Publié le 21 octobre 2022 à 13h36 Mis à jour le 21 octobre 2022 à 15h47
Le cinéma aime les catastrophes alimentaires. Voici dix scènes emblématiques, de Chaplin à Ostlünd.
« Sans filtre », Ruben Östund (2022) : vomi généralisé
Une croisière de luxe et un casting de nouveaux riches incorrects : des gangsters, des marchands d’armes à feu, des débutants en colère qui s’amusent dans le monde de la mode. Un soir, à la fin du « Captain’s Dinner », où l’on n’a écrémé ni caviar ni champagne, ces héros non buvables traversent un orage dantesque. Les brinquebalés sur leur yacht souffrent d’indigestions spectaculaires, ont le teint verdâtre et pataugent dans le vomi…
Mécontent d’avoir remporté la deuxième Palme d’or de sa carrière après le Square en 2017, avec déjà une scène de repas grotesque, le Suédois Ruben Östlund a provoqué cette année un rire historique au Festival de Cannes – une institution pour laquelle il est pourtant peu connu. sa frivolité. Dans No Filter, lors d’une scène mémorable d’une demi-heure, le cinéaste libéré ne marche pas exactement avec le dos de sa cuillère et montre ses personnages pathétiques dans tous leurs états déplorables. Une sorte de spectacle savoureux.
« L’aile ou la cuisse », Claude Zidi (1976) : gastronomie en déroute
Au coeur des années 1970, Claude Zidi, en avance sur son temps, se laisse emporter par la malbouffe dans cette comédie où l’aventurier Louis de Funès incarne Charles Duchy, le directeur d’un célèbre guide gastronomique. Dans une scène particulièrement tendue, ce dernier devient l’otage d’un cuisinier mécontent de la perte de ses étoiles.
« Aile ou Cuisse » (1976) Claude Zidi avec Louis de Funès et Vittorio Caprioli, © 7e Art / Photo12
Le cuisinier dégradé oblige l’infortuné Dukha à essayer la « merde » (sic !) inventée par les sages de la restauration industrielle : les infâmes escargots, les huîtres puantes, la choucroute dégueulasse, le poulet sale. – Toute cette nourriture craint, n’est-ce pas? demande le ravisseur. Poser une question – le refrain familier – y répond déjà.
« Vincent, François, Paul et les autres », Claude Sautet (1974) : un gigot qui passe mal
Ils sont amis depuis des décennies et se retrouvent le week-end à la campagne pour partager des moments privilégiés. Privilégié? Je ne suis pas sûr… Ce jour-là, alors qu’il découpe avec soin le traditionnel agneau du dimanche, François (Michel Piccoli), médecin qui a si bien réussi dans sa vie professionnelle, est soumis à des traitements mi-réussis, mi-acides Critiques de collègues qui lui reprochent d’avoir trahi ses idéaux de jeunesse, lui, qui travaillait autrefois dans une infirmerie, sert aujourd’hui de « clinique près de la place de l’Etoile ».
En encaissant les coups, François se rebelle et se met à hurler : « Je n’entendrai pas de bêtises de toute ma vie. Recevez des leçons idiotes jusqu’à la fin des temps. Allez vous faire foutre avec vos dimanches et vos moutons de merde. Et quitter la pièce, laissant mes amis et l’agneau dehors dans le froid. Dans Vincent, François, Paul et al., Un de ses monuments, Claude Sautet, le grand cuisinier aux fourneaux, dresse le portrait de quinquagénaires au bout du fil et filme d’ailleurs l’un des scènes culinaires les plus savoureuses de l’histoire du cinéma français.
« La Grande Bouffe », Marco Ferreri (1973) : manger jusqu’à l’overdose
Michel Piccoli avait certainement un talent, pour ainsi dire, pour faire des films dans lesquels les esprits et les corps étaient obsédés par la nourriture. Accompagné de trois autres grands acteurs – Marcello Mastroianni, Philippe Noiret et Ugo Tognazzi – Piccoli se donne à fond dans cette farce transgressive de Marco Ferreri, dans laquelle quatre notables fortunés obsédés sexuellement et dépressifs décident de se suicider par overdose de nourriture.
Andréa Ferréol dans « La Grande Bouffe » (1973) de Marco Ferreri © Alamy / United Archives GmbH / Photo12
Dans ce film provocateur qui tire à boulets rouges le consumérisme et les mœurs d’une certaine bourgeoisie fondante, un quatuor malsain en plusieurs scènes peu appétissantes dévore (entre autres) des centaines d’huîtres et une gamelle d’abats composée comme un dôme Saint-Pierre. La Grande Bouffe, qualifiée par l’auteur de « farce physiologique », suscite une vive polémique lors de sa présentation au Festival de Cannes en 1973, certains critiques condamnent le « film obscène et scatologique, par complaisance à faire vomir », d’autres apostrophent les acteurs : « Honte à ceux qui ont accepté de se vautrer dans une telle boue. « Vibrations…
« La Ruée vers l’or », Charlie Chaplin (1925) : un goût de semelle
Les gens meurent de faim au Yukon en 1896, et les malheureux chercheurs d’or en sont réduits à cuisiner… leurs chaussures pour éviter la famine. En 1925, l’incomparable Charlie Chaplin a filmé l’une des scènes culinaires les plus célèbres, hilarantes et pathétiques de l’histoire dans Gold Rush, où son héros affamé se prépare comme une vieille chaussure délicate qui couvrait jusqu’à présent son pied droit. Après que la pompe ait bouilli à feu doux, elle le goûte avec une apparente insouciance, avalant les lacets comme des spaghettis et suçant les griffes de grola comme de délicieux os de poulet. Fini les haricots, en quelque sorte.
