Alors que les taux souverains suivaient les conseils de Madame Lagarde en décembre, les investisseurs semblent avoir décidé de ne pas lui faire confiance en début d’année et on pourrait assister à un impressionnant resserrement durant cette première quinzaine : le taux 10 ans allemand passe de 2,6 à 2,10% , et le taux italien passe de 4,7 à 3,9 %.

Si les taux, comme les arbres, ne peuvent, en vérité, grimper indéfiniment après leur forte hausse de 2022, nous sommes néanmoins surpris par ce mouvement, que nous considérerons comme erratique et insoutenable. Dans cet hebdomadaire, nous vous donnerons quelques notes sur ce sujet.

De nombreux investisseurs internationaux et même européens lient systématiquement les taux européens aux taux américains, ce qui est le plus souvent vrai à très court terme, et cet horizon de temps est essentiellement tiré par les flux de marché. Ce couplage des taux d’intérêt et des marchés financiers en général est beaucoup moins précis à moyen-long terme, comme l’a montré la dernière décennie, comme en témoigne le graphique ci-dessous

Évolution des taux S&P 500, Stoxx 600 et 10 ans américain et allemand entre 2012 et 2022.

C’est précisément cette perception de couplage excessif entre les situations américaine et européenne qui conduit à cette tension, les investisseurs considérant souvent la zone euro comme un dérivé des États-Unis. Or, les investisseurs aux US anticipent actuellement une remontée relativement forte des taux dans les mois à venir, suivie d’une politique beaucoup plus accommodante, limitée par une récession assez sévère et donc une baisse assez proche des taux US, puis du dérivé, en zone euro .

Cela nous paraît prématuré à deux niveaux :

En effet, si le monde souffre aujourd’hui d’une inflation colossale des prix des matières premières et de l’énergie, n’oublions pas que les Etats-Unis :

a/ ils sont dotés de matières premières, notamment de pétrole,

b/ bénéficier de matériel industriel et technologique à très haute valeur ajoutée, ce qui permet de limiter l’impact du prix de ces matières premières.

Enfin, de nombreuses entreprises ont accumulé un tel leadership concurrentiel et de telles liquidités qu’elles peuvent aborder la crise actuelle avec confiance. (voir ci-dessous)

Plusieurs membres de la Fed ont donc mis en garde les marchés au cours des dernières semaines en déclarant qu’une récession ne semble pas se dessiner pour le moment et qu’il est donc prématuré de s’attendre à des baisses de taux d’intérêt de la part de la Fed.

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a/ si la Fed a clairement la croissance et le chômage comme objectifs de son mandat, ce qui pourrait la conduire à se détourner momentanément de son objectif d’inflation modérée pour pratiquer une politique accommodante, ce n’est pas le cas de la BCE, qui a un seul objectif : une inflation de 2% . accompagné d’une inflation continue ne l’inciterait pas nécessairement à modifier sa trajectoire de hausse des taux, car le poids de l’Allemagne sur cette question est important et le pouvoir politique diffus de la zone euro a plus de mal à plier le bras de la BCE que le pouvoir central des États-Unis et de la Fed

b/ L’inflation aux USA est endogène et liée aux vecteurs traditionnels – croissance, emploi – d’inflation qui peuvent être réduits par la politique restrictive de la banque centrale. En revanche, l’inflation dans la zone euro est exogène et intrinsèquement liée aux matières premières et autres produits importés, ainsi qu’à la baisse drastique de l’euro. La capacité de la BCE à absorber cette inflation est donc très limitée et si l’on a vu récemment les prix de nombreuses obligations d’inflation baisser et l’euro se redresser, il est plutôt prématuré de penser que l’inflation n’en verra pas une seconde. ils arrondissent 1/ les prix à la consommation, 2/ les salaires, portés par des crises sociales de plus en plus nombreuses et violentes.

Enfin, n’oublions pas que la BCE doit et devra gérer les situations particulières de chaque pays européen à travers une politique commune, qui ne peut aboutir à un résultat efficace. Il a fallu 4 ou 5 ans aux Etats-Unis pour sortir d’une crise des subprimes, la zone euro n’en est jamais vraiment là avant de connaître coup sur coup deux nouvelles crises… elle sera probablement dans la même situation pour la prochaine décennie. La BCE a des problèmes avec :

Beaucoup d’incertitudes donc et la tendance des marchés financiers à penser que la zone euro est aussi agile et rapide que les USA, ce que le passé a pourtant presque systématiquement démenti…

Attention donc aux taux gouvernementaux, attention aux obligations trop longues et de bonne qualité de crédit, dont les rendements actuels pourront à peine absorber un petit écart inattendu de 100 points de base entre les taux d’intérêt et les spreads de crédit, comme en témoigne le peu simulation ci-dessous

Spread 100 bps = -4,4% + portage = -0,7% sur l’année