Par Grégory Rateau | Publié le 23/05/2022 à 00:00 | Mis à jour le 23/05/2020 12:49
Au cœur du delta du Danube, sur les rives du bras Sulina, se cache Crisan, petit village de pêcheurs de 500 habitants. Caroline Baert y habite, une française tombée amoureuse de la région en 2006 et qui a décidé de s’y installer. Avec Petre, son mari, ancien pêcheur professionnel, aujourd’hui guide diplômé et passionné d’ornithologie, ils ont ouvert une bûche familiale qui accueille les touristes désireux de découvrir une Roumanie authentique. Réunion…
Nous pratiquons ce qu’on appelle un tourisme de niche basé sur les oiseaux et travaillons avec une clientèle très respectueuse de la nature, mais malheureusement ce n’est pas toujours le cas dans le Delta.
Grégory Rateau : Pouvez-vous nous dire en quelques lignes votre parcours ?
Caroline Baert : Je viens du nord de la France, de Lille, où j’ai fait des études de droit, puis un master de coopération internationale. J’ai occupé des postes de chef de projet pour des ONG ou des associations et j’ai également travaillé pour une société de recrutement.
Quand et comment avez-vous décidé de vous installer dans le village de Crisan ?
J’ai décidé de m’installer à Crisan en 2006. Nous connaissons Petre depuis 2 ans, notre choix s’est porté sur Crisan plutôt que sur la France, car mon mari aime son travail et les opportunités étaient formidables. Avec un tout petit budget nous avons pu créer notre petite entreprise familiale. Le delta était encore très sauvage et le projet de créer notre maison d’hôtes me passionnait, nous faisions pratiquement tout nous-mêmes. C’était un choix de vie, un peu comme l’élevage de chèvres dans le Larzac, pour moi c’était normal. Tout n’a pas été facile, mais au final les résultats ont été plutôt positifs.
Vous tomberez amoureux de cet endroit…
Oui, je pense qu’on peut appeler ça un coup de cœur : j’aime cet immense plan d’eau, la tranquillité et la beauté de la nature. Quand je monte dans le bateau ou quand on part en canoë, j’ai l’impression de donner un sens à ma vie… J’aime aussi la simplicité de la vie au village, qui suit le rythme des saisons et sans faux-semblant.
Comment avez-vous rencontré votre mari, Petre, avec qui vous dirigez Pensiunea Vasiliu Guesthouse ?
J’ai rencontré Petre en 2004 lors de ma mission de volontariat à Tulcea. Un ami français était venu me voir et je cherchais un lodge dans le delta avec, si possible, une balade guidée en bateau. Écoute, je suis tombé sur Petre. A cette époque, il avait aménagé 2 chambres dans la maison de sa mère. Le reste était clair… Nous avons maintenant un beau chalet et 2 super filles de 11 et 14 ans.
Comment s’est passée votre intégration au village au début ?
Au début, je ne parlais pas du tout roumain, mais je me souviens avoir dit « buna ziua » à tout le monde. Je n’ai eu aucun problème d’intégration car mon mari est une personne très populaire dans le village. Petit à petit j’ai pris mes marques, j’ai appris le métier de guide et celui de gérant d’une maison d’hôtes.
Crisan se trouve à 49 km de Tulcea et n’est accessible que par bateau. Quelles sont les principales difficultés de vivre dans un endroit aussi isolé ?
Il n’est pas toujours facile de vivre loin de tout, il y a d’abord le problème du ravitaillement, il faut avoir de bonnes armes pour tout transporter depuis Tulcea. La construction du chalet était également très sportive. Pour les personnes âgées, le plus difficile est le manque d’accès aux services médicaux. Nous avons un dispensaire dans le village mais pour le reste nous devons nous rendre en bateau à Tulcea. Et puis l’hiver la vie est dure au village.
Votre chalet existe depuis une dizaine d’années, avez-vous remarqué une évolution dans la typologie des touristes qui y viennent ?
Nous pratiquons ce qu’on appelle un tourisme de niche basé sur les oiseaux et travaillons avec des clients très respectueux de la nature, mais malheureusement ce n’est pas toujours le cas dans le Delta. Il y a des bateaux de plus en plus rapides et des excursions express. En une journée nous vous présenterons Mila 23, Letea et Sulina ! C’est très pollué et finalement on ne voit plus rien du tout. Il y a aussi de plus en plus de bateaux de croisière et de complexes hôteliers de luxe.
Comment la pandémie a-t-elle affecté votre entreprise ?
Cette période a été très difficile pour nous dans le sens où nous travaillions principalement avec des agences ou des clients de France, Belgique, Allemagne… Nous avons malheureusement dû abandonner nos employés et nous concentrer sur l’amélioration de notre gîte avec l’aide d’un ami. Désormais, c’est la guerre en Ukraine qui fait peur à nos clients…
Quelles sont les perspectives actuelles du tourisme dans la région du delta du Danube ?
C’est une véritable attraction touristique pour le Delta et le potentiel est immense. Mais c’est avant tout une réserve. Nous prônons un tourisme lent et responsable avec tout le confort moderne sans aller au-delà.
Vous vivez au rythme des saisons et en contact permanent avec la nature. Avez-vous remarqué les effets du changement climatique dans votre région ?
Même si nous vivons au bord de l’eau, nous sommes confrontés à une sécheresse sévère, le niveau du Danube est très bas pour la saison et cela affecte surtout nos pêcheurs qui ont de plus en plus de mal à pêcher. Il y a aussi moins de berges sur le rivage qui sont trop sèches. L’automne s’allonge de plus en plus en Roumanie et on assiste à une migration tardive de nombreuses espèces.