Pour entrer par la Porte Rouge à certaines heures, il est nécessaire de faire une réservation. Le bar à cocktails parisien teste une carte des boissons, prépayées et servies dans un cadre plus intimiste, afin de retrouver la qualité du contact avec ses clients.

Cinquième meilleur bar à cocktails du monde dans The World’s 50 Best Bars, Little Red Door, situé rue Charlot dans le 3e arrondissement de Paris, est toujours plein à craquer. La montée récente de l’établissement dans ce classement international a conduit les responsables à avancer l’ouverture à 16h, afin de pouvoir absorber l’important flux de clientèle. Soucieuse d’expliquer sa démarche aux convives – sourcing direct auprès des agriculteurs français, production propre des ingrédients – l’équipe dispose, depuis début décembre, d’un nouvel horaire privilégié, sur rendez-vous.

De 16h00 à 18h00, il est donc nécessaire d’être inscrit, et d’avoir prépayé son menu (55 euros) pour accéder à la Petite Porte Rouge – il est toujours possible d’entrer alors de manière classique. Seules 20 personnes sont actuellement hospitalisées, avant une montée progressive de la charge. « C’est une nouvelle expérience qui finira par changer la façon dont nous accueillons nos clients. Nous pourrons davantage nous concentrer sur leur accueil et leur présenter notre façon de travailler », explique Hugues Pollier, barman. La formule comprend un verre de bienvenue, trois cocktails (accompagnés d’apéritifs entre les heures d’ouverture) et un digestif maison.

Accueil gourmand

« On peut expliquer le processus de A à Z », se réjouit Régis Laacher, barman. La lettre, qui sera renouvelée chaque semaine et permettra à l’équipe de tester de nouvelles idées, débute par un « verre de bienvenue », servi dans une petite bouteille, pour accompagner la séance. Lors de notre passage fin décembre, on nous a proposé un shiso soda maison, accompagné de saké rosé. Le cocktail, qui a beaucoup de mâche, se distingue par ses notes sucrées. « Le shiso est un cousin éloigné du basilic et de la menthe. Il apporte de la texture », précise Hugues Pollier. Le shiso est fourni par Superette, une start-up spécialisée dans la production d’aromates et de fleurs comestibles dans un parking du 18e arrondissement de Paris. Le saké est produit par Wakaze, à Fresnes (Val-de-Marne), avec des ingrédients français et une méthode japonaise. Lors de la fermentation, le riz noir donne une belle couleur rose.

Un menu séquencé

En Ariège, Olivier Campardou, co-fondateur de l’Atelier Soba (qui avait ouvert une boutique à Paris, fermée depuis) ​​produit du sarrasin. Un ingrédient que l’équipe de Little Red Door toast, infuse dans de l’alcool neutre et redistille au rotovap. « L’idée de la distillation est de gagner en arômes », se défend Hugues Pollier. Une préparation qui sert de base au cocktail Sarrasin. Amontillado (vin espagnol) et chouchen (liqueur bretonne semblable à l’hydromel) sont ajoutés. Le cocktail, très sec au départ lors de la dégustation, se distingue par ses notes miellées, apportées par le chouchen. Des notes de céréales peuvent également être détectées.

À Lire  Brasserie de Schiltigheim : Hervé Marziou, ex-employé de Heineken, dit que c'est "de retour"

Pour faire le lien avec le prochain cocktail – dans cette nouvelle session, le service s’apparente à celui d’un restaurant – un en-cas est servi : tuile de moorisco (référence au Sarrasin), avec émulsion de tomate et tomate séchée. Une petite attention pour présenter la Blue Tomato. « La tomate bleue est une grosse tomate rouge et noire », décrit l’équipe, Un fruit déniché dans Nature Urbaine, un potager perché sur le toit du parc des expositions de la porte de Versailles dans le 15e arrondissement. Une liqueur de tomate est fabriquée au laboratoire Little Red Door au nord-est de Paris. Vermouth (Baldoria) est ajouté : « Verdant est très herbacé ». Les notes de tomates confites au nez et de fruits noirs épicés en bouche de l’excellente liqueur Amour Matador de H.Theoria se retrouvent également dans ce cocktail très doux au nez, à la robe rose clair transparente. La saveur de la tomate est impressionnante, proche de ce que l’on ressent lorsqu’on écrase le fruit, avant de gagner en douceur. La liqueur l’accentue. La boisson est légèrement fumée à la fin.

Choc des saveurs

On continue avec un cracker de riz maison, avec du houmous à la crème fraîche, et une tuile (huile, eau, farine, sucre) au whisky. Une saveur caramélisée et réconfortante permet de savourer le cocktail Crème de la crème. Un nom qui parlera aux amateurs de Little Red Door, puisque son ingrédient principal a été utilisé dans le menu Grounded, en 2021. La crème fraîche d’Isigny-Sainte-Mère est donc utilisée pour un fatwash (assemblage d’un alcool et de graisse) et Woodford Reserve Bourbon. Une préparation complémentaire, avec du Floc de Gascogne (vin fortifié à base d’Armagnac), après une première étape consistant à infuser de la vodka avec de la crème, pendant trois jours, avant de filtrer et d’ajouter du sucre. La rondeur de la crème contrebalance la puissance du whisky bien présent.

Pour couronner le tout, un disque de feuille de shiso tranché est offert, avec une pâte de prune résolument gourmande. Une façon d’apporter une prune amaro pour la dégustation d’un digestif lors de notre visite. « On fait infuser des prunes dans de l’alcool, avant d’ajouter des plantes amères », explique Hugues Pollier. La prune donne à la boisson une texture très épaisse. A la fin de l’expérience, on repart avec le sentiment d’avoir dégusté un menu séquencé, comme au restaurant, avec plus de temps passé avec l’équipe. Cependant, la sérendipité souffre de la réservation obligatoire, et il est sage de prendre son temps.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.