Le président nouvellement élu du RN, Jordan Bardella, tente de minimiser le désaccord qui s’exprime depuis une semaine en chassant plutôt librement sur les terres du Républicain et d’Eric Zemmour.
Discutez de ce débat de fond que je ne vois pas. Depuis ses élections soviétiques du 5 novembre, à la tête du Congrès national (RN) avec 85 % des voix, Jordan Bardella peut expliquer avec assurance qu’il n’y a pas d’éléphant dans la salle, ce qui lui rend de plus en plus difficile de nier complètement l’existence , comme l’ont affirmé plusieurs cadres supérieurs, dont au moins deux « lignes » dans la formation d’extrême droite. L’un est présenté comme plus social et modéré, l’autre comme plus conservateur, identitaire et radical.
Communiqué tonitruant de Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont, condamnant les « positions de droite », « lubies identitaires » et la « stratégie syndicale radicale des droits » d’une nouvelle direction le jour du congrès ? « Je pense que vous, observateurs, vous devez aussi être raisonnables », rassure mercredi Bardella devant les journalistes. Cour de justice de Louis Aliot dans son Avis du 13 octobre condamne l’usage du terme « grand échange » dans le SB et appelle à « une sortie de nostalgie radicale » en réalisant Bad Godesberg de l’extrême droite ? « Il voulait faire ça pour attirer les Klarsfeld à Perpignan », balaye-t-on le jeune chef. Qui a répondu au texte de son adversaire par une interview pour Valeurs Actuelles (VA), dans laquelle il reconnaissait la « juste réalité » décrite par la phrase raciste et faisait face à l’ancienne camarade Marine Le Pen : « Je ne crois pas qu’on puisse en venir à pouvoir en renonçant à voir la réalité et à parler. La signification politique de cette critique dans le corps semi-officiel de Zemmouri ? « Non, VA a été le premier à nous interviewer », explique un proche. Nous serions considérés comme des imbéciles que nous ne serions pas autrement …
Occuper l’espace de… l’UMP
Parce qu’une telle ligne de rupture est supposée dans le jeu. « Lors de l’élection présidentielle, compte tenu de l’arrivée de Zemmour, Marine Le Pen a milité pour un partage entre le peuple et les élites plutôt qu’un partage entre la droite et la gauche, explique un des membres du conseil d’administration d’Aliota. Certains de son entourage ont mal vécu cette situation et voudraient faire campagne sur des thèmes plus identitaires et de droite. Dans l’entourage de Bardelli, si on ne veut pas parler de clivage gauche/droite, en revanche, on suppose qu’on veut occuper l’espace de… la période UMP de Nicolas Sarkozy. « On peut garder les électeurs de gauche – le bassin minier – tout en attirant les électeurs de droite déçus », confie un proche. La nuance stratégique est certes contredite par la décision de nommer l’enquêteur Jérôme Sainte-Marie, le théoricien de la scission entre le bloc populaire et le bloc des élites, à la tête de l’institut de formation du RN. Au lieu d’un tournant doctrinal, l’opération Bardelli drainerait en réalité les lois de Zemmour et de la LR tout en préservant le fondamental marin. « La reradicalisation est un fantasme des opposants au RN, car la ligne identitaire serait extrêmement facile à combattre, à isoler. Mais je ne pense pas que RN leur rendra ce service », argumente un membre de la nouvelle équipe.
Il faut porter de bonnes lunettes de loin pour voir la différence entre le prétendu radicalisme de Bardelli et la prétendue modération de Bruno Bilde, Steeve Briois et Louis Aliot, compagnons de route de Marine Le Pen pendant vingt ans. Si dans son communiqué Briois souligne, tout en réfléchissant très fort à l’affaire De Fournas, « certains excès » qui « prouvent son propos », il n’a rien trouvé à redire dans les propos de son amie Alexandra Masson, députée des Alpes-Maritimes. qui avait déclaré trois jours plus tôt en plénière : « La Société nationale de sauvetage maritime ne va pas devenir SOS Méditerranée. Son objectif principal est de sauver des vies en mer, pas d’y rechercher de plus en plus de migrants. Bardella vs Briois, bonnet marron et bonnet marron ? Pas tout à fait : « Nous sommes préoccupés par le conservatisme. Nous avons toujours chassé les conservateurs au RN car nous sommes convaincus que la France n’est pas un pays conservateur », explique Bilde.
