Découvrez le troisième de notre série de cinq articles sur les personnages célèbres morts au combat ou dans l’exercice de leurs fonctions en Flandre-Artois-Hainaut pendant la Première Guerre mondiale. La série paraîtra tous les vendredis jusqu’au 11 novembre. Reconnectez-vous au premier deuxième article en suivant ce lien.
Le temps est clément en septembre 1915. Cela faisait un an que les belligérants s’affrontaient et s’affrontaient, de tranchée en tranchée, parfois distants de quelques mètres. Les jours raccourcissent et les soldats s’apprêtent à endurer un autre hiver. Reverrons-nous des moments de convivialité entre soldats, comme ce fut le cas à Noël l’an dernier ?
En attendant, on continue de tuer et de mourir
L’inflammation purulente lui est fatale. Marius Thé meurt le 10 septembre 1915 à l’hôpital de Saint-Pol-sur-Ternoise où il est soigné pour un phlegmon au cou. Le général de brigade est affecté comme automobiliste à l’état-major général et sert dans le 13e régiment d’artillerie à moteur. Il avait 43 ans. Nés en 1871 à Marseille, Marius Thé et son frère jumeau sont très tôt attirés par la pratique du vélo. Les deux frères arrivent bientôt à Paris pour tenter leur chance. Marius est incontestablement le plus talentueux de la fratrie et le cycliste marseillais commence à enchaîner les victoires et les places d’honneur. Il remporte sa première compétition en 1894, lors de la course Paris-Saint-Malo. Au tournant du siècle, Marius Thé abandonne le vélo et devient motocycliste. En 1903, il prend une honorable troisième place au Grand Prix de la République qui se tient au Parc des Princes avant de monter sur la plus haute marche du podium l’année suivante. L’ex-motard devient la gloire de la compétition moto et devient le meneur de circuits célèbres.
La collection de manuels d’histoire a été distribuée à des centaines et des centaines de milliers d’exemplaires. Toujours disponibles à la vente au 21e siècle, les six manuels sont entrés dans l’histoire sous le nom de Malet et Isaac. Né à Clermont-Ferrand en 1864, Albert Malet ne se destinait pas à une carrière d’historien. Mais l’Auvergnat échoue au concours d’entrée à Saint-Cyr. Il abandonne alors la carrière militaire pour la discipline historique et obtient l’agrégation. Albert Malet est alors recruté dans l’équipe du célèbre historien Ernest Lavisse qui supervise, avec Alfred Rambaud, la publication des volumes de l’Histoire générale du IVe siècle à nos jours. En 1902, la réforme tend à unifier l’enseignement secondaire tandis que les programmes scientifiques sont davantage favorisés. Albert Malet est chargé de diriger une collection de manuels nouveaux. Ils formeront des générations et des générations de lycéens. Lorsque la mobilisation est décrétée, l’Auvergnat catholique ne peut être mobilisé en raison de son âge. Mais l’homme se veut républicain et patriote et s’engage comme volontaire pour le front à plus de cinquante ans. Albert Malet sert dans le 63e régiment d’infanterie. Le 25 septembre, le sous-lieutenant prend d’assaut le village de Thélus et disparaît à jamais. Son corps ne sera jamais retrouvé. A la fin de la guerre qui lui survécut, Jules Isaac, historien d’origine juive, succéda à Malet dans l’administration de la collection. Le nom de l’historien décédé reste attaché à la collection. Le Malet et Isaac sont nés.
Situé un peu au nord d’Arras, entre les collines du Mont-Saint-Eloi à l’ouest et de Vimy à l’est et au sud de la colline de Notre-Dame-de-Lorette, le village de Neuville-Saint-Vaast est l’un des épicentres des combats les plus acharnés de l’Artois. C’est dans ce village, dans le bon, ou mal nommé, selon…, Bois de la Folie que Raymond Gigot meurt le même jour qu’Albert Malet. Il avait 30 ans. Le sergent du 24e régiment d’infanterie est né à Perpignan en 1885 et s’installe à Paris pour pratiquer le football. Le Catalan porte les couleurs du Club français lors de la saison 1904-1905 puis poursuit sa carrière aux Clubs sportifs unis de Paris, avant d’être finalement transféré au Stade Français. Le footballeur connaît une fois les honneurs de l’équipe de France. En mai 1905, Raymond Gigot fait partie de l’équipe des Bleus, écrasée par la Belgique, lors d’un match amical à Bruxelles sur le score de 7 buts contre 0.
