« Aujourd’hui, 90% des quelque 3 milliards de couches que portent les bébés français sont produites hors de France : c’est une situation omniprésente », explique Geoffroy Blondel de Joigny, l’un des deux co-fondateurs et dirigeants de Naturopera. Le 18 octobre, cette PME française à impact a inauguré son usine de couches dans la zone d’activité Alouette, à Bully-les-Mines (Pas-de-Calais). Dans ce bâtiment gris et rose d’une surface de 19 000 m2, une première ligne de production, longue de 60 mètres, produira 800 couches par minute dès la mi-novembre, avec l’objectif d’en produire 200 millions par an. . Une deuxième ligne sera installée en 2024.
Trois usines en France
Depuis trente ans, aucune usine de couches n’avait vu le jour en France. Seules deux usines en fabriquent encore : BB Distribe, dans les Vosges, et Celluloses de Brocéliande, dans le Morbihan, sous leur propre marque et pour d’autres groupes, tout comme Naturopera. L’implantation de cette troisième usine marque-t-elle le début de la réindustrialisation de ce grand marché des produits de première nécessité non alimentaires ? « Bully-les-Mines est en train de devenir l’une des capitales de la fabrication de couches en France », se réjouit en tout cas François Lemaire, maire de cette commune du Pas-de-Calais de 12.000 habitants.
Si les co-gérants de Naturopera annoncent la création de 100 emplois d’ici deux ans et 40 d’ici la fin de l’année, ce sont actuellement une vingtaine de salariés qui commencent à travailler sur le site de production.
Ils ont été recrutés avec l’aide de Pôle emploi, de la Mission locale, de la Maison de l’emploi, de la communauté d’agglomération Lens-Liévin (Call) et de la mairie de Bully-les-Mines. « On fait connaissance petit à petit avec cette machine qui est impressionnante, même s’il y a des choses que je connaissais », raconte Laurent Lecoq, opérateur polyvalent de 49 ans qui a suivi une formation de deux mois en hydraulique, électricité, pneumatique. et hiérarchique avec l’Afpi (1) d’Hénin-Beaumont. Comme d’autres nouveaux employés, cet ancien de Brigdestone s’est rendu en Italie pour découvrir la machine sur laquelle il va désormais travailler, d’abord en « deux-huit ».
Lavable ou jetable ?
Créé en 2013 par deux amis d’enfance, Geoffroy Blondel de Joigny et Kilian O’Neill, Naturopera est spécialisé dans les produits d’hygiène bio, naturels ou écologiques, fabriqués à 90% en France. Après Tidoo, sa marque de couches vendues en magasins bio, Naturopera a lancé Carryboo pour la GMS, avant de développer une gamme de produits d’hygiène féminine (Tadam) et d’entretien ménager. La nouvelle usine est la première en France à produire des couches 100% écologiques.
Pour ce duo d’entrepreneurs qui n’ont pas investi dans les couches lavables (mais qui ont développé des culottes menstruelles lavables), la couche jetable écologique est l’avenir : « Nous suivons les attentes des consommateurs, mais la part des couches lavables n’a jamais dépassé les 5 % », précise Kilian. O’Neill, ajoutant que, selon l’Ademe, l’impact écologique des couches jetables n’est pas pire que celui des couches lavables.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie n’a pas tranché la question, les deux catégories de couches ayant chacune des impacts différents sur l’environnement, en termes de déchets, de consommation d’eau et d’énergie. « Changer notre façon de consommer nécessite de changer nos modes de production. Et nous, PME françaises, nous sommes des petits colibris », poursuit Kilian O’Neill, citant Pierre Rabhi.
Le retour des couches dans les Hauts-deFrance
L’entreprise à impact, certifiée BioEd (bio-entreprise durable) et PME+ (le label des PME engagées pour l’homme, l’emploi et l’environnement) entend poursuivre ses efforts pour respecter la planète tout au long du processus de fabrication. de ses couches de cellulose de bois. L’usine de Bully-les-Mines est la première en Europe à utiliser un système qui récupère l’air présent dans la machine pour chauffer le bâtiment en hiver. En été, l’air sera tempéré par l’aspersion d’eau. Ce système devrait permettre de diviser par 10 la consommation d’électricité par rapport à une centrale classique.
Pour ce projet de réindustrialisation et de relocalisation, Naturopera a reçu le soutien financier de l’Etat dans le cadre du plan France Relance, de la Région Hauts-de-France, de Call ou de BPI France, mais aussi d’acteurs privés. (le fonds Regain 340 géré par Turenne Groupe, Société Générale et CIC).
En tout cas, l’implantation de cette nouvelle usine signe le retour des couches dans les Hauts-de-France : on se souvient de Peaudouce, dont le siège était à Linselles (Nord) et qui a pris de plein fouet, dès la fin des années 1980, les Pampers shock, marque phare du géant américain Procter & Pari.