«Jamais vu un tel verrouillage»
Au cœur de la critique des deux amis de Hénin-Beaumont se trouve une composition du pouvoir ouverte aux éléments conservateurs (c’est-à-dire surtout aux catholiques traditionnels) qui ne reflète pas la multiplicité des sensibilités frontales. « Je n’ai jamais vu une serrure comme celle-ci, appuie Bilde. La direction du mouvement est réduite à deux personnes : Bardelli et son beau-père [Philippe Olivier, beau-frère de Marine Le Pen et père du camarade Bardelli, éd. Même à l’époque de Le Pen, [le père] estimait qu’il valait mieux avoir des adversaires en interne qu’en externe. En effet, la Commission nationale de l’investissement (CNI), instance la plus stratégique du parti, a été lavée des trois adversaires du nouveau patron (Bilde, Briois et Alexis Jolly, député de l’Isère, proche du Héninois). Seul opposant à l’adhésion : Louis Aliot, dont on sait qu’il n’y siège pas régulièrement.
L’entourage du nouveau président peut certes souligner le pluralisme du Bureau national : six amis du maire de Perpignan y ont été nommés, et Bilde et Briois ont obtenu un siège mais ont refusé. Mais force est de constater que les proches du Perpignanais n’ont pas été choisis parmi les plus politiques. Ni Frédéric Falcon, député de l’Aude, ni Frédéric Bort, conseiller régional d’Occitanie et directeur de cabinet de Louis Aliot, n’ont été arrêtés. Ce dernier, délégué départemental de l’Hérault, ancien ami proche de Georges Frêche, a été cuit par, selon ses détracteurs : Aurélien Lopez-Liguori, député départemental au coloris « droite ». Tout un symbole. Ludovic Pajot, maire de Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais), seul ami des Héninois au gouvernement, le reçoit de la présidence d’un « conseil des élus locaux » très imprécis. Bien encadré par deux amis de Bardelli aux attributs plus ou moins similaires : Edwige Diaz, vice-présidente de l’implantation locale et Julien Sanchez, vice-président chargé des… élus.
Reprise en main à venir des fédérations
D’autres noms évoquaient autant de signaux adressés à l’électorat de droite réactionnaire : Mathilde Paris, députée du Loiret offerte par le Mouvement vendéen lui-même à la France, Philippe de Villiers, ou encore Philippe de Beauregard, ami proche de Bernard Antony (qui n’avait lien avec le chanteur Richard, mais tout à voir avec les catholiques intégristes) et Pierre-Romain Thionnet, ancien du syndicat étudiant d’extrême droite La Cocarde. Seule personne de gauche au pouvoir, la conseillère régionale Auvergne-Rhône-Alpes Andréa Kotarac, Bruno Bilde a la formule : « C’est un type insoumis et plus à droite que moi. » En effet, le nouveau porte-parole du RN s’est très vite acclimaté. à Lyon au métier des amis de Marion Maréchal et cultive des références intellectuelles plus proches de la Nouvelle Droite que de l’ancienne Gauche marxiste. Certes la foi des néoconvertis… pour la proximité idéologique : « Pas de contrepoids, pas de garde, fou, plus d’autonomie personnalité, capable d’être la plus petite contre-force, et même l’incarnation de la sensibilité. Les troisièmes couteaux que nous avons choisis comme adjoints et collaborateurs déguisés en dirigeants », nous écrit-il.
A ce monolithisme des instances dirigeantes s’ajoutera bientôt la prise de contrôle de la fédération par la stricte garde de Bardelli. Les députés qui cumulent leur mandat avec celui de délégué départemental seront donc invités par le nouveau PDG, Gilles Pennelle, à démissionner de leur fédération. Ce qui représente tout de même vingt-trois départements. Au total, un tiers des fédérations auront un nouveau patron d’ici la fin de l’année, nommé directement par le siège… et donc avant tout. Une façon pour Bardelli d’équilibrer la charge du groupe parlementaire. Sur le terrain, la formation du personnel d’encadrement nouvellement installé sera renforcée et assurée par une Pennelle très fidèle.
Le risque d’une telle capralisation du trafic ? Que les débats qui pourraient l’agiter se déroulent en dehors des organes partisans. « Aujourd’hui, la forte centralisation du RN est en train de se fissurer, il y a bien sûr le parti, mais il ne monopolise plus la salle des marchés. Le nœud de la bataille ne se passera pas là », veut-on croire dans l’entourage d’Aliot. Selon lui, le maire de Perpignan devrait encore avoir un « vote unique », une sorte d’observateur modéré. Quant aux autorités, elles ne joueront pas un rôle significatif dans les décisions importantes à venir. « Le rôle du CNI est certes important, mais pas autant que l’accord que l’on peut trouver entre Bardella, Le Pen et Aliot », poursuit notre directeur. Dans La Voix du Nord mardi, estimant l’événement comme « un outil, pas une fin en soi » et ajoutant : « Si c’était autre chose, je n’aurais pas raté la présidence », semble partir Marine Le Pen. Dans cette direction. A peine couronné, Bardella doit en somme prouver qu’il contrôle autre chose que la Cité Interdite à son actif.