Déjà père de deux filles, Rudyard Kipling attend désespérément la naissance d’un héritier mâle. Lorsqu’un fils naquit enfin à Rottingdean sur la côte sud de l’Angleterre à l’été 1897, son père avait déjà été couronné de la gloire d’avoir écrit La Jungle et avait écrit deux ans plus tôt, à l’attention d’un fils à naître, le célèbre . poème Se qui est parmi les plus célèbres de la littérature. C’est dire si la pression paternelle est forte sur les épaules du frêle John Kipling. L’adolescent souffrait de myopie, une forme suffisamment sévère pour que son engagement auprès des soldats britanniques soit refusé à plusieurs reprises. Seulement voilà…, Rudyard ne peut accepter que son fils soit exempté et intercède « en son nom ». Alors John est incorporé comme lieutenant dans le 2e Bataillon des Irish Guards. Le 27 septembre, le volontaire vit le baptême du feu malgré lui. Lors de son premier jour de bataille, John Kipling a disparu à Loos-en-Gohelle à seulement 18 ans. Son corps ne sera pas retrouvé non plus. Rudyard Kipling est inconsolable et finance des recherches jusqu’à sa propre mort, en 1936, afin de retrouver la dépouille de son fils. Ce ne sera qu’en 1991… A propos de son insistance à recruter son fils, bientôt suivie de sa disparition au combat, Rudyard Kipling écrit ces lignes : « Si quelqu’un veut savoir pourquoi nous sommes morts, Dis-lui : parce que nos pères ont menti . »
Loos-en-Gohelle, toujours le 27 septembre, Richard Williams est tué par l’ennemi à l’âge de 59 ans. Le soldat combat parmi les hommes du 12e bataillon des Royal Fusiliers et se porte volontaire malgré son âge. Richard Williams est né au Pays de Galles peu après le milieu du 19e siècle, précisément en 1856. On sait peu de choses sur la vie de cet homme avant qu’il ne se fasse connaître par la pratique du rugby à XV, qu’il a apparemment découvert tardivement. Williams avait déjà presque 25 ans lorsqu’il a rejoint l’équipe galloise Newport R.F.C. L’attaquant a ensuite évolué dans les équipes anglaises des universités d’Oxford puis de Cambridge avant d’intégrer l’équipe de rugby de Sandhurst. Une fois et une seule, le joueur enfile le maillot de son équipe nationale mais à l’occasion d’un match d’anthologie pour l’histoire du rugby gallois. Février 1881, le Pays de Galles joue son premier test match sur la scène internationale et affronte son voisin et rival anglais.
Professeur à la faculté de droit de Paris et mère et fille d’un sénateur, Georges Audibert est issue d’une famille de la bonne société lyonnaise. Suivant les traces de son père et de son frère aîné, l’étudiant intègre la faculté de droit. En 1912, il obtient un doctorat en droit, sciences politiques et économie lorsqu’il produit une thèse intitulée La séparation de l’Église et de l’État et l’organisation des cultes protestants ; un sujet qui enflammait la société française une décennie plus tôt. Diplôme d’études supérieures en poche, le jeune médecin est chargé de cours dans la même faculté de droit que son père. Mais il n’a guère le temps d’avouer très longtemps. Georges Audibert est mobilisé au sein du 246e régiment d’infanterie. Le 28 septembre à Souchez, à l’aube, le sergent se porte volontaire pour une mission de reconnaissance dont le but est de reconnaître les lignes allemandes. Georges Audibert sera surpris et tué dans l’attaque contre les positions ennemies. Son nom figure au Panthéon parmi ceux d’autres écrivains déchus. Avocat mais aussi poète, son recueil Sous les yeux de la mort est publié à titre posthume en 1919.
