Ce juge de Dijon (Côte-d’Or) avait rendu sexuellement disponible sa fille mineure sur un site de rencontre libertin. Il a été jugé devant le tribunal de Besançon vendredi 18 février malgré son absence. Le procureur a requis deux ans de prison, dont un avec sursis, et sa défense demande sa libération. La décision du tribunal sera rendue le 11 mars.
L’accusé n’a pas comparu, vendredi 18 février, devant le tribunal de Besançon. L’examen psychiatrique a conclu que son état n’était pas compatible avec une comparution devant le tribunal. Mais il a décidé de le juger malgré son absence, comme le réclamait le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux.
Entre octobre 2019 et mai 2020, le magistrat de l’époque de Dijon (Côte-d’Or) avait proposé aux internautes du site libertin Wyylde d’avoir des relations sexuelles avec sa fille de 12 ans. Sous un pseudonyme, il imagine des scénarios sexuels avec celle qu’il surnomme « Louane » ou « l’espionne ». Alertés par un autre utilisateur du site, les enquêteurs ont commencé à commercer avec l’ancien juge au pseudonyme.
Très vite, il propose à ses interlocuteurs, dont la véritable identité est inconnue, de déflorer sa fille et de la soumettre sexuellement. D’autre part, il donne « carte blanche » pour agir. Enfin, il envoie parfois des photos de l’adolescente, où elle apparaît parfois en maillot de bain. Il trouvera sur l’un de ses serveurs des images de sa fille qui, si elles ne constituent pas des fichiers pédopornographiques, sont assez évocatrices.
Enfin, les échanges entre le père et ses contacts resteront uniquement virtuels. Il ne répond pas aux enquêteurs lorsqu’ils lui demandent s’il est prêt pour des rencontres plus concrètes. Interrogée, la fille a déclaré n’avoir jamais été agressée sexuellement (confirmée par l’examen gynécologique), ni avoir vu ou participé aux relations sexuelles de ses parents, contrairement à ce qu’a déclaré le père lors de l’entretien. . Elle n’a jamais été informée des ouvertures de son père.
La sexualité du couple a été largement évoquée lors de l’audience. Sa femme, avec qui il entretenait parfois des relations libertines à sa demande, fut disculpée et déclarée ignorer le comportement de son mari. Les différents acteurs du procès ont souligné le clivage entre la sexualité libérée des deux adultes et le silence qui régnait dans la famille. Le thème de la sexualité n’a jamais été abordé avec les enfants : « A 13 ans, la jeune femme ne savait pas qu’il était possible d’avoir des relations sexuelles hors mariage », a déclaré l’administrateur ad hoc de la jeune femme (c’est-à-dire personne représentant un mineur dans la procédure lorsque ses tuteurs légaux ne peuvent pas le faire).
Dans d’autres aspects de sa vie, l’ex-juge, fils et frère d’un policier, menait apparemment au moment des faits, à 54 ans, une carrière professionnelle riche et une vie de famille réussie avec l’éducation de trois brillants enfants en l’école plate. . Un voyage qui renforce le malaise causé par l’évocation de leur comportement.
Alors, comment cet homme a-t-il réussi à livrer sa fille à des inconnus sur Internet ? Lui-même a assuré que ses agissements, dont il disait savoir qu’ils finiraient par être connus, lui apparaissaient comme un suicide social, répondant à un malaise dans sa vie professionnelle.
Selon des témoignages qu’il a donnés à la police ou lors de ses différentes investigations psychiatriques, l’ancien magistrat estime que sa présence au procès de Bodein en 2007 a participé à la formation de ce qu’il appelle « ses délires sexuels ». Pierre Bodein est un tueur en série qui a tué et violé, majoritairement des filles, et qui a été condamné à la prison à vie en 2007. A cette époque, l’accusé travaillait sur l’affaire, qui pour lui était « un traumatisme ». Des images des crimes de Bodein sont imprimées sur lui, selon ses déclarations préalables au procès. S’en est suivi un malaise dont il n’a jamais parlé et qui se serait transformé en état de stress post-traumatique. Le surcroît de travail qu’il se sentait obligé de porter lorsqu’il était juge à Dijon ne ferait que le déstabiliser mentalement. En conséquence, sa défense a demandé sa libération.
Une hypothèse contestée par les avocats des associations de défense de l’enfance (Innocence en danger, Voix de l’enfant, Loi contre la prostitution enfantine) présents à l’audience. Selon ses conseils, l’affaire Bodein n’a pas été le déclencheur des « ténèbres » de l’ex-juge, mais « un révélateur » de celles-ci. « L’affaire Bodein ne peut pas tout expliquer », ont-ils résumé. Le procureur a insisté sur le « problème psychosexuel » du père. Ce dernier aurait « manipulé » les différents spécialistes psychiatres venus l’examiner, selon Etienne Manteaux.
Le procureur a requis une peine de prison de deux ans, dont un avec sursis avec diligence. De plus, il souhaite qu’il soit condamné à 10 ans d’interdiction de toute activité avec des mineurs et inscrit au fichier des délinquants sexuels. La décision du tribunal sera rendue le 11 mars.
Depuis le 5 juin 2020, l’homme de 56 ans est placé sous contrôle judiciaire. Il a ensuite été mis en examen à Besançon pour « incitation, non suivie d’effets, à la pratique de délits à caractère sexuel sur mineurs ». Il ne peut plus exercer ses fonctions professionnelles depuis qu’il a été révoqué par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), même si la décision peut changer depuis le dépôt du recours.
L’affaire était « déplacée » en Franche-Comté pour éviter que l’homme et sa femme ne soient jugés par leurs confrères de Dijon. Son procès devait initialement débuter au palais de justice de Besançon le mercredi 12 janvier. Mais l’avocat de l’ancien magistrat de Dijon a fait valoir la mauvaise santé de son client pour demander le report.