La maison de Muriel n’a pas été touchée par la tempête Alex qui a balayé les Alpes Maritimes et notamment la commune de Bonson (06) il y a deux ans, mais le propriétaire subissait toujours les conséquences de cet aléa climatique. Elle ne peut plus vivre chez elle car sa maison est située sous un immeuble qui risque de s’effondrer depuis la tempête. Des pierres tombent de la maison et ses murs sont fissurés. Alors Muriel a dû quitter son domicile. « Mes enfants et mon frère qui vit en Ecosse ne peuvent plus venir me voir », a déclaré le quinquagénaire.
Elle a été relogée par la mairie d’abord dans un Airbnb puis dans des maisons de ville qui se sont libérées, mais a continué à payer son crédit sans bénéficier de son bien. « J’ai acheté ma maison en 2005 et il ne me restait plus que 3 ans de crédit pour le rembourser. C’est toute une vie de travail. Tu te lèves tous les matins pour payer ton hypothèque et tu te dis que dans 3 ans tu n’auras plus de prêt et en fait tu dois quitter ta maison. C’était un petit paradis, sans vis-à-vis et des aigles qui volaient en dessous », a-t-il déclaré. Muriel n’est pas la seule touchée par cette menace. Un couple de personnes âgées mitoyen à la maison ne peut plus vivre dans sa maison. Ils n’habitent pas dans la région mais ont une résidence secondaire à Bonson, où ils se rendent pour les vacances. Un plaisir qui leur est désormais interdit.
Le propriétaire de la maison en ruine est un Allemand qui a acquis le bien il y a 30 ans sous la forme d’une société civile immobilière (SCI) monégasque, aujourd’hui une coquille vide. Impossible à trouver pour la mairie, celui-ci ne donne aucun signe de vie. La municipalité doit remplacer le propriétaire et faire les travaux urgents. « La maison est couverte, recouverte d’un filet de fer, et des capteurs ont été installés pour surveiller ses déplacements en permanence », a assuré Jean-Claude Martin, maire de Bonson. Des travaux qui ont coûté à la commune 266 000 €, hors frais de justice et d’huissier de 10 000 €. « La mairie paie ces travaux sur sa trésorerie personnelle. Mais 277 000 €, c’est 1/3 de notre budget de fonctionnement, qui s’élève à 900 000 €. Comme c’est une propriété privée, nous ne recevons aucune subvention de l’Etat ni du département ou de la région », regrette le maire qui se présente en victime collatérale.
450.000 € pour raser la maison
En plus de ce montant astronomique, la mairie continue de débourser 1000 € par mois pour le fonctionnement des détecteurs installés sur la maison. « Le sénateur des Alpes-Maritimes va demander si l’Etat peut prendre le relais en cas de défaillance du propriétaire. Ce n’est pas habituel pour une petite commune de 800 habitants comme la nôtre de payer une telle somme sans aide de l’Etat », a déploré le maire. Il se retournera certainement contre le propriétaire mais il a peu d’espoir de récupérer les 277 000 € dépensés.
Une fois la maison murée, vers novembre, le danger sera levé et Muriel pourra rentrer chez elle, a précisé le maire. « Dès que la maison qui menace de s’effondrer sera hors de danger, la maison de Murielle aura repris toute sa valeur », estime Jean-Claude Martin qui se veut encourageant. Mais cette méthode ne suffit pas à calmer l’esprit de Muriel : « Si les capteurs détectent dans six mois qu’une pierre a bougé, que va-t-il se passer ? Je devrai encore quitter ma maison », a-t-il déclaré.
Mais pourquoi la mairie ne démolit-elle pas les ruines ? D’une part, parce que l’opération coûterait environ 450 000 €. En revanche, une lutte longue et incertaine pourrait impliquer la municipalité. « Si nous déconstruisons la maison, le propriétaire pourrait se retourner contre nous et nous demander des indemnités en disant que nous allons plus loin que le tribunal qui n’exigeait que de se débarrasser du danger qui menace la maison », justifie Jean-Claude Martin. Muriel propose à la mairie d’acheter sa maison pour 200 000 € mais la municipalité refuse « car nous n’avons pas les moyens et il va falloir gérer le risque lié au fait que la maison soit en ruine », renverse le maire. Au lieu de cela, la municipalité envisage de récupérer la propriété en ruine pour 1 € symbolique, ce qui lui permettrait de recevoir des subventions de l’État. À suivre.
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