En de nombreux endroits du front d’Artois, des combats font rage fin septembre, également à Servins, à une dizaine de kilomètres à l’ouest du village précédent. C’est dans cette petite ville que Pol Morel fut tué par l’ennemi le jour même. Né dans les Ardennes en 1890, le jeune homme de 25 ans a servi comme lieutenant au 44e bataillon d’infanterie. Ardennes est impliqué dans le cuir depuis son enfance et a rejoint l’équipe de football sponsorisée par A.S. Gros Caillou sportif, club du VIIe arrondissement de Paris étroitement lié à la mouvance radicale-socialiste. Le joueur migre ensuite vers le prestigieux Red Star où il évolue tantôt en tant qu’attaquant, tantôt en tant qu’ailier droit. A son tour, Pol Morel est repéré et devrait porter le maillot tricolore lors d’un match international. En 1911, le sociétaire du club de la banlieue nord est sélectionné à deux reprises comme titulaire en équipe de France. Sans grand succès, la France a perdu deux fois sur le même score de 0-3, d’abord contre la Hongrie puis contre l’Angleterre.
Son nom est aujourd’hui tombé dans l’oubli mais très certainement ses créations sont sous vos yeux au quotidien. Né à Paris en 1872, Georges Peignot est le quatrième enfant d’une famille nombreuse de huit frères et sœurs. L’enfant montre peu de joie ou de disposition pour les études générales. En revanche, il montre une sérieuse aptitude pour les arts graphiques. Il suit en cela le parcours de son père, directeur d’une fonderie d’imprimerie. Admis à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs en 1890, le jeune Georges découvre l’année suivante les métiers de l’imprimerie en Allemagne. De retour en France, son père lui demande de gérer le fonds de typographie nouvellement acquis et de créer de nouvelles typographies. Le fils dépassera de loin les attentes du père. A 25 ans, Georges Peignot crée la police dite Grasset, inspirée de l’art nouveau et commandée par la prestigieuse maison d’édition du même nom. Plus tard, il y aura les polices typographiques Auriol, Cochin ou encore Garamond. Maintenant à la barre du G. Peignot & ; Fils, le destin prospère de l’ancien élève moyen est tracé. En 1914, Georges Peignot a 42 ans lorsqu’il est appelé comme sergent d’artillerie dans l’armée territoriale. Ce dernier regroupe les hommes de 34 à 49 ans dont les capacités physiques sont jugées insuffisantes pour les régiments de première ligne. Au sein du premier régiment d’artillerie, l’industriel apprend la mort au combat de son jeune frère André. Alors Georges se porte volontaire pour les régiments d’active et demande à rejoindre la même unité du 23e régiment d’infanterie coloniale que son autre jeune frère Rémy. Il y arrive en mars 1915, juste avant que Rémy ne soit tué deux mois plus tard. Le 28 septembre, c’est à son tour d’être emporté par le Evil Faller à 43 ans. A Givenchy-en-Gohelle, Georges Peignot vient de sonner la charge lorsqu’il est touché d’une balle au front. Son quatrième et dernier frère mourut un an plus tard.
Son prénom et son nom sonnent français. Lionel Petre est pourtant très anglais et descend d’illustres ancêtres. Du côté de son père, il est un descendant de John Petre, avocat, homme politique et riche propriétaire terrien, dont la lignée a été anoblie en 1603 par le roi James I. Selon son ascendance maternelle, Lionel Petre est un descendant de Charles Caroll qui est le seul signataire de la Déclaration d’Indépendance Américaine de la foi catholique, que la famille Petre et notre jeune Lionel sont restés. Le jeune homme embrasse une carrière militaire et suit les cours de la Royal Academy de Sandhurst. A sa libération, il rejoint le 4th Pioneer Battalion des Coldstream Guards et accède rapidement au grade de capitaine. Lionel était auparavant devenu le 16e baron Petre, à la mort de son père en 1908, et il a également hérité de son siège à la Chambre des lords. Au début de la Première Guerre mondiale, le capitaine anglais est déployé en Belgique avec son unité avant de combattre en Artois. Blessé lors de la bataille de Loos-en-Gohelle, il est évacué vers l’hôpital du Touquet-Paris-Plage où il succombe à ses blessures le 30 septembre à l’âge de 24 ans.
