul de la taux modulé.

Le texte indique que les données nécessaires à la détermination du nombre de ruptures contractuelles, y compris celles relatives aux personnes concernées par les ruptures prises en considération qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, peuvent être communiquées à l’employeur par les organismes chargés de la collecte des cotisations à l’assurance-chômage.

Concertation

S’agissant des licenciements, le CMP maintient une autre nouveauté introduite par les sénateurs, à savoir l’ouverture d’une consultation, dès la publication de la loi, dans les conditions prévues à l’article L.1 du code du travail. Cette consultation pourrait être suivie d’une négociation sur la base d’un document d’orientation invitant les partenaires sociaux à négocier notamment sur les conditions d’équilibre financier du régime et sur l’opportunité de maintenir le document cadre prévu par l’article L.5422-20-1 du même code. Ce dernier point constitue une ouverture vers les sénateurs qui avaient inscrit, dans leur version du texte, la suppression du document cadre pour un retour à un véritable document d’orientation.

Le CMP approuve la modification de la procédure particulière d’examen de la demande d’ouverture du droit à l’assurance chômage des anciens agents publics territoriaux démissionnaires. Les sénateurs ont en effet ramené de trois à deux mois la durée du délai dans lequel l’autorité locale ou l’ancien procureur peut saisir le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale. Le temps de réponse du centre de gestion est également réduit de trois à deux mois.

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L’encadrement de l’abandon de poste

Introduite par les députés, la tutelle sur l’abandon de poste est confirmée par le Cmp après plusieurs réécritures des dispositions en cause.

Un nouvel article L.1237-1-1 ajouté au code du travail qui prévoit que « le travailleur qui a volontairement quitté son emploi et ne reprend pas le travail après avoir reçu un avertissement formel pour justifier son absence et reprendre son placement, par lettre recommandée ou au porteur contre licenciement, dans le délai fixé par l’employeur (un décret fixera le délai minimum à respecter), il est présumé avoir démissionné à l’issue de ce délai ».

Le texte prévoit un recours pour le travailleur qui entend révoquer la présomption de démission. « Un travailleur qui conteste la rupture de la relation de travail sur la base de cette présomption peut saisir le tribunal du travail. L’action en justice est portée directement devant le Bureau des Jugements, qui statue sur la nature du manquement et ses conséquences. Elle statue sur le fond dans le mois de l’ajournement ».

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Les refus de CDI susceptibles d’entraîner la suppression de l’allocation chômage

Une autre disposition introduite par les sénateurs a fait l’objet d’un bras de fer aux vues du Cmp mais a finalement été maintenue. Ce sont des dispositions qui incitent fortement les bénéficiaires d’un CDD ou d’un contrat de mission à accepter le CDI qui leur est proposé sous peine de perdre le bénéfice de l’allocation chômage. Le texte introduit deux dispositions, l’une applicable aux salariés en contrat à durée déterminée (article L.1243-11-1 du Code du travail), l’autre aux salariés en contrat à durée déterminée (article L.1251-33-1 du Code du travail ). de travail). travailler).

Cependant, les formulations diffèrent. Davantage de garanties sont accordées aux salariés en contrat à durée déterminée. Ainsi, en ce qui concerne le titulaire d’un contrat à durée déterminée, la DDL prévoit que si ce dernier a refusé une offre de contrat à durée indéterminée à deux reprises au cours des 12 derniers mois, il perdra le bénéfice de l’allocation chômage dès que le CDI l’offre vise à occuper le même emploi, ou un emploi similaire, avec une rémunération au moins équivalente pour un temps de travail équivalent, sous la même classification et sans changement de lieu de travail.

A noter qu’initialement les sénateurs avaient prévu trois refus de Cdi pour un salarié en CDD et un seul pour un intérimaire. Les dispositions ont été harmonisées dans le CMP, soit un double refus dans les deux cas.

Deux exceptions

Deux exceptions à cette règle cependant :

Concernant le travailleur intérimaire, Pôle emploi devra seulement vérifier que les postes proposés étaient effectivement destinés à occuper le même emploi, ou un emploi similaire, sans changer de lieu de travail.

Le travailleur en contrat de mission bénéficie des deux exceptions précitées.

Dans les deux cas, il appartiendra à l’employeur d’informer par écrit le travailleur de la proposition de contrat à durée indéterminée et, en cas de refus du travailleur, d’en informer Pôle emploi en motivant la similitude de l’emploi offert.