« Que la bête meure », Claude Chabrol (1969) : un ragout dégueulasse
Une sombre histoire de vengeance et un portrait d’un homme toxique qui blesse les gens qui l’entourent… Dans ce chef-d’œuvre des ténèbres, Claude Chabrol, le cinéaste français le plus attiré par les plaisirs de la table, met en place une scène d’anthologie dans laquelle le l’affreux Paul Decourt, alias Jean Yanne, règne avec terreur sur un repas au cours duquel les convives succombent à ses humeurs dégoûtantes. Le héros mortel en particulier critique sa femme pour le plat principal.
« Eh bien, ce ragoût est juste dégoûtant ! » La sauce est passagère. Pourquoi ne l’as-tu pas fait plus petit ? Je te l’ai déjà dit vingt fois : quand la viande est cuite, tu la gardes au chaud. Et vous réduirez la sauce à part. Un an après la mort de cette bête, Claude Chabrol retrouvera Jean Yanne dans un autre film sanglant : le bien nommé… Le Boucher.
« Un air de famille », Cédric Klapish (1996) : une sauce plus aigre que douce
Le duo Agnès Jaoui / Jean-Pierre Bacri a toujours aimé user d’arguments culinaires pour décrire le ridicule de leurs personnages. Après une très exquise Cuisine et Dépendances, le duo récidive en 1993 dans la pièce Un air de famille, adaptée au cinéma en 1996 par Cédrik Klapisch. Lors de la réunion de famille rituelle, qui a lieu tous les vendredis au Bistro Cichy Oj, tenu par le fils aîné, le rendez-vous gastronomique vire au bordel.
Ressemblance familiale (1996) de Cédric Klapisch avec Jean-Pierre Bacri, Wladimir Yordanoff, Catherine Frot, Claire Maurier et Agnès Jaoui © Jérôme Plon / Photo12
Cela donne l’occasion à Henri (Jean-Pierre Bacri) furieux de lancer une tirade historique, et la pauvre Yolande, alias Yoyo (Catherine Frot), dont nous allons fêter l’anniversaire, va rire d’elle-même en ouvrant ses cadeaux et prendre le collier cadeau pour elle. chien. elle par son mari pour un collier de chien. « C’est trop luxueux pour un chien », a-t-elle dit les larmes aux yeux. Un festin cruel.
« Sweeney Todd », Tim Burton (2008) : une garniture horrifique
Londres, XIXe siècle. Pour assouvir son insatiable soif de vengeance, Sweeney Todd (Johnny Depp), un mystérieux coiffeur qui est avant tout un tueur en série boulimique, assassine ses clients au rasoir tandis que sa complice, la maîtresse. Lovett ( Helana Bonham Carter ), une boulangère de métier, se débarrasse des corps en utilisant le corps du défunt pour faire des pâtés à la viande. Avec cette adaptation d’une comédie musicale de Stephen Sondheim et Hugh Wheeler, Tim Burton, trois ans après Charlie et la chocolaterie, nous propose une nouvelle recette… à toute vitesse.
« Festen», Thomas Vinterberg (1998) : une infame tambouille
On sait qu’il y a vraiment quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark. Dans ce roman dévastateur, Thomas Vinterberg dépeint une famille qui se joint en grande pompe pour célébrer le 60e anniversaire de son père alors qu’il tire de lourdes casseroles. Au moment de trinquer, Christian, le fils aîné, tapotant doucement le verre avec un couteau, met le pied dans le récipient et révèle les vérités difficiles à avaler sur les sales réalités de la famille. Au menu indigeste : inceste, viol, incitation au suicide… Monté de la main d’une caméra à l’agressivité vengeresse, le film n’a rien à voir avec le bonbon nordique.
« Quand Harry rencontre Sally », Rob Reiner (1989) : les plaisirs de la table
Harry et Sally, deux New-Yorkais qui partagent un lien inébranlable, parlent librement de tout. Preuve en est ce déjeuner mouvementé à la brasserie East Village, où le duo se dévore des yeux en questionnant la capacité des femmes à simuler l’orgasme. Afin de convaincre son compagnon des ressources féminines en la matière, Sally (Meg Ryan), interrompant son repas, fait immédiatement une démonstration éloquente au plus grand désarroi de son acolyte (Billy Crystal) et des autres clients. Dans le menu bien fourni de scènes culinaires qui bougent, il ne faut pas être pointilleux sur cette séquence gourmande. Le glaçage sur le gâteau.