Cardinal Théodore Adrien Sarr, Archevêque émérite de Dakar/Lucie Sarr/LCA
En octobre 2022, le cardinal Théodore Adrien Sarr, a publié un livre d’entretien avec Yohan Picquart, journaliste et auteur français. Quelques semaines après la parution de l’ouvrage intitulé « Afrique, lève-toi et marche » (1), l’archevêque émérite de Dakar revient, dans cet entretien avec La Croix Africa, sur son parcours et donne son avis sur la situation du continent.
La Croix Africa : Qu’est-ce qui vous a le plus marquée dans votre parcours pastoral ?
Cardinal Théodore Adrien Sarr : Ce qui m’a le plus marqué dans mon parcours de prêtre, d’évêque, d’archevêque et de cardinal, c’est le don de soi pour servir. Dans les étapes de ma préparation au sacerdoce, je l’ai vu comme un service, me référant à la parole du Christ : « Ainsi le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs (Mt 20,28) , ainsi que dans la fidélité à l’étymologie latine de ministre (« ministre » = serviteur). Je me suis donc toujours considéré, depuis mon ordination sacerdotale, comme un serviteur de Dieu et des hommes, et j’ai efforcé de me donner par amour, de tout mon cœur et de toutes mes forces, pour servir Dieu et les hommes, comme prêtre et évêque, jusqu’à présent.
Que pensez-vous des paroles que les évêques africains ont prononcées sur le domaine socio-politique de leurs pays ?
Cardinal Théodore Adrien Sarr : Les pays africains en général ont inscrit dans leurs constitutions la séparation des pouvoirs temporels et spirituels et une laïcité positive de l’État. Dans leurs relations avec ces États, les évêques des différents pays respectent scrupuleusement la doctrine sociale et la pratique courante de l’Église catholique. Mais face à des situations créées par les pratiques des gouvernements et qui sont gravement préjudiciables au bien des peuples ou susceptibles de compromettre l’avenir de leur pays, ils élèvent la voix ici et là et de temps en temps pour déplorer et condamner de telles pratiques. Ils ne manquent pas pour proclamer que « les évêques font de la politique ». Ce n’est pas le cas car ces prêtres de l’Église catholique ne parlent pas en tant que partisans de formations politiques, mais en tant que citoyens responsables qui utilisent leur autorité morale et spirituelle pour contribuer à la promotion du bien et de la paix du peuple. condamnant les graves irrégularités dans cette gestion de la ville, qui est la politique des États. Lire aussi : Cardinal Sarr : « Il est rare qu’une vocation sacerdotale ne rencontre pas de problèmes ou d’hésitations et de difficultés »
Plus de 60 ans après les indépendances, plusieurs pays africains figurent toujours parmi les moins développés du monde. Qu’est-ce qui peut changer cette tendance ?
Cardinal Théodore Adrien Sarr : Oui, malgré des décennies d’indépendance nationale, plusieurs pays africains ne montrent pas de progrès significatifs dans leur développement. Comment ne pas tourner nos pensées vers leurs gouvernements, vers leurs décideurs politiques et économiques ? Cherchent-ils le développement de leur pays ou l’accumulation d’avantages particuliers ? La hiérarchisation des priorités de leurs projets, décisions et mesures est-elle l’amélioration sûrement graduelle des conditions de vie et du bien-être des populations du pays dont ils ont cherché et obtenu la gouvernance et l’orientation, après des luttes souvent amères ? A mon humble avis, ces pays indépendants ne peuvent sortir du sous-développement qu’avec « l’autopromotion » de leur développement. Je crois qu’il appartient au pouvoir, aux décideurs politiques et économiques, de penser le développement du pays lui-même, de déterminer les voies et moyens, d’impliquer la population dans sa gestion. Décider par nous-mêmes du développement que nous voulons, compter d’abord sur notre potentiel humain et nos propres ressources et les engager dans les entreprises qui le produiront, rechercher et accepter une aide extérieure supplémentaire sans déformer notre vision, c’est à mon avis la manière dont sortira nos pays de la pauvreté pour marquer une avancée effective vers le « développement de chaque homme et de tous les peuples ».
Comment gérez-vous cette période de votre vie à la retraite ?
Cardinal Théodore Adrien Sarr : Je remercie constamment Dieu de m’avoir offert le temps de la retraite, qui me permet de revoir toute ma vie, de parfaire ma relation avec lui, d’accueillir les gens et d’échanger avec eux.
La retraite que je vis depuis 2015 me permet de dédier à Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit plus de prière, chaque jour. Ce sont : la célébration eucharistique, la récitation de l’Office des Heures, la prière, la méditation de la Parole de Dieu, l’étude des livres bibliques, l’approfondissement de la compréhension de leurs différents messages, le chapelet.
Durant la semaine j’accorde quelques auditions demandées pour échange personnel et recueil de conseils. Chaque jour, je prends le temps de lire des livres, d’écrire quelques sermons et discours, des réflexions comme celles qui composent ce livre « Africa Rise and Walk! » »