Depuis près de trente ans, Olivier B., 56 ans, rend la justice devant les tribunaux. Mais ce vendredi, l’ancien juge – qui fut autrefois juge des enfants – ne portera pas de robe noire lors du procès qui se déroule au tribunal de Besançon. Mis en examen pour avoir proposé sur Internet à un étranger d’avoir des relations sexuelles avec sa fille de 12 ans, il sera jugé pour « provocation injustifiée » à commettre des actes de corruption sur mineurs, viols et agressions sexuelles sur mineurs. Il risque sept ans de prison.

L’affaire a débuté en octobre 2019, lorsqu’un internaute du site de rencontre libertin a signalé un message posté par un homme proposant des relations sexuelles avec sa femme, mais aussi avec sa fille de 12 ans. Le message était accompagné de photos de l’adolescente en maillot de bain. Le gestionnaire du site a informé le tribunal et le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) a décidé d’ouvrir une enquête confiée à l’OCRVP (Office central pour la répression des violences aux personnes), service compétent en matière pénale. en ligne.

L’auteur du message, posté entre octobre 2019 et mai 2020, se trouve en Côte-d’Or. Son profil est un peu surprenant : Olivier B. est juge, vice-président du tribunal de Dijon où il coordonne la chambre des affaires familiales. Sa femme, mère de trois enfants, exerce le même métier. L’affaire était hors de propos à Besançon et une information judiciaire a été ouverte en janvier 2020.

« Un risque objectif de passage à l’acte »

Le 4 juin, le domicile et le bureau du couple ont été saccagés et leur matériel informatique confisqué. L’exploitation de son téléphone portable a conduit à la découverte de dizaines de photos pédopornographiques. Evoqué par les enquêteurs en garde à vue, le juge Dijon a reconnu ce fait. Il a assuré que sa femme n’était pas au courant et croyait être la seule auteure du message publié sur le site libertin.

Mais selon lui, il s’agissait simplement « d’un fantasme qui ne se réalisera jamais », a déclaré le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux, lors d’une conférence de presse, notant que « les enquêtes ne montrent aucune voie vers une telle action ». Olivier B. avait en effet proposé de rencontrer sa fille à l’un des partenaires sexuels que lui et sa femme fréquentaient fréquemment dans le cadre d’une relation échangiste. Mais ils n’y sont pas parvenus car ils étaient confinés. Pour Etienne Manteaux, « il y a un risque objectif de passage à l’acte ».

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Olivier B. a été mis en examen le 5 juin 2020 et placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer toute profession liée aux mineurs. Plus tard, il est revenu vivre avec sa femme et ses enfants. La situation a été jugée « problématique » par Sabrina Himeur, responsable du service juridique de La Voix de l’enfant, l’une des cinq associations citoyennes du parti. Un administrateur ad hoc – à savoir la protection de l’enfance – a été nommé pour représenter les intérêts de la fille du suspect.

Déjà démis de ses fonctions, le juge très apprécié, qui exerce depuis 28 ans, a été révoqué en juillet dernier par le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, saisi par l’ancienne garde des sceaux, Nicole Belloubet.

« Stress post-traumatique »

Deux expertises psychiatriques ont été réalisées. L’un d’eux conclut à « un problème sexuel invasif nécessitant un traitement », a détaillé le procureur de la République de Besançon. Les autres sont partis avec le suspect, qui s’est dit « profondément perturbé psychologiquement » par l’affaire Bodein. Le tueur en série, surnommé « Pierrot le fou », a été condamné à la prison à vie en 2007 pour trois meurtres, deux viols et deux enlèvements.

Lors du procès de la première affaire de Pierre Bodein, Olivier B. était l’avocat général. Son avocate, Me Pauline Neveu – que 20 Minutes n’a pas réussi à joindre – a expliqué lors de son procès devant le CSM que son client était « malade », « dévasté par des dossiers d’horreur » et « hanté par l’image de la jeune victime Pierrot le fou ». Depuis, dit-il, il souffre de « stress post-traumatique ».

« Pied de nez à la justice »

Son procès, qui devait se tenir le 12 janvier, a été ajourné jusqu’à vendredi. Le juge a ensuite été acquitté en première instance par son avocate, Me Pauline Neveu, qui a présenté un certificat médical prouvant « un état de santé très précaire sur le plan psychologique », « non conforme à l’apparence ».

L’absence du prévenu n’a pas manqué d’agacer le procureur de la République, Etienne Manteaux, qui s’est dit « insulté que cet homme, magistrat depuis plus de 20 ans, ait négligé la justice ». « Nous avons déposé une nouvelle demande de compétence car nous avons été très surpris » par cette absence, a indiqué Sabrina Himeur, de La Voix de l’enfant, qui regrette également qu’Olivier B. n’ait pas été jugé pour propriété de l’image.