Après celles de Bruce Dickinson (Iron Maiden) et Rob Halford (Judas Priest) déjà parues en France aux éditions Talent, la publication ce mercredi d’une biographie du chanteur d’AC/DC est un événement. D’autant plus que l’annonce d’une nouvelle tournée pour les garçons se précipite ces jours-ci, privés de dates en 2020 avec un Power Up pendant la pandémie…
Bref, voilà le bon coussin pour patienter et soulever les questions entourant le « cabinet » de Brian « Jonna » Johnson en 2016 pour cause de « surdité » (« Les gens m’avaient noté bon pour la pause », écrit-il), avant sa réintégration en 2018.
Astucieusement, ce « coup dur » constitue le prologue « dramatique » de l’œuvre. Nous sommes en plein Rock Or Bust World Tour et Brian se rend compte que quelque chose « ne va pas » au pays des Hells Bells… L’épilogue du livre survient lorsque Brian se réveille dans un lit d’hôpital après une opération des esgourdes dans un Centre australien à Sydney. Juste en face de l’endroit où Malcom Young a été soigné pour « démence prématurée » avant de mourir en 2017…
Entre ces deux passages, la vie d’un Brian qui se fraie un chemin à travers différents groupes en marge de son travail chez Parsons, une usine de turbines à vapeur. Tous les épisodes sont racontés avec le badinage caractéristique du chanteur qui ne se soucie pas des figures stylistiques et le joue très bas dans le chapitre « s’installer ». Seul Chuck Berry y va. « Vous ne rencontrerez jamais vos héros », se lamente-t-il.
Un second livre pour l’après Back In Black
Attention aux addicts des révélations d’AC/DC, la saga se limite aux coulisses de l’enregistrement de Back In Black. « Je réserve la suite pour un nouveau livre, » glisse sarcastiquement Brian. Adieu donc les anecdotes sur les « rançons de la gloire » ou les jeux varois dans les vignes de Miraval où Blow Up Your Video a été tourné en 1987.
L’argent est le nerf de la guerre pour le jeune Brian, et nous suivons son premier « pas », ou plutôt son saut, dans le Parachute Regiment où il s’enrôle pour obtenir la prime de 200 £ qui lui permettra éventuellement d’acheter un son digne de ce nom.
Très vite l’histoire se concentre sur les années Geordie, ce groupe d’abord baptisé USA, signé chez Red Bus/EMI mais ne décollera jamais malgré quatre albums et quinze apparitions dans l’émission alors phare, Top of the Pops. Jonna raconte avec vivacité la création de l’émission télévisée où il a croisé Michael Jackson, quand « un seul numéro » de Jackson 5.
Une fois que Geordie a été choisi, Jonna revient avec… Geordie II, gagnant de l’argent en reprenant des classiques ou Whole Lotta Rosie d’AC/DC dans les clubs de la « classe ouvrière ». Les timbres finissent par tomber et Brian fonde simultanément sa petite entreprise d’installation de « capotes en vinyle pour voitures ».
Mais le vinyle qui « ouvrira » sa vie sera celui qu’Angus et Malcom lui proposeront d’enregistrer après la mort de Bon Scott, victime de ses excès… « Dans le monde où j’ai vécu, personne n’avait d’argent pour acheter de la drogue, et nous devions nous lever tôt le matin pour aller travailler », observe Brian, alors aussi incrédule devant une telle disparition que devant la suggestion des frères Young de rejoindre leur groupe.
« Je n’étais connu que dans mon quartier, et je pensais qu’avec eux je boxais en dehors de ma catégorie », confie-t-il un peu défaitiste.
La deuxième audition dans laquelle il décrit comment Malcom le lance sur les accords d' »un titre hommage à Bon », le squelette de Back In Black, ne manquera pas de donner des frissons au gamin qui se fige et achète le black cover cake en 1980.
Les doutes et la peur
« En un instant, j’ai senti l’atmosphère changer autour de moi », note Brian qui devra cependant composer avec beaucoup de doutes avant de quitter « la vie d’avant ».
Il serait inapproprié ici de dévoiler la fin de l’histoire et les dessous de son intégration à lire avec plaisir. Quelques pistes cependant. Brian admet avoir de graves pannes d’inspiration pour l’écriture de chansons pendant les sessions en studio et avoir du mal à obtenir, à moins qu’il n’ait « un troisième poumon », la voix aiguë demandée par le producteur Robert John « Mutt » Lange.
Rencontrer la famille Scott endeuillée en Australie est un moment poignant lorsque Brian coche, Non, Bon Scott n’avait rien enregistré ni écrit avant sa mort pour ce qui allait devenir l’album le plus vendu de tous les temps (après Thriller de Michael Jackson).
En conclusion vient le concert « test » à Namur, en juin 1980… Brian avoue avoir retrouvé cette sensation étrange qu’il a éprouvée, troupier, lors de son premier saut en parachute. Cette fois, il a bien terminé en « torches ». Sous les milliers de watts qui l’ont illuminé et mené au sommet alors qu’il poursuivait l’aventure électrisante.
Les Vies de Brian, Talent Editions, 365 pp., 21,90 €.
Un « Bon lutin » en 1re partie !
Bienvenue dans la vie d’une famille à Dunston, une banlieue ouvrière de Newcastle, non loin de là où Brian, l’aîné de quatre frères et sœurs, a poussé son premier cri en 1947 d’une mère italienne douée pour la couture (comme pour assister à la tenue de première année du fils, visible dans le livret de photos !) et d’un sergent instructeur rescapé de la guerre, employé notoirement bruyant dans une fonderie.
Comme beaucoup de petits garçons de sa génération, il a été foudroyé à onze ans, lorsqu’il a vu pour la première fois Little Richard gigoter sur la BBC. « Mon rêve de devenir chanteur est né avec Tutti Frutti. C’est comme si j’étais soudainement branché sur le secteur », s’aventure Brian, la première métaphore d’AC/DCian.
Très vite il saisit l’opportunité de chanter dans les scouts marins puis dans la chorale de l’église avant de devenir « enfant comédien » sur la chaîne locale. Papa « trop jeune » à 19 ans, il jongle avec les impératifs familiaux, mais la musique prend irrémédiablement le dessus lorsqu’il voit Hendrix et Status Quo en live en 67 et 69, puis passe professionnel avec le groupe Geordie (lire plus haut).
L’épisode comique se produit lorsqu’un gang australien ouvre pour Torquay et Plymouth. « Leur chanteur était le voyou le plus sauvage que j’aie jamais vu, avec des cheveux tahitiens Bob (le personnage de Simpson, ndlr), une dent manquante et une barbe d’Abraham Lincoln. Il ressemblait à un gobelin, mais qu’est-ce qu’il pouvait bien chanter ! » Brian. Le groupe en question était Fraternity (rebaptisé Fang sur cette tournée) et le « lascar » en question Bon Scott, réalisera des années plus tard son successeur.
« Je n’ai jamais revu Bon », se lamente Brian, qui a également découvert plus tard qu’il avait les frères Young, Malcom et Angus, comme « spectateurs de passage » lors de la tournée des clubs australiens des Geordies.