Il y a près de mille ans, une poignée d’adeptes, lancés des confins du désert, sous la houlette du chef spirituel Abd-Allah ben Yacine, jetaient les bases d’un vaste empire ibéro-africain.

Notre histoire commence dans le premier tiers du XIe siècle, lors du retour de La Mecque du dirigeant sahraoui Yahya ben Ibrahim al-Goudali.

Il s’arrête un instant à Kairouan, foyer de diffusion du malékisme, et suit les cours du juriste natif de Fès, d’origine zénith, Abou-Imrane al-Fassi.

Là, Yahya prend conscience de l’étendue des lacunes de ses contributeurs dans l’application des préceptes religieux et fait appel aux théologiens pour leur enseigner la science et consolider leurs connaissances.

Devant les réticences de ses élèves, peu enclins à une telle expédition dans le désert, Abou-Imrane recommande Waggag ben Zellou Lamti, né au Noun-Lamta, installé à Aglou dans l’anti-atlas, où il avait fondé  » Dar al-Mourabitin » », institution vouée à l’enseignement des sciences religieuses.

En l’an 1039, le message est reçu avec soin et un théologien qui est prêt à se joindre au voyage.

Il s’agit de ‘Abd-Allah ben Yacine le Gzouli, originaire de Tamanart dans le Souss, décrit comme un érudit sévère et sévère.

Si le début de son séjour s’avère de prime abord chaleureux, sa mission se caractérise par tant de zèle que les populations, troublées par son puritanisme, le destituent de son imamat et l’expulsent de la tribu.

Selon l’historien Ahmed Naciri dans son « Istiqça », c’est Abd-Allah ben Yacine lui-même qui a décidé de quitter les Goudalas lorsqu’ils « se sont détournés de lui pour suivre leurs passions », avant de répondre aux suggestions de leur chef politique de se produire, avec lui et une poignée de fidèles, une retraite ascétique sur une île pourvue de ressources et d’eau douce.

C’est là, dans un ermitage fortifié, qu’est né le mouvement almoravide.

Quant à la localisation précise de ce ribat, on est perdu en conjectures, entre ceux qui le placent sur une île du Bas Sénégal, sur le fleuve Niger, ou à Tidra dans l’actuelle Mauritanie…

Quoi qu’il en soit, au terme de ces sept années d’exil et d’organisation, les partisans et cette sorte de moine-guerrier étaient, selon des chiffres sans doute symboliques, passés de sept à mille.

Ils sont nommés par l’idéologue du mouvement : « al-Mourabitoun » (ceux du Ribate).

La mission put être reprise avec succès, d’abord chez les Lemtouna, puis chez leurs cousins ​​Goudala, avant la formation d’une confédération de tribus rejoignant les Beni Ouarith après la date de 1048.

Il faut dire que cette réforme almoravide, bien que centrée sur la religion et fondée sur un principe unificateur, a d’abord été portée par l’esprit clanique (la fameuse ‘Asabiya) des tribus Sanhaja, grands nomades chameliers qui ont nomadisé pendant plusieurs siècles avant l’Islam à partir des Montagnes de l’Atlas jusqu’aux rives du fleuve Sénégal.

A la tête de cette confédération sanhadjienne, et dans le cadre d’une opération bicéphale, en 1054 le chef spirituel avait nommé un chef militaire, Yahya ben Omar le Lemtouni, non sans rébellion, cette fois politique, de Goudala, qui se sentit plus mal posé par ce changement de pouvoir.

« Quant à ‘Abd Allah ben Yacine, c’était lui le vrai prince, écrit Ahmed Naciri, car c’est lui qui commandait et interdisait, donnait et refusait, et c’est sur son conseil qu’ils agissaient ».

La base doctrinale du mouvement put ainsi être initiée, la conquête des tribus put commencer avec zèle, de même que la collecte des impôts canoniques servait à l’armement du « combat dans la voie de Dieu », avec pour devise : « Défendez la droite, supprimez les taxes illégales et appliquez les recettes coraniques ».

Les réalisations des Almoravides ont pris de l’importance avec la conquête, en 1054, de la riche cité caravanière d’Aoudaghost ; aux confins de l’Empire du Ghana.

La nouvelle de leurs exploits a également précédé ceux plus au nord, où le pays était en proie à des divisions.

