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En période d’incertitude, comment faire en sorte de créer la cohésion de l’ensemble des collaborateurs ? Parmi les pistes de réflexion, six sont en tout cas à éviter.

Temps de lecture : 7 minutes

Peut-on encore parler de collectif quand on parle de notre équipe ? C’est un gros problème : selon le baromètre de la vie au travail de Viavoice, 35% des salariés déclarent se sentir moins intégrés au collectif humain de leur entreprise ou institution. Les cadres, notamment, ont le sentiment d’avoir pris leurs distances avec le groupe. Ils sont 45%, selon la même source, soit près d’un sur deux, à s’estimer désormais moins impliqués dans le collectif humain.

1. Introduire de nouvelles règles

Crise sociale, sanitaire, énergétique, perte de sens… Crises vécues de manières très hétérogènes par les salariés d’une même entreprise, elles posent la question de la solidité et de la pérennité des liens au travail, et de ce qui peut unir un corps social en tant que entier. . À cet égard, méfiez-vous des six fausses bonnes idées.

Nous ne pouvons pas coopérer sans partager un minimum de règles communes, un cadre commun dans lequel l’autonomie et la coopération peuvent se développer. Mais trop de règles, de procédures et de processus peuvent ralentir les activités et épuiser les énergies. Les managers eux-mêmes sont les premiers à regretter le temps passé à signaler et à suivre les procédures plutôt qu’à accompagner leurs collaborateurs.

Assouplir les règles, c’est d’abord passer des règles aux règlements. C’est-à-dire des mécanismes d’ajustement et de coordination plus souples, plus légers, plus autodéterminés, qui n’écrasent pas les initiatives des individus mais qui, au contraire, les soutiennent dans leurs actions, et garantissent le cadre commun « seulement nécessaire » pour permettre qu’ils interagissent ensemble.

2. Spécialiser les équipes

Inspirons-nous des sports d’équipe ou encore des groupes de jazz : combinaisons de jeux, enchaînements musicaux typiques et autres routines courantes permettent de mieux réagir, d’improviser ou d’innover lorsque la situation l’exige. Afin de mieux collaborer, des « bonnes pratiques » co-écrites permettront de formuler des comportements cibles et des règles de vie au sein d’une communauté, dans une logique de développement et d’adaptation constante.

Évidemment, l’attribution des rôles, des responsabilités et un minimum de structure organisationnelle est essentielle à l’efficacité collective. L’individu y trouve une sécurité psychologique (par des contributions attendues claires), une appartenance sociale (par la place qui lui est assignée au sein du groupe) et des repères fonctionnels (clarté des contours de son activité).

Mais attention à ne pas rendre les organisations trop rigides. Dans un monde complexe et incertain, les collaborateurs doivent développer des complémentarités et des interdépendances, ce qui implique parfois la capacité de savoir aller au-delà de leur expertise pour accompagner et assister un coéquipier dans une action collective distribuée. C’est exactement ce qui se passe dans un quatuor, où chaque musicien doit même consciemment dégrader son talent musical personnel afin de créer le bon niveau d’harmonie avec les autres. Ce subtil ajustement collectif est propre aux équipes de qualité, où le rendement collectif est supérieur à la simple addition de ses parties.

3. Lancer de nouveaux projets

C’est une invitation à questionner les organisations existantes et à les concevoir comme des mécanismes d’ajustement permanent, pour réinventer l’organisation du travail : plus fluide, plus efficace et plus adaptée aux besoins des individus. Bref, pour reprendre une partie du mantra cher à Maurice Lévy, ancien patron de Publicis : « Pas de silo, pas de solo ».

Plus le contexte est incertain et instable, plus il est tentant de se réfugier dans l’action rapide et le « business as usual ». Au contraire, il faut prendre le temps de connaître les caractéristiques des membres du collectif, leurs forces, faiblesses, compléments éventuels et de construire une dynamique de groupe solide, pour faire face aux défis futurs. Bien sûr, il est important de construire une vision, du bon sens et des objectifs. Mais comme disent les alpinistes, avant chaque expédition, il faut d’abord expliquer « la cordée », c’est-à-dire le pacte social qui lie les équipiers et qui leur permettra d’affronter toutes les épreuves. Enfin, « si vous avez une bonne corde, vous pouvez gravir n’importe quel sommet », explique Blaise Agresti dans son livre Guider la première corde – S’inspirer de la haute montagne pour construire un leadership résilient et durable).