Un poilu comme des centaines de milliers d’autres
Un homme poilu comme des centaines de milliers d’autres sauf Lucien Blanvillain et très certainement serait resté dans le plus strict anonymat s’il n’avait pas été atteint de surdité. On ne sait rien du handicap du natif de Nitry. Il est en tout cas bien évident qu’il a souffert de ce handicap assez tôt pour étudier à l’Institut national de la jeunesse sourde à Paris. A sa sortie, le jeune adulte retourne dans sa section natale de l’Yonne pour occuper un poste de cordonnier. Son handicap l’empêche de s’engager dans l’armée en 1910. Lucien Blanvillain est démis de ses fonctions avant de passer devant une commission d’examen quatre ans plus tard. Et tout est évidemment différent en 1914… D’autant plus que l’artisan manifeste une volonté féroce de se mobiliser. Il sera au 43e régiment d’infanterie coloniale mais se lasse très vite de son activité de cordonnier dans les services de conciergerie. Blanvillain veut se battre et réussit à décrocher un poste de première ligne en février 1915. Sept mois plus tard, le 30 septembre, alors qu’il pose des barbelés sur un avant-poste, il est fusillé sur le plateau de Vimy. Le soldat sourd est décédé à l’âge de 25 ans et a été parmi les premiers handicapés à mourir au front.
Avec l’aide d’un sergent, le député et un capitaine secourent un autre sergent grièvement blessé sur le front de Loos-en-Gohelle. Nous sommes le 26 septembre, Thomas Agar-Robartes est lui-même grièvement blessé par un sniper alors qu’il tire son subordonné de la zone de combat vers l’arrière. Le capitaine engagé dans le premier bataillon des Coldstream Guards est évacué et meurt des suites de sa blessure quatre jours plus tard, le 30 septembre. L’homme que tout le monde appelle Tommy est né 35 ans plus tôt dans une famille aristocratique de Cornwall et est l’aîné de dix enfants. L’adolescent intègre les établissements les plus prestigieux du royaume : Eton puis l’université d’Oxford où la jeunesse peut être turbulente. Membre du luxueux et décadent Bullingdon Club, l’étudiant dépense sans compter et est accro au tabac et à l’alcool. Son parcours universitaire en est évidemment influencé. On dit aussi qu’il est dangereusement inconscient à cheval. Tommy est entré en politique en 1900 et est devenu membre du Parti libéral. La notoriété de sa famille facilite sa carrière, mais l’homme est toujours instable. Thomas Agar-Robartes est un syndicaliste féroce et n’hésite pas à renier le chef de son parti, favorable à un processus de transition visant l’autonomie de l’Irlande. Seul candidat à une élection partielle, Tommy devient député en 1908. Finalement il se calme un peu, l’homme élégant est toujours perçu comme peu fiable au sein de sa formation politique. Homme élégant mais fougueux, Thomas Agar-Robartes se porte volontaire pour le front à l’été 1914.
Joseph Caulle est né à Bosc-le-Hard en 1885. Un type robuste comme le Normand qui a grandi dans un milieu modeste avec un père perruquier et cafetier. Et tout le village a vite remarqué les capacités physiques de l’enfant à courir et à sauter. Joseph pratique donc l’athlétisme et gagne Paris pour poursuivre sa carrière d’athlète de haut niveau dans plusieurs types de courses, comme le 100 mètres, le 200 mètres, le mile ou la course de haies, mais aussi le 800 mètres, une catégorie dans laquelle l’athlète normand est très à l’aise Aussi Joseph Caulle est champion de France sur cette distance en 1909, 1910 et 1911. Le coureur est également choisi pour les Jeux olympiques de 1912 à Stockholm. Eliminé en quarts par un athlète américain, le Normand ne parvient pas à atteindre les demi-finales du 800 mètres. Mobilisé en 1914, Joseph Caulle sert au 41e régiment d’infanterie coloniale en tant que sergent. Le 1er octobre à Souchez, il s’effondre touché par un éclat d’obus et décède à l’âge de 30 ans.
