Publié le 13 janvier 2023 sur 14h45. Mis à jour le 13 janvier 2023 à 17.08.

Crampes abdominales, douleurs pelviennes et musculaires, maux de tête, maux de dos, pertes hémorragiques, fatigue intense, nausées, diarrhées, constipation… Il suffit de parcourir la rubrique « suivi du cycle » de l’application Santé pour la (longue) liste des différents événements liés aux règles. symptômes.

65% des Françaises exerçant une activité salariée déclarent avoir déjà eu des difficultés avec leurs règles au travail, selon une enquête IFOP de septembre 2022 commanditée par EVE and CO (marque française spécialisée dans les culottes menstruelles). Pire, une salariée sur cinq ayant ses règles a déjà fait l’objet de moqueries ou de remarques désobligeantes sur les règles. Le fameux : « Alors, tu as tes règles ? » ! »

Lever le tabou

Pourtant, le sujet reste largement secret dans le monde professionnel. Contrairement au Japon, à la Corée du Sud ou, plus récemment, à l’Espagne, le « congé menstruel » pour les salariées souffrant de leurs règles n’est pas pertinent en France. Peu importe que l’entrepreneuse Elodie Placide, à la tête de la startup Clitty, entende introduire le dossier « menstruations » dans les affaires.

Depuis 2021, le jeune entrepreneur commercialise des serviettes hygiéniques lavables et des culottes menstruelles écoresponsables. Après huit mois de prototypage et de tests en région lyonnaise, leur fabrication est garantie sans perturbateurs endocriniens et le label GOTS qui certifie entre autres un textile biologique.

« Tiers payant menstruel »

Fabriqués en France, ses produits sont chers à produire et ne dégagent pas une marge suffisante pour être vendus en grande distribution. Mais tant pis, Elodie Placide se tourne en 2022 vers un business model « B2B2C », c’est-à-dire par médiation. Elle surfe sur l’idée d’un « tiers payant menstruel », où l’utilisatrice ne paie rien dans un premier temps.

Son objectif : faire de Clitty un intermédiaire entre les bailleurs de fonds (entreprises et universités) et les bénéficiaires finaux (salariés et étudiants menstrués), qui bénéficieront d’ateliers de sensibilisation sur le thème des menstruations et d’au moins une serviette hygiénique lavable à la clé . « Certaines entreprises ou grandes écoles proposent déjà des protections jetables dans leurs sanitaires, alors pourquoi ne pas les réutiliser ? », lance l’entrepreneur, qui ne cache pas son ambition.

Ce modèle économique repose sur la vente d’un « forfait » : la structure achète la quantité de serviettes souhaitée (qui correspond généralement au nombre de personnes participant à l’atelier) et facture séparément l’intervention de l’expert. Comptez 1 000 € HT pour l’atelier de sensibilisation d’une heure et demie, accompagné de 40 serviettes Clitty – vendues 25 € pièce sur leur site e-commerce.

Franchir le cap et réduire les déchets

Ce premier test, proposé par un tiers – l’employeur ou le collège – a pour but de convaincre les femmes de franchir le pas et donc in fine de les retenir. « C’est normal que les écoles s’en préoccupent, c’est un besoin physiologique, et plus tôt on élève les femmes dans des habitudes vertes, plus elles sont établies », dit-elle. Du côté des entreprises, elle estime que « ça va dans le sens de l’histoire avec le développement de la RSE pour prendre en compte la réduction de l’empreinte carbone des salariés ».

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Les culottes menstruelles (et strings) Clitty conviennent à tous les types de flux : de légers à très abondants. Clito

Rappelons que les protections hygiéniques à usage unique représentent environ 30 kg de déchets par personne par année, selon les données de l’Ademe. Sans oublier les produits chimiques nocifs qui en contiennent le plus, une question déjà soulevée en 2018 par l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire.

Une histoire de flux

Lorsqu’elle a lancé Clitty en 2021, ce n’était pas la première expérience entrepreneuriale d’Elodie Placide : elle avait fondé une agence de communication digitale spécialisée dans le rebranding deux ans plus tôt avec deux amis.

Mais cette fois, l’histoire est plus personnelle. Parce qu’elle souffre d’endométriose, comme une femme sur dix en France, elle s’engage sur le sujet. Avec son flux menstruel extraordinaire, elle a regardé le temps sans résultats pour des protections lavables et écoresponsables qui correspondaient à ses besoins.

« Au bureau, c’était compliqué », raconte-t-elle. Parfois, je devais changer de protection presque toutes les deux heures. Ni une ni deux, elle pitche son projet via Ulule et récolte 5 000 euros en novembre 2021 sur cette plateforme de financement participatif. De quoi lancer sa première ligne de serviettes hygiéniques réutilisables. Des produits qu’elle conçoit et adapte aux différents flux menstruels. « Le Covid ne m’a pas aidée, et le prix des matières premières a explosé avec la guerre en Ukraine, mais je tiens le coup », assure-t-elle.

Sur le blog de Clitty, elle écrit ensemble – avec une apprentie et une pigiste – des articles pédagogiques sur le fonctionnement des règles, et notamment sur l’importance de suivre son cycle. Elle dit avoir choisi des couleurs vives (violet, orange) pour ses serviettes hygiéniques et sa culotte afin de contraster avec les fonds noirs habituels des autres produits sur le marché, ce qui rend difficile de dire à quel point elle a coulé ou de voir sa consistance. « C’est important de mieux se connaître, de savoir mieux écouter son corps », dit-elle.

La sensibilisation, nerf de la guerre

Elle fait d’une pierre deux coups et veut encourager une consommation plus respectueuse de l’environnement des protections sanitaires, tout en libérant la parole sur les règles au travail.

Au dernier trimestre 2022, le pari s’avère gagnant : une première collaboration est initiée avec l’Ecole des Mines de Saint Etienne, et avec la société Suez, où elle anime un atelier d’information sur le thème des menstruations, basé sur travail volontaire. L’entrepreneur voit déjà plus grand pour l’avenir. « Ces ateliers doivent à l’avenir être ouverts à tous, car ils ne sont pas réservés qu’aux femmes menstruées. »

Prochaine étape pour la Lyonnaise ? Former les membres du club entreprise Lyon Part-Dieu et de l’association des étudiants de la Martinique (l’île dont elle est originaire) à l’occasion du mois de l’endométriose en mars et embaucher un(e) nouvel(le) élève(s) ouvrier(s) côté commercial. Welcome Arms pour développer son activité dans dix structures cette année et distribuer 150 000 protections sanitaires lavables d’ici deux ans.