Lorsque nous avons évoqué l’idée d’une retraite spirituelle à la rédaction il y a quelques semaines, j’imaginais que ce serait pour moi d’aller au soleil me reposer et méditer avec l’aide d’un gourou New Age ou d’un coach en développement personnel . En faisant mes recherches, je me suis rendu compte qu’en plus de cette offre bien réelle, il y avait des retraites d’un autre genre, axées sur le bien-être, mais aussi sur la réflexion personnelle.
« Venez à l’écart et reposez-vous un peu »
C’est ce que propose le Foyer de Charité de Tressaint en Bretagne près de Dinan. Animée par une communauté catholique, cette retraite se présente comme « une pause pour le cœur et l’esprit ». En témoigne une phrase marquée sur le site, tirée de l’évangile de saint Marc : « Venez à côté et reposez-vous un peu ». Exactement ce dont j’avais besoin dans mon quotidien chargé.
« C’est la question que les gens, catholiques ou non, puissent venir tranquillement réfléchir sur eux-mêmes, loin des demandes permanentes de notre société », Honorine Grasset, chargée des relations presse de la collectivité. Agnostique mais convaincu par cette description et désireux de relever le défi du silence, j’ai décidé d’aller à Tressaint. Voici comment j’ai vécu cette expérience.
Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement
Des personnes soucieuses de se retrouver
Dans le train, je commence à m’inquiéter de ne pas pouvoir communiquer avec les autres retraitants ou de ne pas pouvoir utiliser mon téléphone. Je ne sais pas où mettre le pied et ça me fait un peu peur. Peur que la gentillesse d’Honorine, qui vient me chercher à la gare de Rennes, ne disparaisse pendant le trajet.
Lorsque nous nous rendons sur le site, elle m’explique que la communauté regroupe des « laïcs consacrés », c’est-à-dire des personnes qui n’appartiennent pas au clergé, mais qui ont fait vœu de consacrer leur vie à Dieu. « Chaque semaine, nous recevons des personnes qui ont envie de se retrouver. Cela peut varier d’une soixantaine à plus d’une centaine de personnes », souligne Honorine à notre arrivée à Tressaint.
LIRE AUSSI>> « Apprendre à être humble est libérateur »
Une bienveillance spontanée
L’endroit est magnifique, un grand parc entoure une ancienne villa. Au loin, les paysages vallonnés appellent au silence. Il est 11 heures. Honorine me donne rendez-vous pour la messe du lendemain matin, à 8 heures. Le réveil est un peu difficile, mais la curiosité d’explorer mon nouvel environnement prend le pas sur la fatigue. Autour de moi, il y a beaucoup de personnes dans la soixantaine mais aussi des jeunes dans la vingtaine. J’aperçois immédiatement un jeune couple et une fille portant un sweat floqué « ne te tiens pas au seuil de ton âme ». Le ton est donné.
Après la messe, le petit-déjeuner est servi en silence, mais bercé par la musique classique. C’est un test que je redoute, mais qui étonnamment se passe très bien. Ne pas parler permet, presque paradoxalement, d’être plus attentif aux autres. On vérifie spontanément si le verre de chacun est plein, on attend que tout le monde mange. Des évidences que l’on a tendance à oublier en famille ou entre amis. On rigole aussi beaucoup. Un bénévole spontané qui fait du bien. Je me surprends à manger beaucoup plus lentement, en prenant mon temps. Une expérience très agréable.
Nous entrons ensuite dans notre « enseignement » : le pasteur Clément Ridart nous parle de la Bible, de la foi et de Dieu. Mais avant le cours, nous chantons. Quand je comprends la joie des retraitants, je ne peux m’empêcher de me sentir un peu mal à l’aise avec le minerai qui m’entoure. L’enseignement oscille entre des évocations trop religieuses pour moi et une réflexion plus large qui résonne avec la vie personnelle de chacun, comme si le prêtre soulignait qu’un bon choix se mesure au sentiment de paix et de joie que l’on éprouve quand on s’en rend compte ou quand il affirme que « le bonheur a toujours à sa source un don de lui-même à un autre ».
Les cours sont beaucoup suivis dans le foyer.