Souchez toujours, le même jour
C’est aussi des éclats d’obus qui emportent Pierre de Rozières. A 28 ans, le jeune homme sert avec le grade de sous-lieutenant de réserve au 360e régiment d’infanterie. Déjà blessé deux fois depuis le début des hostilités, Pierre de Rozières est un brave officier, pour avoir initié un brillant coup d’état quand lui et ses hommes ont pris le cimetière d’Ablain-Saint-Nazaire aux Allemands. . Pour cette action, le sous-lieutenant est fait chevalier de la Légion d’honneur. Pierre de Rozières est né en 1887 dans les Vosges. Fils d’un conseiller régional, le jeune Pierre fait ses humanités chez les Jésuites, d’abord à Dijon puis en Wallonie. Un tour par Nancy et voilà Rozières étudiant à l’Institut Catholique de Paris. Attiré par l’écriture, le poète publie son premier recueil Glas et carillons à l’âge de 21 ans. Son deuxième recueil, Les Pavots gris, publié deux ans plus tard, en 1910, est récompensé par le prix Stanislas de Guaïta. Les Reliques, son dernier ouvrage, est publié en deux volumes posthumes, tandis que le poète est également honoré du prix Jules-Davaine de l’Académie française en 1916. L’écrivain nationaliste Maurice Barrès évoque longuement la figure du jeune poète et combattant. dans son ouvrage Les Diverses Familles Spirituelles de France.
Supporter du Cardiff Football Club, il a financé en partie la construction du stade du club gallois qui, avec reconnaissance, appelle le stade par son prénom : le Ninian Park. Ninian Crichton Stuart est né en 1883 dans une famille noble. Le jeune homme se considère comme un diplomate. Il reste donc à Kiev pour apprendre la langue de Tolstoï. Mais son père, troisième marquis de Bute, mourut pendant le séjour linguistique de son fils. Ninian est donc bientôt de retour en Grande-Bretagne et intègre l’université d’Oxford, en même temps qu’il assimile la réserve militaire, au sein du régiment des Queen’s Own Cameron Highlanders. Désormais marié, le sous-lieutenant revient, plus ou moins, à ses premières amours, non pas la diplomatie mais la politique. Crichton Stuart est membre du Parti conservateur mais fait preuve d’une forte sensibilité sociale et remporte la circonscription de Cardiff. Au sein de l’armée, l’adjoint monte en grade et est nommé lieutenant-colonel au 6e bataillon du régiment d’infanterie du Welch Regiment, avant d’en prendre le commandement peu après. 1914, Ninian Crichton Stuart se porte volontaire pour le front. Son bataillon atteint les Flandres après 16 heures de route et deux nuits blanches. Cependant, aucun repos ne leur est accordé. Au contraire, le 2 octobre, le commandant reçoit l’ordre d’attaquer les tranchées allemandes autour de La Bassée. Bien que harcelés, Crichton Stuart et les membres du Corps expéditionnaire britannique réussissent. Comme une éternelle marée de sang qui va et vient, les Anglais sont emportés et contraints de battre en retraite. C’est au cours de ce recul que le député de 32 ans s’effondre, mortellement atteint au visage par une balle de sniper.
Avril 1912, son père enfin malade, le jeune homme ne peut embarquer sur le gros paquebot, qui, très certainement, l’a tant impressionné, et doit les emmener à New York. Quatre jours plus tard, père et fils apprennent que le paquebot insubmersible Titanic a finalement coulé après avoir heurté un iceberg dans la nuit glaciale. Ce jeune homme qui évite la mort est Charles Mills. Il ne survivra pas au naufrage du navire plus de trois ans. Le 6 octobre, le lieutenant du deuxième bataillon des Scots Guards est tué par l’ennemi dans les combats de Hulluch. Né 28 ans plus tôt, Charles Mills a consacré sa vie à la politique, comme son père homonyme. En 1910, il n’a que 23 ans lorsqu’il remporte la circonscription d’Uxbridge dans la banlieue nord de Londres. Le député conservateur est le plus jeune député et gagne le surnom de « Baby of the House ».