Réactivation de l’expérimentation relative aux CDD successifs

Les députés ont introduit dans le projet de loi la réactivation de l’expérimentation relative à la succession de CDD ou de missions en remplacement de plusieurs salariés. Rappelons que c’est la loi Futuro Professionale du 5 septembre 2018 qui a introduit, à titre expérimental, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, la possibilité pour les entreprises de conclure un contrat unique de courte durée (CDD ou contrat de mission ) pour remplacer plusieurs salariés absents, simultanément ou successivement.

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L’expérimentation a concerné 11 filières définies par l’arrêté du 18 décembre 2019. Depuis, l’expérimentation n’a pas été prolongée. Ce sera désormais le cas avec ce texte pour une durée de deux ans à compter de la publication du décret.

Les députés avaient prévu une expérimentation deux ans après la publication de la loi. Cependant, les sénateurs ont demandé que l’expérience commence avec la publication du décret et dure deux années pleines. Cette modification a été acceptée dans CMP.

Le projet de loi sur le marché du travail rappelle qu’une telle expérimentation ne peut avoir ni pour but ni pour effet d’occuper de façon permanente un emploi lié à l’activité normale et stable de l’entreprise.

Rapport d’évaluation

Le Gouvernement doit remettre au Parlement, au plus tard trois mois à compter de la fin de l’expérimentation, un rapport d’évaluation de cette expérimentation, évaluant notamment, dans les secteurs concernés, les effets de l’expérimentation sur la fréquence de conclusion des CDD. contrats et contrats de mission, ainsi que l’allongement de leur durée et les conséquences des négociations sectorielles sur les matières mentionnées au 7° de l’article L. 2253-1 du code du travail [mesures relatives aux contrats à durée déterminée et à l’intérim contrats] , afin de déterminer notamment les conditions appropriées à une éventuelle généralisation du système.

Initialement, les députés avaient prévu que le rapport serait présenté avant le 1er juin 2025. Les sénateurs, puis le Cmp, ont maintenu ce délai de trois mois au plus tard avant la fin de l’expérimentation.

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Une nouvelle exception pour le CDII

Une autre nouveauté introduite par les sénateurs a été maintenue au Cmp.

La durée maximale de 36 mois du contrat d’administration ne s’appliquera pas au travailleur lié par un contrat à durée indéterminée auprès de l’entreprise de travail temporaire (CDII).

Régularisation du régime des élections professionnelles

Le projet de loi vise à sécuriser les élections professionnelles après la censure par le Conseil constitutionnel, en novembre 2021, des dispositions du code du travail qui définissent l’électorat dans les entreprises à compter du 1er novembre 2022. Les travailleurs disposant d’une délégation ou d’un pouvoir de représentation d’une partie de l’employeur peuvent ne pas être privés de toute possibilité de participer en tant qu’électeurs à l’élection du CSE.

Le projet de loi sur le marché du travail prévoit donc que l’article L.2314-18 du code du travail est formulé comme suit : « Sont éligibles tous les salariés âgés de seize ans et plus, ayant travaillé au moins trois mois dans la société. l’objet de toute interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civils ».

Le texte intègre également le premier alinéa de l’article L. 2314-19 du Code du travail : « Les électeurs ayant atteint l’âge de 18 ans et ayant travaillé dans l’entreprise pendant au moins un an, à l’exception des conjoints, concubins avec un pacte de solidarité, concubins, ascendants, descendants, frères, sœurs et beaux-parents au même degré que l’employeur, ainsi que les salariés munis d’une procuration écrite spécifique leur permettant d’être assimilés à l’entrepreneur ou qui le représentent de fait devant Comité économique et social. Les salariés qui travaillent simultanément à temps partiel dans plusieurs entreprises ne sont éligibles que dans l’une de ces entreprises. Ils choisissent celle dans laquelle ils postulent.

Ces dispositions seront applicables rétroactivement à partir du 31 octobre 2022 (initialement la date fixée par le texte était le 1er novembre 2022).

Liste et poids des organisations syndicales représentatives

Les sénateurs ont introduit une spécificité pour les branches qui regroupent les établissements relevant du code de l’éducation et du code rural et de la pêche maritime (c’est-à-dire les branches de l’enseignement privé à but non lucratif et celle de l’agriculture privée) que le CMP a entériné en modifiant la rédaction .