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Ainsi, sous l’impulsion des théologiens de Sijilmassa et du Draâ, excités par les efforts des princes zénètes Maghraoua du clan Beni Khazroun, les Almoravides s’emparent de Sijilmassa en 1055 et sécurisent la route de l’or du départ à l’arrivée.

Pendant ce temps, plus au sud, Goudala se rebella à nouveau, assiégeant Yahya ben Omar le Lemtouni dans les montagnes de l’Adrar en 1056 à la bataille de Tabfarilla, où il fut tué.

Son frère Abou-Bakr ben Omar, immédiatement équipé de l’épée de commandement, prépare une grande armée, dirigée par son cousin Youssef ben Tachfine, tandis que le troisième frère, Yennou ben Omar, fait construire une forteresse à Azougui, notamment citée par les Andalous. géographe al-Bekri comme la première capitale des Almoravides.

L’armée victorieuse marche alors vers le Souss et vers le pays de Masmouda, s’empare de la tribu des Gzoula, des villes de Massa et de Taroudant.

Puis c’est au tour de Chichawa, de l’allégeance des tribus Nfis, Regraga et Haha, jusqu’à l’arrivée à Aghmat, où en 1057 les Almoravides expulsent l’émir maghrébin Leqqout, qui s’enfuit de nuit à Beni Ifren, maîtres de Salé et Tadla , avant d’être tué.

En 1059 vient l’expédition contre le schismatique Berghouata de la Tamesna.

Les Almoravides y ont perdu leur chef religieux, Abd-Allah ben Yacine, tué près de l’Oued Korifla, dans la région de Rabat, où il est enterré et où sa tombe est encore connue sous le nom de Sidi Abd-Allah Moul-Gara.

Confirmé comme chef des Almoravides, Abou-Bakr ben Omar poursuit les combats contre les Berghouatas et contre d’autres tribus Fazaz dans le Moyen Atlas, mais doit retourner dans le sud pour réprimer certaines rébellions.

Il laissa la direction des affaires à son cousin Youssef ben Tachfine, et quitta Aghmat en 1061, la base de la dynastie, où il avait épousé Zaynab, la veuve du prince vaincu, et lui avait accordé sa liberté trois mois après leur union.

A son retour, il est accueilli par un puissant chef capable, qui avait entre-temps épousé Zaynab et, sur ses recommandations, avait reçu Omar avec force armée et une riche foule, sans user des courtoisies d’usage :

« A quoi servent ces troupes de Youssef ? aurait-il demandé de fond en comble.

«Ils sont pour tous ceux qui s’opposent à moi.

« Et les chameaux lourdement chargés ?

– C’est ce que j’ai comme richesse nécessaire à ta vie dans le désert…

Saisissant les allusions de son cousin et lieutenant, Abou-Bakr lui aurait fait de pieuses recommandations sur sa conduite envers ses sujets avant son départ.

Cependant, les expéditions d’Abu-Bakr ne s’arrêtèrent pas au sud, où il avait profité des conflits internes de l’empire du Ghana pour s’emparer de leur capitale, Kumbi Saleh, en 1076 avec le soutien de ses alliés du royaume de Tekrour.

Il trouvera la mort au combat, onze ans plus tard, victime d’une flèche empoisonnée. Enterré au Tagant, il laisse sa femme toucouleur enceinte de son fils Ndiadiane Ndiaye, considéré par la légende comme le fondateur du royaume wolof du Waalo au Sénégal.

De son côté, plus au nord, son cousin Youssef avait accumulé les victoires dans une ascension fulgurante, prenant le titre d’émir des musulmans et laissant le titre d’émir des fidèles au calife de Bagdad.

En 1085, il répond à l’appel au secours des rois des principautés de la péninsule ibérique et remporte la victoire retentissante de Zallaqa, puis franchit à nouveau le détroit en 1090, dans une troisième expédition qui devait conduire à l’annexion des royaumes de Taifa. . , l’occupation de la vallée de l’Èbre et l’arrêt en même temps de l’avancée de la Reconquista.

A sa mort en 1106, à un âge très avancé, il laissa à son fils et successeur un vaste empire s’étendant des rives du Sénégal aux confins de l’Aragon et de l’Atlantique à Alger, avec Marrakech pour capitale.