Il était un ami d’Henry de Montherlant et on dit de lui qu’il aurait inspiré à l’écrivain fasciste Lucien Rebatet le personnage de Régis dans son roman Les Deux Bannières. Marc de Montjou est né un jour de l’hiver 1896. Si l’enfant ouvre les yeux dans le deuxième arrondissement de Paris, sa noble famille est vendéenne et poitevine et le lieutenant paternel. Pourtant, c’est à Paris que le petit Marc grandit et passe son adolescence. L’étudiant en philosophie de l’Institution Notre-Dame de Sainte-Croix de Neuilly rencontre le célèbre écrivain Henry de Montherlant, qui deviendra son ami. Montherlant le cite abondamment dans son essai La Relève du matin, publié en 1920. Cependant, Marc de Montjou n’a jamais lu l’hommage de son condisciple de Neuillé. Le 7 octobre, celui qui est passé par l’Ecole polytechnique sert entre-temps comme cadet au 49e régiment d’artillerie et est tué à son poste de combat à Loos-en-Gohelle. Montherlant prête à son ami les mots suivants, qu’il transcrit dans sa Relève : « Ça m’est égal de mourir. Je n’ai jamais rien fait de mal. »
La revue biblique est fausse. Jean Juster n’est pas mort en novembre 1915 mais le mois précédent, plus précisément le 12 octobre, à Givenchy-lès-La-Bassée. Volontaire pour les régiments actifs, il a déjà été blessé et obligé de retourner au front après sa guérison. 1881, Jean Iancu Juster naît à Piatra Neamt, dans la partie du Royaume de Roumanie qui deviendra plus tard la Moldavie. Sa famille jouit d’une certaine influence dans la communauté juive locale. Alors qu’il étudie le droit à Bucarest, Iancu obtient sa licence en 1903. Le jeune juif roumain est favorable à la création d’un foyer national juif en Palestine. En 1905, Juster faisait partie des délégués roumains au 7e Congrès sioniste tenu à Bâle, en Suisse. C’est alors à Paris que le juriste poursuit sa formation et entame son doctorat. 1912, Jean Juster porte la toge et prête serment au barreau de Paris mais l’avocat roumain nouvellement naturalisé est contraint de retourner dans sa ville natale pour subvenir aux besoins de ses parents vieillissants. Il ne reviendra en France que pour participer à la guerre. Spécialiste du droit romain et de l’histoire des Juifs durant l’Antiquité et le Haut Moyen Âge, il est célèbre pour ses ouvrages La Condition juridique des Juifs sous les rois wisigoths et Les Juifs dans l’Empire romain, Leur condition juridique, économique et sociale. . .
L’année 1915 s’incline et emporte avec elle bien des cœurs ardents. Les Pays-Bas français connaissent un calme relatif après la deuxième bataille de l’Artois, qui se termine en novembre 1915. Le terrible choc se déplace désormais vers l’Est. Autour de la ville de Verdun et en Lorraine, il y a une énorme concentration de troupes. Cependant, la guerre continue dans nos terres du nord et la mort guette toujours.
Comme son compatriote Richard Williams, Louis Phillips est une légende du rugby originaire de Newport, une ville du sud du Pays de Galles où Louis est né en 1878 avant d’occuper le poste de demi de mêlée dans l’équipe locale Newport R.F.C. Le talent du petit Gallois de 1,68 mètre est reconnu alors qu’il a 22 ans. En 1900, il remporte sa première des quatre sélections pour l’équipe nationale du Pays de Galles lors d’un match contre le rival anglais. Les Welsh Dragons ont également remporté le British Rugby Union Tournament en mars de la même année devant l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande, toujours unies et complètement sous domination anglaise. La carrière de Phillips a cependant été de courte durée. Dernière participation au British Tournament de 1901 au cours duquel il ne dispute qu’un seul match et le joueur disparaît des radars jusqu’à la Première Guerre mondiale. Attaché au 20e bataillon des Royal Fusiliers, il est stationné le 4 mars 1916 près du village de Cambrin lorsqu’il reçoit l’ordre de partir dans la nuit pour inspecter les éventuelles tranchées britanniques endommagées et, si nécessaire, les réparer. Louis Phillips ne reviendra pas de sa tournée.