Apprendre à être dans l’instant présent
Après le déjeuner, chacun se promène dans le parc, se repose sous un arbre ou se promène dans les environs. Même sans parler, on sent chez tous les retraitants une soif de paix, un besoin de réfléchir à leur vie, de trouver des réponses. Le cours de l’après-midi me remet dans le même état, entre incompréhensions sporadiques, fatigue intense et vrais moments de grâce. J’en discute un peu plus tard avec Honorine qui me fait remarquer que mon état n’est pas surprenant. « Il faut définitivement du temps pour sortir de son rythme, de la frénésie de notre quotidien. Ça peut être fatigant ». A la fin de la journée je suis épuisé mais je me sens bien, centré.
Le lendemain, la perspective des différents moments de célébration dans la chapelle m’épuise d’avance, mais je me force à vivre l’expérience jusqu’au bout. Pendant les cours du matin, j’ai l’impression d’être dans des montagnes russes émotionnelles. L’après-midi, ce sera plus calme. J’essaie de me reposer.
La beauté du site m’aide beaucoup. Il fait beau, il y a des chèvres sous le site. Je pense aux choses qui me pèsent. J’essaie d’apprendre du Père Clément et de retenir des choses qui peuvent m’aider concrètement. Je me rends compte que j’ai souvent du mal à être dans le moment présent, préférant m’inquiéter d’un avenir incertain qui m’inquiète.
Un message simple qui fait du bien
Je me souviens aussi du conseil du Père Clément sur l’importance de prendre son temps. Selon lui, il est bon d’être résolu dans nos motivations, mais sans les exagérer. Les changements à long terme ne se produisent que lentement. Dans un monde où le bien-être est souvent perçu comme une injonction à la mode, où l’on se retrouve inutile si on ne se lève pas tôt, si l’on ne médite pas ou si l’on ne s’est pas mis au yoga, son simple message fait du bien .
Le silence m’aide aussi à mener cette réflexion. Avec d’autres, les barrières et les obligations sociales tombent. En ne se parlant pas, on parle les conventions de bon aloi, où il est presque obligatoire de mentionner son travail ou son état civil.
Se reposer dans la nature fait partie du processus de retraite.
Le soir, réunis dans la chapelle, nous sommes invités à dire quelque chose de personnel sur la retraite. Les messages bougent mais je préfère contenir. Le dîner est « parlé ». Une première qui attise ma curiosité après deux jours à projeter sur les gens ce que j’imagine être leur vie. J’entame la discussion avec Sandrine, 42 ans. Cette mère m’explique qu’elle est venue à la retraite pour avancer dans sa foi et se trouver.
Je ne peux pas m’empêcher de lui demander si elle a parfois envie de faire autre chose que de méditer, comme regarder un film ou se distraire avec un livre léger. « Non, je n’ai rien raté à part appeler mes enfants », répond-elle. Frédéric, un autre reclus, avait pourtant emporté son iPad avec Star Wars. « Je ne voulais même pas le regarder », avoue-t-il.
A LIRE AUSSI & GT; > Quand la recherche du bien-être vire à l’obsession
« Une graine qui commence à germer »
Personnellement, je n’ai pas pu m’empêcher de vérifier mon téléphone pendant ces trois jours, mais moins que d’habitude. C’est toujours pris. Je passe ensuite aux plus jeunes membres de la retraite. A 26 ans, c’est une première pour Solène. Elle semble dépassée par son expérience. « Il y a beaucoup de bruit dans ma vie, faites-leur confiance. J’ai ressenti le besoin d’arrêter. Ici, j’ai trouvé la clé pour prendre mon temps, être pleinement dans l’instant. Je n’ai pas ressenti de grands changements mais c’est une graine qui commence à germer. »
Je me couche heureux d’avoir pu dialoguer avec cette communauté de croyants et surtout de retraitants engagés. Ils me semblent tous avoir trouvé le début de ce pour quoi ils sont venus.
En reprenant le train pour Paris, j’ai le sentiment de ne pas regretter l’expérience, même si elle a été éprouvante par moments, physiquement et nerveusement. Quant à la couleur très religieuse de la retraite, elle m’a permis d’en découvrir plus sur la foi catholique. Il pourrait cependant plaire à ceux qui ne se sentent plus à l’aise dans un environnement religieux.
J’aurais donc fait une pause à Tressaint pour en savoir plus sur moi-même et sur ma capacité à ralentir, ce dont je ne pensais pas être capable. Qui désormais continue progressivement à mieux prendre en compte mes besoins, sans forcément céder aux sirènes de toutes les méthodes de développement personnel.
Informations pratiques : Le site du Foyer de Charité de Tressaint. Vous trouverez des informations pour vous y rendre en train (via la gare de Rennes) ou en voiture. La participation financière est à la discrétion de chacun des participants à la retraite.