Ainsi, pour ces établissements, il est prévu que, par dérogation aux articles L.2121-1 et L.2122-5 du code du travail, jusqu’à la deuxième mesure de l’audience suivant la publication de la présente loi, le ministre chargé du travail arrête la liste des matières et le poids des organisations syndicales reconnues comme représentatives dans les branches qui regroupent ces établissements sur la base de l’ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires des comités socio-économiques de ces établissements et dans le scrutin concernant les entreprises de moins de 11 salariés sur la période considérée pour la dernière mesure d’audience.

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VAE : une réforme de fond

La validation de l’expérience acquise s’est considérablement enrichie au fur et à mesure des différentes lectures du texte par les deux Chambres, l’Assemblée nationale et le Sénat. Si le projet de loi initial ne prévoyait d’ouvrir ce dispositif qu’aux aidants familiaux pour leur permettre de s’appuyer sur les compétences acquises auprès d’un proche dépendant ou mourant, le texte définitif, issu de la commission paritaire du 9 novembre, pose les bases d’une réforme systémique de cette troisième voie d’accès à la certification, aux côtés de la formation initiale et continue. Les changements de texte sont substantiels.

Périmètre de la VAE

Première modification : le périmètre de l’EVA change d’échelle. Si jusqu’à aujourd’hui seules les compétences acquises dans le domaine professionnel ou non professionnel (bénévolat, syndical, associatif, expériences sportives) étaient valorisées, aujourd’hui ce n’est plus le cas. La VAE est ouverte à tous types d’activités (salariés, indépendants, bénévoles) et à tous publics (professionnels, sportifs, aidants…).

Par ailleurs, les candidats peuvent être accompagnés, dès le début de la démarche, pour la « constitution » de leur dossier (orientation vers le bon diplôme, pièces administratives à fournir, etc.). Cette étape, souvent rédhibitoire, est allégée. Un décret devra préciser les nouvelles étapes de cette procédure dite de « recevabilité » qui pourrait laisser place à une procédure orale.

Par ailleurs, les périodes de simulation « en milieu professionnel » seront comptabilisées « en deçà de la durée minimale d’expérience requise » en plus des périodes de formation initiale ou continue et des périodes de stage.

Le dossier est ensuite transmis à l’organisme certificateur (ministères, universités, organismes publics, chambres consulaires, ordres professionnels, certificateurs privés). Qui doit décider dans les deux mois suivant la réception de la demande.

A noter, le texte double la durée du congé VAE de 24 à 48 heures. Et à la fin de leur parcours, les candidats pourront obtenir une VAE partielle, obtenant des blocs de compétences, pour ensuite les orienter vers une validation complète.

Création d’un service public de la VAE

Surtout, le texte donne son feu vert à la création d’un service public de VAE. Ses missions ? « S’adresser et accompagner toute personne sollicitant la validation des acquis de l’expérience et justifiant d’une activité en lien direct avec le contenu de la certification visée. Ils seront mis en œuvre au niveau national par un Groupement d’Intérêt Public (GIP) composé de l’Etat, des Régions, de Pôle emploi, de l’Afpa, des Opcos et des Associations de Transition Professionnelle, ainsi que par « d’autres personnes morales publiques ou privées » qui pourront à adhérer en plus des « membres d’office ». Il est présidé par un président du conseil régional, selon les ajouts du Sénat. Ce service public sera soutenu par une plateforme numérique.

En matière de financement, les associations professionnelles de transition sont à nouveau mises à contribution : elles pourront financer forfaitairement les formations des candidats à la validation des acquis de l’expérience (VAE) (frais d’inscription scolaire ou organisme certificateur, constitution de dossier, préparation du jury de validation) « sans préjudice de la réalité et du sérieux du projet ».

VAE inversée

Enfin, après l’adoption du texte par le Sénat, le texte est complété par un article 4 bis, donnant le feu vert à une EVA inversée, à titre expérimental afin de « favoriser l’accès à la certification et aux professionnels des secteurs qui rencontrent des difficultés particulières ». difficultés de recrutement ».

Il s’agit ici d’accompagner l’accompagnement VAE par des contrats de professionnalisation pour permettre au titulaire de valider l’expérience acquise (partiellement ou totalement) non pas en amont de la formation, mais pendant celle-ci.

Cette expérimentation menée pour une durée de trois ans (à partir d’une date fixée par décret, et au plus tard le 1er mars 2023) devra être évaluée par le Parlement « au plus tard six mois avant sa conclusion ».

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