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4. Se retrouver en face-à-face

Pour une entreprise, identifier le sommet de sa montagne (sa raison d’être, sa vision, etc.) peut ne pas suffire à fédérer. Avant tout projet, il faut s’intéresser à la qualité du lien humain et créer un terreau humain favorable, pour que puissent germer les germes de l’action collective.

L’un des principaux enseignements de la période de confinement que nous avons tous vécue est double. Pour certaines activités, notamment celles qui nécessitent une simple coordination collective, le travail à distance est souvent plus efficace que de longues réunions physiques. Pour d’autres activités nécessitant des interactions individuelles complexes, de la créativité ou des prises de décision collectives, la richesse des échanges directs entre les personnes au sein d’un collectif de travail est irremplaçable. La communication à distance se présente alors comme une nouvelle alternative, un prolongement du mode dominant, le face à face.

5. Se doter de routines

Le débat n’est pas au niveau du remplacement du face-à-face par une visioconférence, mais au niveau de l’utilisation équilibrée de ces deux régimes qui, loin de s’opposer, se complètent. Ce à quoi il faut donc penser, ce n’est pas l’enchaînement mais le réarrangement, entre eux, de tous ces outils. Et ainsi passer d’un lien social créé non seulement par la co-présence sur un territoire, mais surtout par le sentiment de chacun de faire partie du groupe. Tout comme les auteurs de cet article, qui ne se sont jamais vus en tête-à-tête et pourtant travaillent ensemble efficacement !

Pendant les périodes de confinement, les managers ont accru leur attention aux situations individuelles de leurs collaborateurs et au maintien d’un minimum de cohésion et d’identité dans des équipes dispersées. De nouveaux rituels à distance ont été imaginés, orientés vers le « soin », c’est-à-dire. compte tenu du bien-être, du niveau d’énergie ou de fatigue, ou encore de l’équilibre entre vie perso et vie professionnelle : voyage écran météo, « apéro vision », convivial. des réunions et des jeux d’équipe virtuels pour raviver la cohésion.

6. Commencer par un bon vieux team-building

Attention toutefois à préserver l’authenticité de ces moments conviviaux. Des rituels trop systématiques, mécanisés et désincarnés perdent tous leur intérêt et sont même contre-productifs, du fait de la fatigue qu’ils vont générer chez ceux qui les subissent. L’unité à tout prix ne doit pas se faire au détriment du maintien de la diversité et du « one to one » temps dédié à chacun. Attention à ne pas diluer les individus dans un « entre-entre » collectif, d’autant plus fragile qu’il serait soutenu par des méthodes d’animation artificielles, forcées, sans authenticité voire sans aucun lien avec l’espace de travail.

Ce fameux grand rituel souvent placé à un moment clé de l’année reste un moment fort, souvent porteur d’émotions, de souvenirs et de bons moments partagés. Mais ce type de pratique « corporate », souvent top-down, ne constitue plus un facteur d’engagement dans un contexte où les salariés sont devenus plus sceptiques vis-à-vis du fonctionnement institutionnel. Proximité, authenticité, spontanéité sont devenues des valeurs recherchées. Pour les développer, les opportunités de réelles coopérations sont privilégiées, d’abord en petits comités.La connaissance et la confiance mutuelles peuvent se développer plus naturellement. Le team building peut accélérer les choses, mais s’il est déconnecté d’une dynamique collective au quotidien, il sera vécu comme une corvée, une parenthèse dénuée de sens. Un atelier de partage de pratiques concrètes permettant à chacun de s’exprimer sera donc plus efficace qu’un saut en parachute.

Plus que trouver de bonnes réponses, il s’agit de prendre le temps de se remettre en question. Cette période d’incertitude est un contexte avec lequel les collectifs vont devoir composer. Dans ce contexte, si le collectif n’est pas mort, il doit néanmoins continuer à évoluer pour survivre. Il aura besoin du soutien des chefs d’entreprise, des managers et des ressources humaines, et que ces derniers sachent accompagner les collectifs comme nouvelle unité d’analyse et d’action de l’organisation.

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Professeur à emlyon Business School, dont il est l’ancien directeur académique et directeur de l’innovation. Ses thèmes d’intervention et de recherche portent sur la gestion de projet, les structures en réseau et le développement de nouvelles formes d’organisation, la gestion d’équipes transverses et les pratiques innovantes de GRH et de management. […]