17 victoires dans les airs avant que le vol ne lui soit fatal. Max Immelmann meurt au-dessus de la ville houillère de Sallaumines. Le crash du pilote allemand est entouré de mystère. On ne sait pas s’il a subi des dommages en vol affectant son système de synchronisation de tir à travers l’hélice de son avion ou s’il a été touché par des tirs d’artillerie anti-aérienne depuis ses propres lignes. Les Anglais ont une toute autre version et revendiquent la victoire. Selon eux, l’avion de l’Oberleutnant a été abattu par un chasseur britannique. Quelles que soient les circonstances du décès, tout le monde s’accordera à dire qu’Immelmann est l’un des as de l’aviation allemande. Ayant fait ses premières armes comme pilote de surveillance, il est affecté dans un escadron de chasse de la région lilloise. A Lille, il a même gagné le surnom de Der Adler von Lille. L’Aigle de Lille laisse son nom à une voltige appelée Immelmann, qui consiste à effectuer une demi-boucle avant de provoquer un demi-tonneau en haut de la boucle pour inverser dramatiquement la trajectoire de vol et détourner le pilote ennemi. Il est le premier pilote à recevoir la médaille Pour le Mérite. Décédé à l’âge de 25 ans, Immelmann est né à Dresde et a entrepris des études de génie mécanique dans cette même ville de Saxe.
Toujours rugbyman et toujours originaire de Newport au Pays de Galles, comme ses amis Louis Phillips et Richard Williams. C’est en 1882 que naît Charles dit Charlie Pritchard. Et comme tout natif de Newport, semble-t-il, le jeune commence une carrière de joueur de rugby. Il est bien trop jeune pour côtoyer Richard Williams en équipe et en sélection et succède quelques années dans le jeu à Louis Phillips. Pilier du Newport R.F.C., le joueur a porté le maillot de son club plus de 220 fois en deuxième ou troisième ligne. Charlie occupe le poste d’attaquant et connaît tour à tour les honneurs de la sélection nationale depuis mars 1904 lorsque l’attaquant participe à son premier match international face à la sélection irlandaise mais il fait surtout partie de l’artisan collectif de la victoire historique des Dragons. contre les déjà redoutés All Blacks de Nouvelle-Zélande en 1905. Cinq ans plus tard, il avait 14 sélections en équipe nationale et trois victoires dans le tournoi britannique à la fin de sa carrière. Juin 1916, Pritchard rejoint le régiment des South Wales Borderers et part au front avec le grade de capitaine du 12ème bataillon. Le 13 août, le capitaine est affecté avec ses hommes à une attaque dont le but est de capturer des soldats allemands. Si l’opération réussit, Pritchard est grièvement blessé par balle et transféré dans une pharmacie de Chocques. Il y mourut le lendemain, à l’âge de 33 ans, après s’être simplement assuré qu’il n’avait pas failli à sa mission.
Le « Baron Rouge » signe la première victoire qui construit sa légende et sa victime s’appelle Tom Rees. Lieutenant dans le Royal Flying Corps, le pilote britannique est promu capitaine le 17 septembre. Quelques heures plus tard, en fin de matinée, l’observateur Rees décollait avec son pilote Lionel Morris pour une dangereuse mission derrière les lignes allemandes. La mission est d’autant plus difficile à accomplir, mais Tom Rees ne peut pas savoir que sur le secteur où l’appareil anglais s’apprête à voler, chevauchait un aviateur allemand, qui va bientôt faire trembler toute la caste alliée des chasseurs aériens. Il s’appelle Manfred von Richthofen, pas un as mais « le » futur as combattant. La rencontre entre les deux avions a eu lieu vers 11 heures. et fut fatal aux pilotes britanniques qui s’écrasèrent près de Marcoing alors que le futur « Red Baron » signait la première de son impressionnante liste de 80 victoires aériennes. Né au Pays de Galles en 1895, le capitaine Tom Rees est mort à seulement 21 ans.
Aussi invincible que le « Baron Rouge » commence à devenir, il apprendra qu’aucun pilote de chasse n’est immortel. Il ne reste plus qu’un mois à vivre pour son commandant Oswald Boelcke. Qui est-il? Ne manquez pas le troisième épisode de la série sur les personnages célèbres morts aux Pays-Bas français pendant la Première Guerre mondiale, qui sort le 4 novembre.
Crédits photos : genealogyeaupaysdejeanne.blogspot.com (Pierre de Rozières), Darren Wyn Rees (Ninian Crichton Stuart)
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